Quel cirque autour du diplôme d’architecte ! Au nom de l’harmonisation européenne et d’une obsolescence, qui fait l’unanimité, le ministère est sommé de réformer cette vieille institution dont la naissance, en 1867, se fit pourtant dans l’indifférence générale, comme nous le rappelle fort à propos Marie-Jeanne Dumont dans « Vie et mort d’un diplôme » (p12). Ordre des architectes, syndicats, architectes et étudiants, personne ne semble y trouver son compte. L’État, que la profession accuse traditionnellement de toutes les inepties en même temps qu’elle en attend béatement le salut, apparaît évidemment comme le coupable de l’histoire. Il faut dire qu’en France, râler contre le pouvoir politique est un sport qui n’a jamais empêché de ramper sur la moquette des ministères. Le jeu est certes moins confortable depuis que le béton poli a remplacé la moquette, mais l’ascension n’en est que plus rapide. Mais nous nous égarons… Revenons à ce diplôme qui a soudainement l’air de faire rêver. Car, ce n’est un secret pour personne, sauf peut-être pour les étudiants : ce diplôme n’a jamais servi à rien et presque tout le monde s’en contrefiche ! Et pour cause : on le donne depuis longtemps à qui le veut. Ne pas l’obtenir ne peut relever encore aujourd’hui que d’une volonté masochiste de tester le laxisme des jurys. Qui s’étonnera ensuite que les architectes qui embauchent ne vérifient jamais si le jeune impétrant est diplômé ou pas ? A-t-on jamais vu un maître d’ouvrage demander de quoi était fait le diplôme de son maître d’œuvre ? On sait que seule l’inscription ordinale obligatoire rend aujourd’hui nécessaire l’obtention de cette formalité administrative. L’avenir incertain de l’architecture (lire aussi p15 : « Fuck the building ! » ? par Valéry Didelon) ne repose peut-être pas sur la réforme du diplôme, mais il est sûr que rien ne sera possible tant qu’il restera aussi peu crédible.
Emmanuel Caille