Amazambourg |
À l’occasion de son trentième anniversaire, le VIA1, institution incontournable dans la promotion du design français, organise une grande rétrospective au Centre Pompidou. Une quarantaine de prototypes, choisis parmi les pièces les plus représentatives du design appliqué au cadre de vie, y sont présentés. Outre son aspect historique et documentaire, cet événement offre également l’occasion de s’interroger sur les dérives et la nécessaire mutation du monde du design. |
Dans le cadre de ses aides aux créateurs, le VIA finance chaque année une quinzaine de projets environ. La sélection devait donc s’opérer parmi plusieurs centaines de pièces, accumulées au fil des ans. Elle a été guidée par la volonté de ne conserver qu’un nombre réduit et significatif d’objets, et de ne montrer que des prototypes originaux en l’état ou des pièces de première édition.
Trente projets (un par an) ont tout d’abord été retenus pour constituer le fil principal de l’exposition. Ils sont rassemblés dans un parcours chronologique, censé rappeler « l’esprit dominant de chaque année ». Plusieurs vidéos viennent en complément, permettant de pallier l’absence de certaines pièces maîtresses : portraits des designers, reportages, interviews… En parallèle à ce parcours principal, l’exposition propose également, en une dizaine d’objets, deux focus thématiques : l’un sur l’éditeur français Ligne Roset, l’autre sur deux personnalités ayant marqué le design de ces trente dernières années, Philippe Starck et Jean-Michel Wilmotte, qui furent en leur temps soutenus par le VIA. De l’éclectisme stylistique au foisonnement conceptuel L’exposition rend tout d’abord un hommage mérité au VIA, cette institution qui a réussi à devenir en quelques années un acteur incontournable de la promotion du design en France. Mais elle mérite également le détour pour le panorama synthétique et éclairé qu’elle offre de la création de ces dernières décennies. Finançant souvent de jeunes créateurs, le VIA leur permet en effet de concrétiser leurs projets et donne à voir les problématiques qui les animent. À ses débuts, l’institution offre à bon nombre de designers l’occasion de confronter leurs idées, parfois pour la première fois, à des systèmes de production artisanaux ou industriels. L’élégante chaise longue Pi de Martin Szekely (1982), initialement prévue en fibre de carbone, se voit ainsi déclinée en tôle d’acier une fois passée l’étape cruciale de la mise en prototype. La même année, Philippe Starck développe avec l’appui financier du VIA son célèbre fauteuil Don Denny, qui équipera le café Costes et qui est toujours édité aujourd’hui par Driade. Les années quatre-vingt-dix marquent un tournant. Les jeunes créateurs, souvent issus de formations en design qui se sont entre-temps développées – notamment celle proposée par l’ENSCI –, mettent alors en scène leurs recherches formelles et leur maîtrise technique des procédés de fabrication. Jean-Marie Massaud et son fauteuil Ghosthome en polypropylène injecté (1995) ou encore Patrick Jouin et sa chaise en acier Steel Life (1996) sont quelques exemples parmi d’autres. Du design d’objets au design d’environnements Cette nouvelle génération fait également preuve d’une vision élargie du design, ne consistant plus simplement à proposer des objets – si bien dessinés soient-ils – mais à engager aussi des réflexions sur l’évolution de notre cadre de vie. Ainsi, Matali Crasset, lorsqu’elle propose son projet Wat hôm (1996), interroge la capacité de notre intérieur à devenir un espace de travail domestique, faisant une place alors inédite aux éléments multimédia. Les projets d’Erwan Bouroullec (Lit clos, 2000) ou de Frédéric Ruyant (Mobile Home, 2003) questionnent eux aussi cette capacité du design à générer des espaces fonctionnels, porteurs d’usages spécifiques. Depuis une dizaine d’années, l’institution a également ouvert la voie à des expérimentations formelles ou techniques inédites, parfois éloignées des standards ou modes de production industriels habituels. En témoigne, entre autres, le travail de François Azambourg, dont le VIA a financé plusieurs prototypes avant que ne soient plus largement distribués ses premiers projets. Son fauteuil Bois mousse (1999), par exemple, est réalisé à partir d’une plaque de mousse prise en sandwich entre deux feuilles de placage. Un matériau composite nouveau est ainsi développé, offrant au bois une souplesse inhabituelle.
Plus qu’une usine à idées proposant des produits directement « éditables » et rentables, le VIA a su élargir, bien que ses choix n’aient pas toujours fait l’unanimité, sa vision du design – du simple meuble à l’environnement – afin d’intégrer progressivement d’autres thématiques qui constituent aujourd’hui des axes de réflexion majeurs de la discipline : l’éco-conception, la production d’objets « intelligents » ou « communicants », la relation réel/virtuel, l’utilisation de nouveaux matériaux… Ses dernières Cartes blanches2 en témoignent, mettant chacune en valeur des projets dont l’ambition dépasse toute approche purement stylistique ou technique : Mathieu Lehanneur et ses objets « médicinaux » (2006) ; Jean-Louis Frechin et sa réflexion sur les objets interactifs (2008) ; ou encore Philippe Rahm et ses projets « atmosphériques », qui s’interrogent sur la possibilité d’une nature artificielle (2009, cf. d’a n° 180). Mais l’institution est aujourd’hui confrontée à de nouveaux enjeux. L’augmentation incessante du nombre de designers et de jeunes diplômés, la mutation des circuits de communication et de distribution du design (notamment via Internet et les blogs), la généralisation (certes encore à parfaire) du design dans l’entreprise, la multiplication de références à la discipline, notamment dans son acception la plus « décorative », devront certainement l’amener, dans les prochaines années, à repenser en partie son fonctionnement. À une économie du peu, où la promotion d’une discipline encore mal connue et incarnée par une génération circonscrite de créateurs restait à effectuer, le VIA doit en effet désormais faire place à une gestion de l’abondance, dans laquelle le design s’est généralisé, au risque parfois de se dévoyer. < Notes 1. Le VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement) est né en 1979 à l’initiative du Codifa (Comité pour le développement des industries françaises de l’ameublement), avec le soutien du ministère de l’Industrie. Il est dirigé par Gérard Laizé depuis 1995 et est financé par les professionnels français de l’aménagement et de l’industrie du meuble. 2. Le VIA propose deux types d’aide à la création : les Aides à projet (aides ponctuelles attribuées à de jeunes créateurs pour la réalisation d’un prototype), et les Cartes blanches (bourses offertes à un ou deux créateurs reconnus par an, pour leur permettre de développer un travail personnel). L’institution attribue également chaque année ses labels VIA à des entreprises ayant édité des produits issus d’une démarche de design. Elle est parfois amenée à lancer des Appels spécifiques (consultations de designers autour d’une thématique donnée). |
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