Participatif : le défi économique, humain et écologique de l’habitat : du XIXème siècle aux années 1970

Rédigé par Raphaëlle SAINT-PIERRE
Publié le 28/08/2016

Quartier des Bealières, Meylan, Isère (1979-1984)

Dossier réalisé par Raphaëlle SAINT-PIERRE
Dossier publié dans le d'A n°247

Après les coopératives d’habitation destinées aux ouvriers et, plus tard, les communautés issues de la contre-culture, apparaissent en France dans les années 1970 des logements groupés autogérés, constitués à l’initiative des habitants, généralement dans un cadre militant, politique ou associatif.

Inventé au XIXe siècle, l’habitat coopératif s’inscrit dans la lignée des utopies sociales du Britannique Robert Owen, de celles de Charles Fourier et de leur interprétation par Jean-Baptiste Godin au Familistère de Guise (1858-1883) ou encore de Jean Dollfus et sa cité ouvrière de Mulhouse (1853-1897). Les futurs habitants ne sont pas présents à l’origine de ces opérations philanthropiques, menées essentiellement par de grands industriels paternalistes ou même par Napoléon III qui favorise en 1867 la création de la Société coopérative immobilière des ouvriers de Paris. En 1894, la loi Siegfried ouvre la voie aux coopératives d’habitation qui se développent jusque dans les années 1950. L’unité d’habitation de Rezé (1953-1955), dont la totalité des 294 logements fonctionnait à l’origine en location coopérative, est l’un des exemples les plus connus. Cette cité radieuse de Le Corbusier est née à la demande d’usagers réunis dans la coopérative « La Maison familiale Â» de Nantes, regroupant des ouvriers et contremaîtres. Elle est financée par des prêts HLM et par l’apport personnel de chaque foyer à hauteur de 15 %. Les habitants sont locataires copropriétaires des actions de la société coopérative, participent à la vie commune de l’immeuble et doivent devenir propriétaires de leur appartement au bout de 65 ans. Mais en 1971, la loi Chalandon casse le mécanisme en supprimant le cadre juridique de cet « habitat coopératif Â». Ceux qui peuvent devenir propriétaires sont sommés de payer sans délai l’intégralité de leur logement, tandis que les autres resteront simples locataires. D’un côté, la loi Chalandon interdit la location coopérative, tout en subventionnant de l’autre l’urbanisme pavillonnaire.

En France, la participation est née dans les années 1950 avec les Castors, une association fondée en 1948 par des personnes aux revenus modestes venues à l’autoconstruction, où l’apport-travail remplace l’apport-argent. Le travail collectif, réalisé pendant les loisirs, venait répondre à l’incapacité des membres de financer l’achat ou la construction de leur logement. En douze ans, 20 000 logements sont ainsi construits. Puis au cours des années 1970 et 1980, dans plusieurs pays européens, le cohousing prend la forme d’opérations alternatives à orientation communautaire et participative menées par les classes supérieures avec des moyens financiers, intellectuels et techniques. En France, quelques groupes disséminés à travers le pays parviennent à mettre en place des habitats communautaires en autogestion. Les différents foyers conçoivent ensemble un habitat convivial, maîtrisé et doté d’espaces collectifs gérés en commun, où chacun définit ses besoins et ses capacités financières. Certains des collectifs intègrent dans leur démarche des objectifs écologiques et bioclimatiques. Ils se fédèrent à partir de 1977 dans le cadre du Mouvement de l’habitat groupé autogéré (MHGA). Parmi les réalisations qui ont fonctionné sur le long terme, on peut citer en ÃŽle-de-France les Jardies à Meudon (1972-1975), dont l’architecte, Claude Guislain, fait partie des habitants, le Kolkhoze à la limite du village de Saulx-les-Chartreux (1975-1978) ou l’opération de la rue du Buisson-Saint-Louis dans le 10e arrondissement de Paris (1979-1983). Sur un terrain de 1 650 mètres carrés en cÅ“ur d’îlot, sur lequel se dressait un ancien lavoir, l’architecte Bernard Kohn y est parvenu à assembler des logements pour douze foyers. Autour d’un groupe de base de trois familles, les différents membres se sont réunis grâce à des relations de travail, au MHGA et à des petites annonces. Chaque appartement comportant deux entrées, certains ont été divisés pour suivre l’évolution des habitants. Une vaste salle commune, dans laquelle se déroulent de nombreuses réunions et fêtes, une buanderie et une terrasse couverte complètent l’ensemble.

Près de Grenoble, à Meylan, le quartier des Béalières demeure un exemple particulièrement intéressant, notamment pour l’implication des acteurs publics. Entre la fin des années 1970 et les années 1980, l’architecte Charles Fourrey se consacre à sa réalisation, d’abord en tant qu’aide à la maîtrise d’ouvrage, puis engagé pendant quatre ans au sein même de la mairie. Le quartier compte trois projets d’habitat autogéré avec locaux communs, dont les sept logements du groupe Hélix (architecte Jean Achard) et les 13 de l’association Les Naïfs, destinés à la location participative (André Zanassi architecte). Plusieurs objectifs d’urbanisme et d’habitat durables sont intégrés : composition attentive au site existant, prise en considération des qualités environnementales du lieu (exposition sud, vues), primauté donnée aux piétons dans l’organisation des espaces extérieurs, intégration en amont du projet d’équipements collectifs de proximité, démarche de concertation entre les différents acteurs de l’aménagement, participation des habitants à la conception du projet, volonté de favoriser la diversité sociale et, enfin, développement des relations de voisinage.


Lisez la suite de cet article dans : N° 247 - Septembre 2016

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