Populismes architecturaux : ce n’est pas qu’une question de goût

Rédigé par Federico FERRARI
Publié le 08/03/2023

Brochure commerciale et photos de l’Écoquartier des Bergères, aménagé par l’établissement public territorial Paris Ouest La Défense, avec le concours technique de la ville de Puteaux : un programme qui « substitue à un bâti existant hétéroclite une architecture variée » [sic] à quelques pas des tours Nuages d’Émile Aillaud (on les distingue sur la photo aérienne). Style romain, haussmannien, villageois et médiéval (voir la tour qui marque l’entrée du tunnel) entendent faire oublier l’authentique paysage faubourien existant.

Dossier réalisé par Federico FERRARI
Dossier publié dans le d'A n°305

Les cas présentés dans ce dossier – les villages-vacances de Port-Grimaud et de la Costa Smeralda, le quartier de Milano 2 et les maisons de Legnano, les immeubles du Blanc-Mesnil – ont peu de points en commun d’un point de vue formel et typologique : style vernaculaire, néohaussmannien, modernisme « tempéré » ou explorant toutes les variantes possibles du kitsch ; typologies architecturales allant des maisons mitoyennes aux barres, des tours de logements aux pavillons ; morphologies conçues tantôt comme des tissus urbains typiques de la ville dense, tantôt comme des géométries organiques et libres inspirées au modèle de la « cité-jardin ». Ces exemples nous permettent de nous interroger sur l’usage politique du projet architectural ou urbain et sur la pertinence qu’il y aurait ou non à parler d’« architecture populiste ».


par Federico Ferrari

Federico Ferrari, architecte et docteur en urbanisme, est maître de conférences en histoire de l’architecture à l’ENSA Nantes et membre du laboratoire ACS – AUSser (UMR 3329) du CNRS. Ses recherches portent sur l’architecture et la ville de la seconde moitié du XXe siècle.

Les architectures ici réunies sembleraient incarner l’éclectisme radical de l’environnement bâti contemporain, renvoyant à la célèbre définition de l’architecture postmoderne de Charles Jencks. Cela est d’autant plus significatif dans le cadre de l’Europe, un contexte relativement « conservateur ». Des formules faciles – telles que façadisme, architecture kitsch, de mauvais goût, commerciale, etc. – ont été souvent brandies par la critique. Il s’agit là d’anathèmes simplistes, qui s’apparentent davantage à des jugements de valeur très stériles d’un point de vue analytique.
Malgré les fortes contradictions les reliant entre elles, nous avons rangé ces architectures sous une catégorie unifiante, celle de « populisme ». Qu’entendons-nous exactement par ce terme ? Il s’agit certainement d’un discours – un récit fait de textes et images – mélangeant de manière très approximative notions « nobles », mots courants, néologismes et marketing urbain. Ce discours est donc séduisant et médiatiquement efficace, mais appartenant à un registre difficilement déterminable, oscillant entre savant et populaire. Car, comme nous le rappelle un ouvrage collectif récent (La ville mot à mot, sous la direction d’Isabelle Chesneau, Éditions Parenthèses, 2021), « dire la ville, c’est faire la ville », et le langage dessine une réalité concrète grâce à son caractère performatif. Le langage populiste présente toujours un fil rouge qui est celui de l’exclusivité, selon une rhétorique défensive, opposé à un « autre », très générique, qu’il s’agisse d’un pavillon voulant se distinguer (à Legnano), d’un quartier pour une classe moyenne fuyant la métropole (Milano 2), d’un village-vacances affirmant son caractère pittoresque autosuffisant (Port-Grimaud et ceux de la Costa Smeralda), d’un immeuble voulant se démarquer de son contexte architectural, jugé comme trop « moderne » (les immeubles néohaussmanniens du Blanc-Mesnil).
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