Musée national romain du Palazzo Massimo alle Terme, Rome |
Au-delà de la vision, la lumière joue un rôle fondamental dans la régulation du cycle veille-sommeil (cycle circadien). Elle déclenche, sous certaines conditions, la production d'hormones indispensables à l'équilibre biologique. À la fin des années quatre-vingt, la société iGuzzini a développé des appareils d'éclairage corrigeant les rythmes circadiens altérés par le travail nocturne ou les déplacements intercontinentaux. Peu diffusé dans le monde auquel il était destiné, le système vient de trouver un nouveau domaine d'application dans la muséographie. La vision n'est pas la seule fonction de l'œil. |
Parmi les récepteurs de la rétine, schématiquement décrits sous la forme de bâtonnets et de cônes, une partie sert aussi à la régulation de l'horloge biologique selon un cycle d'environ 24 heures, le cycle circadien (circa die = une heure). Stimulé par un certain type de lumière, l'organisme produit une série d'hormones – sérotonine, mélatonine – qui commandent le rythme veille-sommeil. Selon les biologistes, le système circadien aurait gardé la mémoire des temps reculés où l'homme, encore chasseur-cueilleur, réglait son activité sur la lumière du jour. Ce système est particulièrement sensible aux lumières dites « froides » et à des températures de couleur élevées, correspondant à celles que l'on observe dans des ciels très bleus. Une autre de ses spécificités est sa faible réactivité : contrairement au système visuel, il a besoin de grandes quantités de lumière pour être stimulé. Ses temps de réaction se mesurent en minutes et non en fractions de seconde. Pour cette raison, il n'est pas sensible aux flashs lumineux pouvant survenir la nuit, lors d'un orage par exemple.
La vie moderne est très perturbante pour le système circadien : les horaires décalés, le travail de nuit, les voyages en avion sont autant de facteurs contribuant à son dérèglement. Le jet-lag, le seasonal affective disorder (SAD, un trouble de l'humeur) en sont des symptômes. Serait-il possible de les corriger en récréant la lumière circadienne ? En 1988, la société italienne iGuzzini a lancé, avec le laboratoire du Lighting Research Center du Renssealer Polytechnic Institute de Troy, un programme de recherche pour la mise au point d'un « système d'illumination variable et de régulation automatique » (Sivra) destiné aux lieux privés de lumière naturelle : sous-marins, laboratoires, espaces souterrains, capsules spatiales, postes de commande d'usines, etc.* Le Sivra était constitué d'un luminaire équipé de vingt-deux tubes fluorescents et d'un module de pilotage électronique commandant le déclenchement de quatre cycles lumineux. Des pics de lumière bloquaient la création de mélatonine, l'hormone qui déclenche le sommeil, aux moments où les employés avaient tendance à s'assoupir. On envisagea d'installer le Sivra dans les avions afin de diminuer les effets du jet-lag. Des problèmes juridiques et administratifs entraînèrent l'abandon de cette application.
Le système a été recyclé depuis dans les espaces où l'on souhaite obtenir un éclairage évoquant la lumière naturelle : boutiques, aéroports… L'évolution des systèmes de gestion automatiques des appareils d'éclairage facilite son emploi : un DMX ou un programme dédié manipulable par tous remplace le système informatique initial, qui tenait de l'usine à gaz. Sivra a trouvé un nouveau domaine d'application dans la muséographie. L'architecte Stefano Cacciapaglia l'a utilisé pour la nouvelle scénographie des fresques de la villa della Farnesina, dont les fragments sont exposés au Musée national romain. Il n'est plus question de santé, mais de recréer les cycles de variation de la lumière du jour, afin de restituer les conditions originales de vision des fresques. En une centaine de secondes, la température de lumière passe de 2 700 K à 6 500 K. Les lampes – des tubes fluorescents – sont cachées derrière des toiles diffusantes en « os de seiche » recréant un ciel artificiel. S'il paraît ambitieux de réguler le cycle circadien par une projection lumineuse de quelques minutes, le système aura au moins le mérite de réveiller les visiteurs assoupis.
* Le développement de ce projet est rapporté dans More than vision, Editoriale Domus - iGuzzini, mars 2007.
Date du projet : 2010. Maître d'ouvrage: Musée national romain du Palazzo Massimo alle Terme, Rome. Maître d'œuvre: Stefano Cacciapaglia, Carlo Celia, avec Anna Marcucci et Marco Tondo. Consultant lumière : Carolina de Camillis, Riccardo Fibbi. Fabricant: iGuzzini
Crédits photos: Roberto Lucignani
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