Mise en lumière du pavillon de la galerie Serpentine de Peter Zumthor, Londres, 2011 |
Dossier réalisé par Olivier NAMIAS Prosélyte généreux et infatigable de l'éclairage sous toutes ses formes, Mario Nanni semble s'être donné pour mission de pallier le manque survenu depuis que la lumière, en devenant artificielle, s'est détachée du projet d'architecture. À quatorze ans, Mario Nanni commence à travailler comme électricien. C'est sur les chantiers qu'il côtoie les architectes et apprend à résoudre les problèmes qui surviennent au cours de la réalisation d'un projet. |
Il y découvre aussi très tôt cette familiarité avec la matière qui le pousse aujourd'hui encore à mettre la main à la pâte lorsque la situation l'impose, taillant un cylindre en métal ou discutant de la coupe d'une optique avec un verrier.
La petite mécanique l'attire, voire le fascine : étendant sa compétence à l'éclairage, il adapte les appareils pour les besoins des projets. La réalisation d'éclairages pour la muséographie, une activité qui n'a jamais connu la crise en Italie, l'amène par la suite à fréquenter un panel d'architectes toujours plus large, ses collaborations s'étendant aux « starchitectes » – Kengo Kuma, Peter Zumthor, Aldo Rossi – et à d'autres auprès desquels il a acquis une belle notoriété. Dans l'agence de David Chipperfield, on le surnomme Super Mario, non parce qu'il porte une casquette rouge et des moustaches, mais pour sa capacité à trouver des solutions à des problèmes complexes d'illumination.
Certains pourraient trouver dans la fréquentation de ces professionnels étoilés une consécration : pour Nanni, on ne tire pas sa véritable légitimité en accolant simplement son nom à ceux des plus grands ; elle tient au fait que les architectes, quelle que soit leur aura, fassent appel à lui sur la longue durée. Les uns et les autres ont été conviés à présenter leurs projets au cours d'un grand colloque sur la lumière organisé par Nanni en juillet dernier*.
ENTRE DA VINCI ET EDISON
En 1994, Mario Nanni fonde Viabizzuno – du nom de la rue où il a grandi –, une entreprise de production de luminaires. Il en reste aujourd'hui le directeur artistique ou, selon une expression que n'aurait pas reniée Carlo Gadda, il pensiero progettuale di Viabizzuno, la pensée projectuelle de cette société. L'empreinte de Nanni sur Viabizzuno est forte : nombre de luminaires produits par l'entreprise ont été conçus par lui, développés bien souvent à l'occasion de projets menés en collaboration avec des architectes.
Les catalogues et brochures édités servent autant à la promotion des produits de Viabizzuno qu'à la diffusion des idées et des pensées de Mario Nanni sur la question de la lumière. Il préfère d'ailleurs les appeler « manuels ». Tour à tour, il y fait œuvre de vulgarisateur, aborde les questions de perception de l'architecture, expose sa conception de la mise en lumière ou divulgue des pistes de recherche à résonance poético-projectuelle : la lumière des nuages, la lumière de la page blanche…
LES HUIT RÈGLES DE LA LUMIÈRE
Jamais en manque d'idées, l'homme est aussi actif à prêcher la bonne lumière qu'il est impatient à la mettre en œuvre. Son modèle est Léonard de Vinci, en toute immodestie, confesse-t-il. On pourrait également voir en Nanni un avatar d'Edison, autodidacte qui inventa entre autres la lampe à incandescence, ou le comparer à tous ces inventeurs de la fin du XIXe siècle. À une époque où la science rimait encore avec le merveilleux, ils imaginaient des projections de lumière sur les nuages ou des lumières mobiles bricolées avec trois poulies, accompagnant l'ascension des habitants dans l'escalier de l'immeuble lorsque l'éclairage au gaz était éteint. Le créateur de ce dernier système s'appelait Anselmo Nanni.
Les conceptions de Mario Nanni en matière d'illumination tiennent dans les huit règles de la lumière artificielle, qu'il oppose aux règles infinies de l'illumination naturelle. Parmi ces huit règles, l'éloge de l'ombre, la lumière colorée, la lumière en mouvement, l'épaisseur de la lumière, traitent dans le détail des interactions de l'architecture avec les sources lumineuses artificielles. Une dernière règle est celle de la présence/absence et correspond le plus à Nanni, concepteur lumière ou progettista en italien.
Volontiers exubérant dans ses publications et ses prises de position, Nanni se fait très discret dès qu'il travaille sur une mise en lumière. Autant que possible, il a recours à des appareils cachés, utilisant l'architecture comme « corps lumineux », comme il l'explique dans un texte sur la lumière de la page blanche : « Au fil des ans, j'ai manipulé toutes sortes d'ampoules pour inventer des corps d'éclairage s'approchant de la véritable nature de la lumière. Puis, comme c'est souvent le cas, les choses arrivent d'elles-mêmes et, au fil du temps, on redécouvre les émotions indélébiles que l'on a éprouvées enfant. Las de l'ampoule, je me suis construit la philosophie de la page blanche, en redécouvrant que ce sont les surfaces qui diffusent la lumière. »
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6
L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |