Dum Dum, Lukasz Wojciechowski, éditions çà & là

Rédigé par Emmanuel CAILLE
Publié le 14/12/2023

Article paru dans d'A n°313

Dum Dum, Lukasz Wojciechowski, éditions çà & là

21 x 15 cm, 272 p., 25 euros

Après Ville nouvelle et Soleil mécanique, l’architecte polonais Lukasz Wojciechowski publie sa troisième bande dessinée chez le même éditeur, çà & là, et – ce n’est pas un hasard – que le livre de Martin Panchaud (lire ci-dessus/dessous). Rappelons l’originalité de cet auteur : toutes les planches sont dessinées sur AutoCAD. Un peu comme les musiciens de Kraftwerk qui, avec une écriture épurée et des sons générés numériquement, produisaient des chansons incroyablement poétiques, les dessins de Wojciechowski parviennent à une expressivité et une poésie avec un minimum de traits, tirant même de cette épure la force de son art. On le sent plus libre dans ce troisième ouvrage, s’affranchissant des codes du genre censés retenir l’attention du lecteur, les 262 pages du récit l’autorisant à jouer de pages quasiment blanches pour mieux rythmer le fil de l’histoire. Certaines pages, uniquement constituées d’une ligne horizontale, comme le poids d’un silence surgissant du récit, sont parmi les plus émouvantes, rarement un simple trait droit aura été si éloquent. Mais toutes les planches ne sont pas si dépouillées et l’auteur parvient à rendre ses personnages, et même des foules, très expressifs. L’histoire, inspirée de deux photographies de famille, est celle de Stan, un rescapé de la Grande Guerre traumatisé par la violence des combats et de l’occupation prussienne de la Pologne. Accueilli à Berlin par un cousin qui lui obtient un poste de dessinateur dans l’agence qui conçoit le nouveau tramway, Stan est hanté par le bruit des balles (« dum dumd »). La ville moderne qui se construit avec ses bruits, sa frénésie, le spectre du nazisme qui s’impose sournoisement, fait resurgir en lui les délires post-traumatiques et les drames de l’enfance. On y croise le chat Rokita, Anne une étudiante en psychologie, les films expressionnistes de Robert Wiene ou Fritz Lang et les architectures de Behrens, Poelzig, Mies van der Rohe ou Mendelsohn et bien d’autres, que la guerre suivante a détruit.

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