La Tour depuis la Mairie d'Ivry |
Dossier réalisé par Stéphane BERTHIER Dans le prolongement de la recherche « Smart French, la résilience de la ville moderne », la tour Raspail (Renée Gailhoustet architecte) fait l’objet d’une expérimentation grandeur nature qui vise à développer un dispositif de ventilation naturelle qui tire parti de ses qualités architecturales et constructives intrinsèques. Cette démarche participe d’une réflexion élargie sur la réhabilitation thermique de cette œuvre remarquable, dans le respect de ses qualités architecturales. |
La réalisation de la tour Raspail en 1965 s’inscrivait dans la grande opération de renouvellement du centre d’Ivry-sur-Seine, sur plus de 14 ha. Elle est mitoyenne des célèbres Étoiles de Jean Renaudie et, d’une certaine manière, est restée dans l’ombre de cette opération aussi atypique que remarquée. Pourtant cette œuvre de Renée Gailhoustet mérite une attention renouvelée. L’ensemble de 96 logements en cours de classement MH est constitué de deux tours associées sur un noyau de circulations communes tandis qu’une savante composition du rez-de-chaussée la raccorde à la ville moderne dans laquelle elle s’inscrit. La tour accueille des commerces, ateliers d’artistes et logements dont la plupart sont des duplex traversants d’une grande inventivité typologique, sur trois paliers en demi-niveaux. Elle témoigne de la richesse architecturale des réflexions sur le logement dans les années 1960 et nous fait méditer sur les régressions de notre époque. Une monographie entière mériterait d’être consacré à cet édifice, mais notre intérêt ici se portera sur les réflexions menées actuellement sur la faisabilité de sa rénovation thermique, dans le respect de ses caractéristiques architecturales exceptionnelles.
L’OPH d’Ivry, associé à la DRAC Île-de-France et au CAUE du Val-de-Marne, a lancé un audit énergétique de ce bâtiment pour définir les pistes d’améliorations possibles. Son enveloppe est constituée de baies en simple vitrage et de parois de béton isolées de 3 cm de polystyrène, doublées de 4 cm de briques plâtrières creuses. Autant dire pas grand-chose au regard des standards contemporains, juste de quoi éviter les phénomènes de condensation et couper (un peu) les effets de parois froides. La ventilation y est réalisée naturellement, par des entrées d’air dans les fenêtres des logements et des conduits dits « shunt » caractéristiques de la période, situés dans les parois qui évacuent l’air vicié grâce au tirage thermique très favorable des édifices hauts. Cependant ces entrées d’air froid, directement depuis les façades, couplées au trop bon tirage thermique des évacuations, créent parfois des courants d’air inconfortables.
Cette première étape de diagnostic a notamment permis au bureau d’études Laurent Mouly d’élaborer un scénario de rénovation susceptible d’exploiter l’énergie « fatale » présente au cœur de l’édifice, qui résulte des déperditions des parois des logements et des divers fluides de chauffage et d’eau chaude dans les parties communes. Cette hypothèse s’inscrit dans le prolongement de la recherche « Smart French, la résilience de la ville moderne 1945-1975 » (voir l’entretien avec Raphaël Labrunye, p. XX) et notamment des travaux de Margherita Ferrucci, qui a mis en évidence le potentiel de ventilation naturelle de ces immeubles. Il apparaît envisageable de mettre en place un dispositif de ventilation naturelle dans les parties communes, depuis les sous-sols jusqu’aux circulations verticales, qui fonctionnerait en quelque sorte comme un puits canadien, usant de l’inertie non pas du sol mais de la construction elle-même, en préchauffant l’air neuf entrant dans les logements. Ce nouveau cheminement de l’air préchauffé par les parties communes réglerait ainsi le phénomène de courants d’air froid constaté actuellement et offrirait un gain énergétique d’environ 15 %, selon Laurent Mouly. L’air pourrait ainsi emprunter des conduits abandonnés comme les gaines des vide-ordures désaffectées. De même, ce dispositif pourrait apporter un rafraîchissement intéressant en été qui profiterait de l’inertie thermique du bâtiment.
L’hypothèse prend appui sur les caractéristiques existantes de la tour et vise à les améliorer plutôt que d’installer une complexe ventilation mécanique avec ses nombreuses nouvelles tuyauteries. Cette démarche porte en elle l’idée d’optimiser et d’actualiser l’existant en en révélant les qualités intrinsèques et en en corrigeant les défauts. Une campagne d’expérimentation est en cours de programmation pour en vérifier la faisabilité. Elle portera sur un certain nombre d’instrumentations pour mesurer les directions et vitesses des flux d’air, les températures des parties communes, leur hygrométrie, etc., avant d’engager des travaux de rénovation. Gageons que ce développement expérimental, issu d’une recherche théorique entreprise quelques années plutôt à l’initiative du ministère de la Culture, saura offrir une alternative pertinente à la menace toujours présente de solutions génériques et high-tech dont la performance se fait trop souvent aux dépens de la qualité architecturale, voire des qualités d’habitabilité, ici remarquables.
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