Réhabilitation de l’Hôtel-Dieu, Lyon

Rédigé par Karine DANA
Publié le 27/09/2018

Plan masse

Dossier réalisé par Karine DANA
Dossier publié dans le d'A n°267

La transformation de l’hôtel-dieu, fermé depuis 2010 pour inadéquation avec les exigences hospitalières d’aujourd’hui, est l’occasion de revenir sur cet îlot institutionnel de 300 mètres de long aujourd’hui privatisé. Sa reconversion s’est appuyée sur la capacité intrinsèque de ce patrimoine à s’ouvrir à la ville et accueillir de nouveaux programmes. « Quelles étaient les intentions des architectes qui sont intervenus avant nous ? » se sont d’abord demandé les maîtres d’œuvre.

« C’est le monument qui commande Â», explique Didier Repellin, architecte en chef des Monuments historiques qui a entrepris la restauration et la réhabilitation de l’Hôtel-Dieu en binôme avec les architectes Albert Constantin et Claire Bertrand (AIA associés). Il s’est agi en effet de comprendre et d’interpréter tous les savoirs en place pour définir les logiques d’interventions, entre diagnostics et prescriptions. À partir de documents historiques, gravures, photographies et récits, l’équipe est ainsi remontée aux positions des architectes emblématiques de l’Hôtel-Dieu – Jean et Ferdinand Delamonce, Antoine Picquet et César Laure, Jacques-Germain Soufflot, Paul Pascalon Jean-Gabriel Mortamet. Elle a ainsi pris le parti de comprendre d’abord le potentiel structurel et patrimonial pour imaginer un nouveau programme, et non d’assujettir l’îlot existant à un nouvel usage.


En rupture avec les logiques de boîte dans la boîte, de doublage et de cloisonnement sollicitées au siècle dernier pour répondre aux besoins du XXe siècle en termes de séparation des malades et d’hygiénisme, la nouvelle programmation du Grand Hôtel-Dieu s’est appuyée sur les fonctions et la capacité de sa structure – 300 mètres de façade en pierre ne souffrant d’aucune fissure, plafonds à la française, grandes portées, volumes intérieurs de 7 mètres sous plafond pour les parties des XVIIe et XVIIIe siècles. Et c’est autour de ses trois dômes marquant chacun un temps de l’histoire que les architectes ont imaginé de nouvelles activités – le grand dôme de Soufflot transformé en Hôtel, le dôme des Quatre Rangs en Cité internationale de la gastronomie et le Dôme Pascalon en bureaux et commerces.

La principale gageure a été de reconnecter ce monolithe de 2 hectares au tissu urbain et d’envisager une porosité et une capillarité nouvelles. Implanté sur la presqu’île de Lyon, face au quai Jules-Courmont, entre les rues de la Barre au sud, Childebert au nord et Bellecordière à l’ouest, le Grand Hôtel-Dieu s’adresse aujourd’hui à la ville avec ses longues galeries et ses huit points d’entrée, dont sept sont dédiés au public alors qu’un accès unique, jusqu’alors, le desservait. Ses cours et jardins – jusqu’ici envahis par les voitures â€“ lui ont été restitués, aménagés en lieu de détente et plantations d’apothicaires, selon la tradition des botanistes lyonnais. Ils sont autant d’espaces privés-publics appropriables et protégés, offrant de nouvelles manières de traverser la ville.


Entre le grand paysage du Rhône et le tissu dense de la presqu’île, le Grand Hôtel-Dieu agit en effet tel un filtre urbain. Une cinquième façade conçue par l’agence AIA se destine aujourd’hui à fabriquer un « arrière Â» quand celles de l’Hôtel-Dieu étaient historiquement tournées sur le Rhône. Abritant trois nouveaux corps de commerces et bureaux, elles contribuent à affirmer la nouvelle transversalité de l’ensemble urbain et engagent d’autres pratiques avec la rue Bellecordière. Autre pièce de raccord, la verrière de la cour du Midi qui n’apportait jusqu’à présent aucune qualité d’espace public est aujourd’hui dédiée aux commerces et restaurants. Dans la lignée des trois dômes de l’Hôtel-Dieu, cette large couverture reprend la volonté de travailler les grandes hauteurs libres et de chercher les relations avec le ciel.


Par ses alternances d’espaces intérieurs et extérieurs, ses enchaînements de salles en plein air, ses quatre dômes, ses arcades et multiples entrées, le Grand Hôtel-Dieu peut devenir le vecteur d’une nouvelle urbanité. Porté par Eiffage Immobilier, il est aussi la plus grande opération de reconversion privée d’un monument historique en France. Soumis à un bail à construction, il demeure néanmoins la propriété des Hospices civiles qui percevront un loyer sur quatre-vingt-dix ans. Très peu courant en France, ce montage permet à la collectivité de garder la maîtrise du devenir de son patrimoine en soumettant son développeur à des conditions d’entretien, de restauration et de ré-usage en termes de programmation et d’ouverture au public.


[ Maître d’ouvrage : Eiffage Construction, désigné lauréat de la consultation. Il en a confié la réalisation, pour son compte, à Eiffage Immobilier associé à Générim. Eiffage a signé le bail à construction pour une durée de 99 ans. Les Hospices civils de Lyon (HCL) récupéreront l’usage du bâtiment au terme du bail. En juin 2015, Eiffage a cédé le bail à Crédit Agricole Assurances pour l’intégralité du site, excepté pour les volumes de la Cité internationale de la gastronomie qui ont été cédés à la Métropole de Lyon.

Maîtres d’œuvre : Architecte mandataire : AIA Architectes (Albert Constantin et Claire Bertrand) ; Architecte en chef des Monuments historiques : Didier Repellin – RL&A

Architecte décorateur pour l’Hôtel InterContinental : Jean-Philippe Nuel

BET structure monument historique et verrière : AIA Ingénierie

BET structure bâtiments neufs : Betrec
BET

Façades neuves : Arcora


Fluides : Tem partners

Paysagistes : AIA Territoires

Surface : 51 500 m2 (40 000 m2 de bâtiments réhabilités et reconvertis + 11 500 m2 de constructions neuves)

Programme : commerces de moyennes surfaces, boutiques et restaurants : 17 100 m2 ; hôtel 5 Ã©toiles InterContinental Resort de 138 chambres : 13 500 m2 ; bureaux : 13 600 m2 (neufs : 6 600 m2, dans bâtiments anciens : 7 000 m2) ; Centre de conventions : 2 900 m2 ; Cité de la gastronomie : 3 600 m2
 ; 11 logements : 800 m2
 ; espaces extérieurs : 8 000 m2

Coût : 180 millions d’euros HT

Calendrier : concours, 2010 ; livraison première tranche, novembre 2017 ; ouverture au public, 26 avril 2018 ; livraison totale, fin 2018 ]


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