Antipolis |
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Antipolis, Nina Léger,
Gallimard, 14 x 20 cm, 176 p., 17 euros.
Dans une langue magnifique, Ã la fois classique,
retenue et riche, ce roman est aussi un récit très informé de la création d’une
nouvelle ville dédiée à la sagesse, au savoir et au progrès dans le sud de la
France, Sophia-Antipolis. Il tresse habilement divers personnages et
époques : on voit ainsi se déployer successivement la rencontre amoureuse
du héros de cette épopée, Pierre Laffitte (1925-2021), tout jeune
polytechnicien inspiré, avec la femme qui le poussera à conjuguer son utopie
urbaine du mode conditionnel au futur de l’indicatif ; la découverte en
hélicoptère d’un site de milliers d’hectares parfaitement sauvages face à la
mer grâce à un préfet enthousiaste ; le chantier et ses atermoiements
politiques, financiers et constructifs dans les années 1970 ; des années
plus tard, alors que la ville est devenue une technopole internationale, les
récits de vies plus mineures : celles de deux jeunes diplômées d’une
prestigieuse école du campus, et surtout celles d’une jeune femme promoteur
immobilier ambitieuse, confrontée à la présidente de l’association locale des
harkis, qui vient rappeler que sur ce site où « il n’y avait rien et il y
aurait tout », il y avait un camp de harkis qu’on dut chasser pour faire
place aux promesses de la modernité.
Le livre, qui se lit bien comme un roman, est
aussi un véritable travail de recherche – archives, entretiens, qui
nourrissent la narration sans jamais l’alourdir. Par-delà la mise en scène
parfois dramatique d’une pièce de théâtre paysagère, urbanistique et
immobilière, c’est aussi le portrait d’une époque où la foi dans un progrès
universaliste commence à vaciller sous les coups de mai 68, de la décolonisation
en général et de la guerre d’Algérie en particulier. Par-delà le plaisir de
lecture littéraire que cette fiction documentaire, ou ce récit romancé,
apporte, c’est aussi une ode aux ambitions constructrices de l’homme pour lui offrir
une vie meilleure, fût-elle au prix d’une autre colonisation, celle de la
nature – préoccupation écologique qui eût alors relevé de l’anachronisme.
Curieusement, la précision des descriptions de l’aventure aménageuse ne laisse
presque aucune place à l’architecture. Le seul nom d’architecte cité est celui
de Pierre Fauroux, et il ne l’est que pour signaler que l’édifice (au programme
il est vrai paradoxal de mairie-église) qu’il a réalisé à Mouans-Sartoux
fonctionne mal, que son escalier serait un repère de délinquants et qu’il est
surnommé par les habitants « la lessiveuse ». Ailleurs, nous lisons
qu’à l’origine de l’opération, les constructions étaient
« rectilignes », « mathématiques, donc universelles, donc
éternelles » ; et que trente ans après elles « refusent les
orthogonales, prennent modèle sur des plantes tropicales », mais la chose
importante c’est que « des bâtiments naissent et la forêt recule »
(p. 78-79). Nina Léger, normalienne, auteure d’une thèse de doctorat sur
le retour à la perspective dans l’art contemporain, signe ici son troisième
roman. GMJ
Dum Dum, Lukasz Wojciechowski, éditions çà & là 21 x 15 cm, 272 p., 25 euros [...] |
La couleur des choses, Martin Panchaud, Éditions çà et là , 17 x 23 cm, 236 p., 24 euros [...] |
Que notre joie demeure, Kevin Lambert, éditions Le Nouvel Attila20 x 14 cm, 368 p., 19,50 euros. [...] |
Tentatives périlleuses, Treize tragédies architecturales, Charlotte van den Broeck, Héloïse d’… [...] |
La Grande révolution domestique, Dolores Hayden, Éditions B4214 x 22 cm, 376 p., 29 euros. [...] |
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