Jardin du Luxembourg |
Dossier réalisé par Françoise MOIROUX Si les plus grands parcs de la capitale façonnent son image, ils ne véhiculent pas un imaginaire aussi puissant que celui qui se dégage des parcs d'autres capitales étrangères. Moins vastes mais tout aussi convoités, ils se montrent plus enclins à brider les usages qu'à les inventer. Est-ce en raison de la primauté octroyée à leur vocation patrimoniale ? Pour incarner d'autres « Paris possibles », ne faudrait-il pas qu'ils se réfèrent davantage au modèle de la Villette, seul grand parc parisien conçu pour le XXIe siècle ? |
Dans une ville aussi dense que Paris, fréquentée quotidiennement par des millions de Franciliens et de touristes, les attentes à l'égard de l'offre de nature sont fatalement exacerbées. La prise d'assaut du Champ-de-Mars, rare espace vert sans clôture avec la Villette, en donne la mesure. Les grands parcs urbains de la capitale peuvent néanmoins difficilement prétendre rivaliser avec ceux d'autres grandes métropoles européennes. Conçu au début des années 1980, le parc de la Villette (55 hectares), le plus vaste des parcs parisiens, ne représente que le quart de la superficie du parc de Tiergarten à Berlin et le cinquième de Hyde Park à Londres, sans même parler de Central Park à New York.
Les parcs les plus anciens de Paris oscillent entre 20 et 25 hectares : Tuileries, jardin du Luxembourg, Jardin des Plantes, Buttes-Chaumont, celui de Montsouris se bornant, lui, à 15 hectares. Atteignant à peine ce dernier seuil, les parcs les plus récents de Bercy et André-Citroën ont vu leur étendue rognée par les appétits du marché immobilier. Face à cette offre peu généreuse d'espaces verts, l'initiative de la Cité internationale universitaire de Paris – qui a ouvert son vaste parc (37 hectares) à tous les publics autres qu'universitaires – mérite d'être saluée.
DRÔLE DE RATIONALITÉ MÉTROPOLITAINE
Des durées d'ouverture plus longues permettraient de compenser cette offre de verdure réduite. Mais l'examen des plages horaires d'accueil du public révèle une temporalité elle aussi restrictive. En la matière, le Bureau des temps, dont s'est dotée la Ville de Paris en 2002, ou encore les « États généraux de la nuit » organisés l'an dernier pour parer aux critiques, semblent n'avoir aucune incidence.
Dans la diversité des plages horaires d'accueil du public, on chercherait en vain une quelconque rationalité. Cette étonnante disparité des horaires est accentuée par le fait que les grands parcs parisiens se trouvent dans le giron de différentes institutions publiques : Établissement public du Parc et de la Grande Halle de la Villette, Sénat (jardin du Luxembourg), musée du Louvre (jardin des Tuileries), Muséum d'histoire naturelle (Jardin des Plantes)… L'usager ne peut que se perdre dans cette grille anarchique. D'autant que celle-ci évolue de mois en mois, selon des calendriers de saison dont chacun convient à sa guise ! La sagesse lyonnaise, qui consiste à fixer uniquement deux plages d'ouverture durant l'année (d'avril à septembre et d'octobre à mars) n'a visiblement pas encore gagné la capitale. La palme de l'irrationalité échoit au jardin du Luxembourg, dont les horaires, calqués sur la durée du jour, changent… tous les quinze jours ! Étés furtifs, hivers à rallonge, printemps et automnes sacrifiés : telle est la tendance générale.
NUITS NOIRES, PLUTÔT QUE BLANCHES !
Si le métro rallonge les nuits parisiennes en roulant jusqu'à 2 heures du matin les vendredis et samedis, les grands parcs de la capitale s'ingénient, eux, à furieusement les raccourcir. Seul le parc de la Villette, fidèle à son concept originel de prototype de parc urbain du XXIe siècle, fait exception dans ce morne paysage nocturne. Ses nuits plus intenses ou animées en font la notoriété. Son accès n'est interdit qu'entre 1 heure et 6 heures du matin, une parenthèse de répit bien plus courte que dans les autres parcs.
En été, les grilles du jardin du Luxembourg et du Jardin des Plantes sont les plus tôt refermées. Celles des Tuileries sont les seules à prolonger les festivités jusqu'à 23 heures, mais uniquement lors du pic touristique de l'été. Quant aux grilles des parcs de la Ville de Paris, en fermant dès 22 heures, elles ne font guère honneur au talent de la capitale pour blanchir les nuits.
La fréquentation des grands parcs est encore plus restreinte en hiver, frustration d'autant plus grande pour le public que les hivers se prolongent. Seul en effet le parc de la Cité internationale universitaire de Paris ferme à 22 heures, été comme hiver.
UNE AUDACE RETROUVÉE
On imagine sans peine l'énorme impact qu'aurait l'alignement des six ou sept plus grands parcs de la capitale sur les horaires du parc de la Villette, ne serait-ce que six mois par an. Cette fréquentation élargie, qui pourrait décupler l'attractivité de la métropole, aurait pour mérite de se caler sur l'horaire du dernier métro. Au regard de la fonction de traversée urbaine des grands parcs et de leur usage sportif, l'enjeu d'une ouverture plus matinale paraît d'ailleurs aussi décisif. Le lot de consolation de « Paris Plage » destiné aux familles privées de sable et de palmiers paraîtrait sans doute bien maigre face au plus ample bénéfice que le contribuable tirerait d'une pareille mesure.
L'offre culturelle des grands parcs parisiens ne pourrait-elle pas également s'inspirer de celle, plus intense, du parc de la Villette et de l'animation qui règne dans les parcs de Londres et de Berlin ? Si ce que proposent les grands parcs de la capitale en matière de culture ne résiste guère aux comparaisons internationales, ils n'ont rien à envier aux autres grandes villes françaises, dont l'offre est tout aussi restreinte. Le plébiscite de l'aménagement des berges de villes fluviales s'explique par le désir des habitants de s'approprier librement les différents espaces de la ville sans restriction de temps ni d'usage. Pourquoi dès lors interdire dans les parcs ce que l'on autorise au bord de l'eau ?
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