C’est dans la confrontation de la création architecturale avec l’environnement hérité d’un passé esthétiquement idéalisé que se manifeste la plus violente opposition à l’architecture contemporaine. Le paradoxe étant, évidemment, que cette condamnation de la modernité trahit une ignorance patente de la nature même de ce que défendent les laudateurs d’un « autrefois » idéalisé. « C’est au sein même de toute époque que se situe la modernité. Elle ne se diffère pas », écrit Henri Gaudin dans le brûlot exalté et génial qu’il vient de publier et sur lequel nous reviendrons*. Des tours à Paris peut-être, nous dit-on – mais seulement là où il y en a déjà ou le long du périphérique. Autrement dit : de l’architecture moderne, oui, mais uniquement là où le paysage est déjà dégradé ou « dénaturé ». Transformer les centres-villes dit « historiques » en sanctuaires, c’est ignorer que leur beauté tient justement aux hybridations, confrontations et autres rencontres improbables qui les ont faits tels qu’on les aime aujourd’hui. Certes, les architectes se sont souvent faits les complices d’un vandalisme qui n’était pas qu’une soumission à la loi du marché, la médiocrité n’excluant pas la prétention du geste ostentatoire. Mais entre impéritie et démagogie, le dialogue est souvent cruel avec les édiles. À tous les niveaux de décision, cependant, les mentalités évoluent. En témoigne notre dossier consacré ce moi-ci à l’architecture des centres anciens. On y voit que les réussites ne sont dues ni au pastiche, ni à une excessive discrétion, ni à la solitaire et amnésique affirmation de soi, mais à la confrontation vertueuse d’une parole singulière, déterminée par le présent, avec la complexité du monde.
*Henri Gaudin, « Considérations sur l’espace », éditions du Rocher.
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