Solid surface sur le sol de la terrasse, Dreer+Graf |
Dossier réalisé par Maryse Quinton et Benoît Joly - |
d’a : Développé par Dupont de Nemours, Corian est le premier Solid surface. Il est né en 1967 aux États-Unis. Quand est-il arrivé en France ?
Cela fait environ 35 ans que le Solid surface est arrivé en France avec Dupont de Nemours et le produit nommé Corian, lancé à l’époque par CDSA. C’est le point de départ de la résine de synthèse en France.CDSA fut la première entreprise qui s’est spécialisée dans la distribution de résine de synthèse, aujourd’hui appelée Solid surface. Ils ont conçu le développement de ce matériau nouveau en France à travers un réseau de transformateurs spécialisés. Ils ont cherché une typologie d’agenceurs désireux de se lancer dans ce matériau. Au départ, il était principalement utilisé pour les plans de travail en cuisine et salle de bains.
d’a : Comment avez-vous découvert le Solid surface ?
Un jour, alors que je travaillais comme responsable commercial chez un agenceur, j’ai découvert au travers d’une offre promotionnelle un échantillon de Solid surface. La matière, le toucher, la dureté et sa densité m’ont immédiatement séduit! Je suis ainsi devenu transformateur pour ensuite créer, en 1993, mon entreprise totalement dédiée à ce matériau. Et ce métier est toujours en évolution.
d’a : L’arrivée de la concurrence n’a-t-elle pas fait baisser les prix ?
Le positionnement prix est sensiblement le même depuis 25 ans, un peu à la hausse actuellement, mais le niveau de vie ayant augmenté, il devient accessible à un plus grand nombre. La concurrence a légèrement fait baisser les prix surtout sur la gamme des panneaux en coloris blancs.
d’a : Le terme Corian a effectivement tendance à être utilisé pour désigner n’importe quel Solid surface…
Il y a véritable problème de reconnaissance de marques sur ce marché spécifique qui engendre une confusion entre les acteurs et leurs produits. C’est pourquoi il est primordial de bien définir le produit par sa composition et ses qualités. Le générique « Corian » – à l’instar de Frigidaire, Velux ou Caddie – contribue largement à cette confusion.
d’a : Le produit a-t-il évolué depuis sa création?
Du point de vue de la matière et du processus de fabrication du Solid surface, la technologie a peu évolué contrairement à l’offre et au design qui sont en perpétuel mouvement. Couleurs, épaisseurs, form surface ats, produits spécifiques thermoformables, translucidité et nouvelles textures sont autant de créations au service de l’architecture. Les nouveaux entrants obligent les marques à évoluer dans cette dynamique : nouveau design de vasques, de cuves, nouvelle gamme de couleurs par exemple (avec les effets béton). Il est évident que seule l’innovation tire vers la différenciation.
d’a : Tous ces produits sont-ils de qualité équivalente ?
La composition de tous ces produits est très variable. C’est là toute la problématique du Solid surface. Ce nom a été choisi pour rassembler un ensemble de produits similaires sans que l’on connaisse vraiment sa composition exacte. Globalement, un produit de Solid surface est composé de résine (acrylique MMA ou polyester) avec une charge minérale plus ou moins forte, ce qui entrainera de grands écarts de qualité et des niveaux de garantie variables donnés par le fabricant. Autre illustration de qualité différente : les résines contenant du polyester ne se thermoforment pas.
d’a : L’utilisation de l’appellation Solid surface n’implique pas une composition à respecter ?
Non ! Il existe même des marques qui se permettent d’appeler Solid surface des produits qui ne sont qu’un gelcoat de 2 ou 3mm sur un support fibre de verre, voire même des agglomérés de béton. II serait judicieux que le syndicat américain ISFA (pour International surface Fabricators Association, ndlr), qui regroupe les acteurs de la filière, établisse une « AOP » du Solid surface pour garantir une qualité minimale. Tout le monde parlerait alors de la même famille de produits et de ses caractéristiques! La qualité des matières en Solid surface est très variable et très compliquée à appréhender.
d’a : D’autant plus qu’ils se présentent tous de la même manière. Mêmes nuanciers de couleurs, mêmes applications… difficile de s’y retrouve
Tout nouvel entrant essaye de se différencier par son offre produit. Il va travailler sur la couleur, sur les dimensions de panneaux, sur des vertus antibactériennes, purifiantes, des produits plus résistants… C’est parfois du marketing et du positionnement. Il y a dans les différents produits un manque de notoriété de qualité, puisqu’il y a un mélange complet dans le domaine du Solid surface – terme qui ne veut malheureusement plus dire grandchose. Donc les marques essayent de se battre comme elles peuvent, sur le design principalement. Il faudrait prendre le temps de lire les données techniques et certificats des produits pour voir leurs différences, par exemple le marquage CE pour les produits moulés, mais nous courons tous après le temps.
d’a : Pouvez-vous nous parler du métier de transformateur ?
Le transformateur est l’artisan du projet de l’architecte. Transformer, c’est mettre en œuvre une matière : couper, coller, poncer. Son savoir-faire doit permettre la réalisation concrète de l’imaginaire de l’architecte en respectant scrupuleusement les recommandations techniques du fabricant. Les outillages spécifiques, les machines à commande numérique 3 axes et 5 axes pour les usinages des volumes complexes en 3D en ont fait un métier de plus en plus technique. La prochaine étape sera l’intégration du process BIM dans les projets les plus ambitieux.
d’a : Que faut-il pour devenir transformateur ?
Il faut globalement un équipement et un savoir-faire de menuisier. C’est un métier qui donne beaucoup de satisfaction aux gens qui l’exercent, car le matériau une fois transformé donne un résultat incomparable. De nombreuses formes et volumes complexes peuvent être exécutés de façon quasi infinie. Certains distributeurs proposent des formations techniques afin de garantir la qualité finale au client.
d’a : Votre expertise vous permet-elle de reconnaître les produits les uns des autres ?
Oui, l’exigence de qualité pour les usinages, les collages, la finition permettent facilement de reconnaître les différents produits. Mais entre un Hi-Macs Alpine White et un Corian Glacier White, je suis incapable de faire la différence, même en le travaillant.
d’a : On trouve désormais le Solid surface en façade alors qu’il a longtemps été cantonné à l’aménagement intérieur
Dupont de Nemours est le premier à s’être lancé dans la façade. Tout le monde a entendu parler de l’hôtel Seeko’o à Bordeaux. Le vieillissement du Solid surface est excellent (UV, tags, chocs). Si un problème survient sur un panneau, on le démonte et le remplace rapidement. Il n’y a sur le marché actuel aucun autre produit équivalent en termes de satisfaction client dans la durée. Pour ma part, j’ai recouvert les façades de mon bâtiment administratif en 2009 en Hi-Macs – environ 300 mètres carrés panachés en moucheté blanc – et le résultat encore aujourd’hui est bluffant! Le Solid surface offre une telle souplesse de conception que le marché de la façade est très prometteur, même si pour le moment il reste encore confidentiel.
d’a : Pour des raisons de coûts ?
Oui. Le Solid surface pose encore un problème de budget, sauf quand l’architecte arrive à l’imposer en vertu de l’image du bâtiment. Quand on est mis en concurrence avec du stratifié compact, on est forcément plus cher, mais ce n’est pas le même produit donc incomparable! Les plans vasques se sont généralisés au fil du temps, la façade suivra le même chemin. En tout état de cause, le Solid surface reste un produit de positionnement haut de gamme et durable.
d’a : Pourquoi faire le choix de ce type de produit ?
Aujourd’hui, par exemple, on met du Solid surface en habillage mural dans les logements sociaux. On me l’aurait dit il y a 20 ans, je n’y aurais pas cru. Pour quelles raisons? Pérennité, rapidité d’installation, facilitée d’entretien et hygiène (pas de COV) sont autant de bonnes raisons de sélectionner ces produits à forte valeur ajoutée. Le prix n’a pas baissé, on s’est adapté aux dimensions pour optimiser la consommation de matière, grâce à un concept technique spécifique.
d’a : Le marché peut-il exploser malgré la réputation de produit chimique du Solid surface qui va à l’encontre de la tendance aux produits biosourcés ? Tout est produit aux États-Unis ou en Asie...
C’est une erreur de communication. Dans le Corian et l’Hi-Macs, il y a deux tiers de pierre, issus du minerai de bauxite (dont on extrait le Trihydrate d’alumine pour fabriquer de l’aluminium). Les résidus de cette extraction rentrent dans la fabrication du Solid surface en mélange avec de la résine acrylique (PMMA). Par voie de conséquence, on peut affirmer que le produit Solid surface est un matériau en partie recyclé. En fin de vie, il pourra encore être recyclé dans une filière spécifique à créer. En Allemagne, des essais de broyage de la résine ont été réalisés pour les incorporer à des bétons ou des surfaces d’asphalte.
d’a : Cette réputation est donc erronée, selon vous ?
Elle n’est pas juste. Mais à terme, le produit pourra être recyclé dans une filière claire ce qui, effectivement, n’est pas encore le cas aujourd’hui.
d’a : La mise en œuvre semble être l’écueil majeur… Le Solid surface est un matériau qui exige du savoir-faire.
Effectivement, il faut que ce soit bien mis en œuvre et ce n’est pas toujours le cas. Il y a une vraie problématique qualité sur la transformation par des acteurs non formés sur ces produits. La matière doit être bien travaillée et il est impératif de connaître les principes de base pour éviter des malfaçons. Le choix des épaisseurs, des systèmes d’accroches, tout doit être étudié. D’où la nécessité de travailler avec des transformateurs compétents, car ces problèmes quand ils surviennent détériorent l’image du produit. C’est contreproductif pour le produit en général, tout le monde en pâtit. Il est donc nécessaire pour un transformateur de passer par un centre de formation pour apprendre les techniques du collage et du ponçage.
d’a : Existe-t-il des produits spécifiques aux façades ?
Globalement ce sont les mêmes. Cependant LG a développé une référence spécifique, « S828 », qui apporte un coefficient de dilatation le plus faible du marché. Mais aujourd’hui en France, il y a peu d’entreprises qui peuvent réaliser des façades en Solid surface. Le produit doit être certifié par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) mais l’entreprise de transformation doit aussi bénéficier d’un agrément. Le métier de la façade est totalement différent du métier traditionnel de transformation : les nouvelles responsabilités d’ordre juridique – avec la décennale, notamment –, les contrôles, les quantités ou la logistique représentent une autre approche.
d’a : Quelle est la taille maximale de panneaux aujourd’hui ?
0,76m – dimensions qui correspondent aux plans de travail des cuisines américaines (le plus important marché, à l’origine). La tendance est aujourd’hui d’augmenter les dimensions en largeur. Le matériau reste lourd – en moyenne 26 kg du mètre carré pour une épaisseur de 12mm. Les grands panneaux posent des problèmes de manipulation. L’objectif est aujourd’hui le « zéro chute » dans les calepinages, pour gagner en prix afin de minimiser les jointures.
d’a : À quelques exceptions près, les architectes ne se sont pas encore réellement emparés de la liberté plastique qu’offre le Solid surface… L’utilisation demeure assez basique.
Je ne suis plus d’accord avec cela. La thermoformabilité du produit a rendu possibles des formes complexes avec un aspect monolithique, créant ainsi une surprise, une interrogation... Le Solid surface offre une grande souplesse de conception. On commence à voir des mises en œuvre originales. À Prague, le Hi-Macs a été utilisé pour réaliser une façade rétroéclairée avec un jeu de lettres perforées. En Allemagne, un passage piéton du métro a été habillé par des panneaux thermoformés. Aucun autre matériau actuel ne permet de réaliser de tels projets. Le coût unitaire par rapport à un moulage béton reste extrêmement performant. Le développement du marché vient en grande partie de la prescription des architectes. Ils connaissent de mieux en mieux les atouts du produit et ses performances techniques. Ils sont plutôt à la recherche d’entreprises ayant un vrai savoir-faire professionnel pour garantir une qualité irréprochable de prestations. Les limites de conception peuvent encore évoluer en intégrant d’autres produits comme le bois, le verre, le métal et en y associant des effets lumineux. Il reste à mon avis une belle marge de manœuvre de créativité!
d’a : Pourquoi voit-on si peu de Solid surface de couleur à l’extérieur ?
Pour le moment, les fabricants ont fait valider par le CSTB la couleur blanche en façade. Mais pour des réalisations privées, le fabricant LG Hausys a certifié plus d’une dizaine de couleurs répondant aux garanties UV. La couleur blanche est aussi la mieux placée en tarification et a toujours une cote importante en termes de mode. La certification CSTB doit aussi être obtenue pour chaque couleur. Cela dit, le blanc diminue dans nos fabrications depuis maintenant quatre ou cinq ans au profit des gammes de couleurs claires et des textures fines permettant une vraie alternative. Sans parler des nouvelles gammes, effets bétons et effets marbres avec des transparences proches de l’albâtre.
d’a : Face à cette méconnaissance du produit, comment essayez-vous de faire œuvre de pédagogie ?
C’est un travail d’éducation au quotidien : la présence sur les salons professionnels, des documentations illustrées par des réalisations européennes d’exception, la présentation au travers de mallettes d’échantillons sur les gammes complètes... Des démarches de présentation dans les écoles d’art sont également indispensables pour expliquer ce qu’est le Solid surface, comment le mettre en œuvre et détailler les nombreuses possibilités qu’elle offre en termes de design. Dans cet esprit, la société Aska Interior – distributeur exclusif Hi-Macs – ouvrira prochainement un espace d’exposition à Paris.
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