« L’inverse de l’ébriété n’est pas la sobriété, c’est la robustesse » ; écrit le biologiste Olivier Hamant. Il y a peu de textes dont la lecture délimite un avant et un après comme le fait son Tract, à moins que vous n’ayez déjà lu son précédent ouvrage La troisième voie du vivant, paru en 2022 chez Odile Jacob. Le format de la collection Tracts de Gallimard donne évidemment à ce texte un impact plus politique. Dans une approche très contre-intuitive, l’auteur met en garde contre le culte de la performance et de l’optimisation et explique combien les contre-modèles de la décroissance et de la frugalité heureuse, malgré leurs louables intentions, s’inscrivent dans les mêmes paradigmes délétères. Transposant de manière convaincante au fonctionnement de notre société productive et consumériste sa connaissance du vivant, il oppose à la recherche de l’efficacité celle de la robustesse. Les 60 pages qui se lisent en un trait sont difficiles à résumer tant chaque page concentre déjà son propos en autant de formules qui font mouche et qu’il serait vain de paraphraser. EC
« Nous produisons du développement durable, une injonction de sobriété et surtout beaucoup d’éco-anxiété. Et si nous faisons fausse route ? »
« Toute performance soumise à une mesure tend à s’autojustifier jusqu’à aller contre son objet. »
« … efficacité et efficience sont les instruments d’une optimisation qui nous enferre dans une voie étriquée, et donc inadéquate si tout change tout le temps. (…) Dans un monde turbulent, il nous faudra basculer de l’adaptation vers l’adaptabilité. (…) le monde stable appelle l’adaptation ; le monde instable, l’adaptabilité. »
« La robustesse comme réponse opérationnelle aux fluctuations sociale, financières, sanitaires, écologiques, énergétiques ou géopolitiques va définir l’ère qui s’ouvre. (…) à l’avenir, le progrès de l’humanité sera nécessairement guidé par des gains de robustesse, contre l’optimisation. »
« …proposer à une personne démunie d’être sobre est indigne ; lui ouvrir la voie de la robustesse est nettement plus pertinent. »
« …donner le primat de la frugalité et à l’efficience énergétique sur tout le reste risque de nous maintenir sur la trajectoire fatale du monde de la performance. »
Quand on met l’accent sur la performance (…) Dans la construction (…) cela conduit à l’utilisation de matériaux super isolants, mais dont la fabrication est très coûteuse en énergie, l’usage pollue les intérieurs et le démantèlement demande de nouveau beaucoup d’énergie. »