Aérolite, 2007. Spectacle de Xavier Veilhan |
Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunkel, du duo Air, sont, avec Daft Punk, les seuls artistes pop français ayant acquis une reconnaissance internationale. Sous l’apparence trompeuse d’une suavité familière, leur musique est irriguée de sonorités inattendues : des mélodies faussement naïves qui naissent d’une tension entre l’usage subtil de réminiscences harmoniques et l’étrangeté qui en émane en écho. Ancien étudiant en architecture, à Versailles puis à la Villette, Nicolas Godin a gardé de sa formation une conception très spatiale de la musique et un goût pour les collaborations transversales avec d’autres artistes, d’Angelin Preljocaj à Sofia Coppola. Dans l’esprit d’Oskar Schlemmer au Bauhaus, le duo a récemment collaboré au spectacle Aérolite de Xavier Veilhan à l’occasion de l’exposition Airs de Paris au Centre Pompidou… |
D’A : En 1995, en pleine explosion de la vague électro de la French Touch dont vous êtes l'une des figures majeures, vous sortez votre premier single en hommage à Le Corbusier : c'était plutôt osé !
Nicolas Godin : Modulor Mix est un clin d’oeil, le morceau a été enregistré alors que j’étais encore à l’école d’architecture. Avec le Modulor, Le Corbusier a pensé à tout l’environnement de l’habitat mais pas à la musique. Pour nous, le bien-être c’est aussi l’environnement musical. L’idée m’est venue de composer une musique à écouter dans un espace conçu selon les principes du Modulor. Contrairement à nos autres compositions, Modulor Mix est très conceptuelle, il n’y a pas de mélodie, on pourrait dire que c’est une musique design.
D’A : Ta formation d'architecte a-t-elle influencé ta façon de faire de la musique ?
N. G. : Oui, surtout en studio, je pense toujours en termes de fondation, d’ordonnancement, de structure. Les gens qui travaillent avec nous me le font remarquer. Nigel Godrich (producteur des derniers albums de Air, mais aussi de Radiohead, Beck, McCartney, REM ou U2) me dit toujours que j’agis comme un architecte.
D’A : L'AIR, c'est ce à partir de quoi les sons et l'espace se manifestent ?
N. G. : Oui, les analogies sont évidentes. Quand un espace est défini entre deux murs, ce qui est important
ce ne sont pas les murs mais ce qu’il y a entre les murs, ce qu’ils définissent spatialement. Notre musique, on la voit comme un trait et un point qui permettent de créer une distance entre deux sons. Elle est essentiellement spatiale, on essaye de la définir avec un minimum de moyens : par exemple, une ligne de basse que vient soudain ponctuer un événement, comme un petit sonar. C’est la distance entre les deux qui produit cette musique. Pour moi, c’est très proche de l’architecture.
D’A : Il y a un concept autour duquel se rencontrent parfois la musique et l'architecture, c'est celui d'ambiance. Brian Eno avec Music for Airport par exemple, a donné ses lettres de noblesse à une forme musicale autrefois méprisée : la musique d'ambiance (c'est-à -dire à une matière sonore dédiée à un espace particulier). Vous reconnaissez-vous dans cette filiation ?
N. G. : Non, je ne m’y reconnais pas, sauf dans le Modulor Mix, mais nous l’avions fait avec humour. C’est pourtant une chose que nous aimerions beaucoup faire avec Jean- Benoît. Généralement, les artistes intéressants dédaignent ce genre de choses et ce sont des gens sans talent qui le font, alors qu’il y a beaucoup de pistes à explorer. J’y pense souvent en entendant les fonds musicaux des halls d’hôtel auxquels nos longues tournées nous exposent. Malheureusement, entre le studio et les concerts, il n’y a qu’un dixième des choses que l’on voudrait faire que l’on parvient à entreprendre.
D’A : Vous avez composé pour le cinéma, notamment pour la bande originale de Virgin Suicide de Sofia Coppola : est-ce le même type de rapport que tu établirais avec l'architecture ?
N. G. : De même qu’au cinéma la musique est déterminante sur la perception d’une scène, elle peut l’être
avec l’espace que l’on habite. Il est évident que l’on ne perçoit pas l’espace de la même manière selon la
musique que l’on y entend et la musique elle-même nous touche différemment. On pourrait concevoir un bâtiment avec un musicien, non pas comme Eno pour le meubler mais pour créer une émotion chez la personne qui va y entrer, la musique non pas pour accompagner (comme en avion) mais pour vivre une expérience.
D’A : Quand tu composes, tu penses à des paysages ?
N. G. : Oui, mais curieusement c’est peut-être simplement parce que les seuls moments de calme entre les
concerts, nous les passons la nuit sur la route à travers les déserts, et cela a sans doute beaucoup influencé notre musique, trop maintenant peut-être. Avec Pocket Symphony, je crois que l’on est arrivé au bout d’un cycle, on a vraiment envie de faire autre chose désormais. C’est notre quatrième tournée mondiale… Il faut faire attention, parce que si la musique est trop attachée à un paysage, elle peut avoir un sens pour nous qui nous remémorons ce paysage, mais ceux qui l’écoutent ailleurs et autrement la percevront avec moins d’intensité.
D’A : Quels sont vos projets après cette tournée ?
N. G. : Nous continuerons nos collaborations comme nous l’avons fait avec Charlotte (Gainsbourg) ou Xavier (Veihlan), mais notre priorité est aujourd’hui le nouvel album que nous enregistrerons dès que le studio que nous faisons construire à Paris sera prêt.
D’A : Comment s'est passée votre collaboration avec Xavier Veilhan pour Aérolite ?
N.G. : Nous nous sommes rencontrés à New York en 1997, alors que nous travaillions sur l’environnement
visuel de Moon Safari avec Mike Mills. Xavier y avait une exposition en même temps. Plus tard, il a fait une couverture avec nous, que lui avaient commandée les Inrocks, il m’avait dédoublé, nous étions trois avec Jean-Benoît, la suite logique était que nous fassions vraiment un projet à trois. Est venue ensuite cette proposition de « spectacle vivant » du Centre Pompidou autour de l’exposition Airs de Paris, pour lequel Xavier nous a demandé de composer et de jouer sur scène. Nous avons eu très peu de temps pour composer et préparer.
D’A : Et comment est venue l'idée de la pochette qu'a réalisée Xavier Veilhan ?
N. G. : À l’heure de la profusion d’images, nous nous sommes demandé pourquoi certaines pochettes restaient ou ressortaient parmi plein d’autres, comme dans cette pub où des milliers de pochettes sortent d’un iPod. Il y a toute une tradition de collaboration entre musique pop et artistes qui remonte à Wahrol et au Velvet et s’est prolongée avec New Order et Robert Longo ou Sonic Youth et Mike Kelley. Pour chaque album, nous avons travaillé avec un artiste différent, le graphiste Mike Mills, le designer Ora Ito, le photographe Richard Prince.
D’A : Oui, justement, pour l'album 10 000 HZ Legend, Ora Ito avait conçu une maison spécialement pour vous ?
N. G. : Oui, c’est une maison dans laquelle il y avait un studio d’enregistrement et des lieux pour écouter. Tous les plans ont été dessinés, on avait calculé qu’il fallait vendre 7 millions d’albums pour la faire construire !
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