Par art et par nature. Architectures de guerre |
L’intérêt pour l’américanisme, initié par Jean-Louis Cohen au début des
années 1990, avait trouvé un premier aboutissement dans l’exposition et
publication Scènes de la vie future, qui s’est tenue au Centre canadien
d’architecture à Montréal en 1995. Vingt-cinq ans plus tard, l’ouvrage
Construire un nouveau monde. L’amerikanizm dans l’architecture russe, qui
accompagne la nouvelle exposition du CCA, constitue un déploiement du sujet sur
le terrain russe et soviétique, cher à l’auteur. Dans un panorama historique de cent trente ans, allant de 1861 à 1991 et
particulièrement développé sur la période 1917-1960, il met en évidence la
permanence des relations américano-russes et soviétiques, où seule la période
de 1946 à 1953 constitue un véritable moment de rupture et de rejet. La fascination de la Russie capitaliste et socialiste est en effet «
persistante et multiforme » et se traduit dans le « mouvement continu entre la
sphère des représentations et celle de la pratique ». Elle passe par de
multiples lieux, acteurs et objets : la sensibilité aux questions de
nationalisation du sol telles que défendues par Henry George ; le ménagement
scientifique du travail et le paradigme de la mécanisation issus des modèles
fordistes et tayloristes qui touchent tous les domaines, de la production
automobile et l’organisation du chantier aux avant-gardes picturales,
cinématographiques et théâtrales ; les réappropriations contrastées de la
figure du |
gratte-ciel ; l’intérêt pour l’urbanisation horizontale chez les désurbanistes, puis
après la Seconde Guerre mondiale ; la métonymie, où Nijni Novgorod, avec son
usine Avtostroï est nommée « le Detroit soviétique » ; mais aussi
l’américanisation de l’alimentation russe, à travers l’industrialisation et la
maîtrise des techniques de froid. L’ouvrage aurait d’ailleurs pu s’appeler
L’amerikanizm dans la société russe et soviétique, tant il dépasse le strict
champ architectural.
L’iconographie reflète la richesse des thèmes et des domaines abordés.
Issue des publications et des archives publiques ou privées russes et
américaines, dont le très riche fonds du CCA, elle est d’une grande variété :
affiches publicitaires ou de cinéma, cartes postales, photographies, dessins techniques
et de présentation, objets de la vie courante. Si certaines images, telles les
fantaisies urbaines de Iakov Tchernikhov avec son univers de gratte-ciels et de
bandes transporteuses, sont déjà bien connues, beaucoup restent rares ou
inédites : les magnifiques planches de l’architecte Viatcheslav Oltarjevski,
issues de Contemporary Babylone. New York de 1933 ; les photographies réalistes
par Ilf et Petrov lors de leur voyage aux États-Unis en 1935-1936 ; les
brochures de propagandes destinées aux visiteurs de l’exposition de New York de
1939 ; les panneaux de l’exposition sur l’architecture américaine de 1945 ; les
photographies des stands et événements de l’exposition américaine à Moscou de
1959, dont le montage audiovisuel Glimpses of the USA de Charles et Ray Eames
ou le défilé de mode ; ou encore, plus savoureux, une urne de Palekh
commémorant le premier vol direct entre l’URSS et les États-Unis en 1938, ou
une photographie d’une Américaine dégustant le ragoût de porc en conserve
expédié aux États-Unis en 1944. De quoi offrir un panorama contrasté, loin de
la vision binaire trop longtemps véhiculée des deux côtés de l’ancien mur.
Élisabeth Essaïan
Construire un nouveau monde. L’amerikanizm dans l’architecture russe, Jean-Louis Cohen,
Éditions de la Villette, 24 x 17 cm, 544 p., 39 euros.
Dum Dum, Lukasz Wojciechowski, éditions çà & là 21 x 15 cm, 272 p., 25 euros [...] |
La couleur des choses, Martin Panchaud, Éditions çà et là , 17 x 23 cm, 236 p., 24 euros [...] |
Que notre joie demeure, Kevin Lambert, éditions Le Nouvel Attila20 x 14 cm, 368 p., 19,50 euros. [...] |
Tentatives périlleuses, Treize tragédies architecturales, Charlotte van den Broeck, Héloïse d’… [...] |
La Grande révolution domestique, Dolores Hayden, Éditions B4214 x 22 cm, 376 p., 29 euros. [...] |
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