Dossier réalisé par Anne CHAPERON D’A :
L’Atelier international du Grand Paris (AIGP) existe depuis 2010 et
a été créé à l’issue de la consultation internationale de
2008. Comment présenteriez-vous ses apports à la construction
métropolitaine ? MF :
On ne résonne pas sur le fait métropolitain de la même manière
que sur le fait urbain. La métropole telle qu’elle est n’est
plus une ville, ou une addition de villes ; la voir suppose déjÃ
une gymnastique intellectuelle très particulière. |
Fort de ce constat, l’AIGP pose aux équipes d’experts la question suivante : qu’est-ce qu’une métropole ? Chacune a répondu en donnant sa propre vision. Parfois, à mon sens, sans faire le travail final qui permettrait à cette représentation d’être aboutie. Les apports de l’AIGP sont donc importants en volume, en qualité et en diversité ; paradoxalement, ils sont encore inachevés.
D’A :
Les travaux peinent-ils à prendre corps et à devenir une matière
accessible ?
MF : Nous n’avons pas encore une définition collective et stabilisée de ce qu’est aujourd’hui une métropole, à la fois à l’échelle du Grand Paris et comme objet mondial. Ce n’est pas faire insulte aux équipes d’experts que de dire que cette réflexion est encore en cours.
L’AIGP n’est pas une agence d’urbanisme
qui étudie un phénomène déterminé. C’est un lieu de recherche
intellectuelle qui vise à identifier l’objet sur lequel il
travaille, à le rendre lisible, puis à imaginer des outils pour
agir dessus. Une fois la représentation achevée, il faut la
transmettre à des acteurs. Cette étape a été amorcée Ã
l’occasion de la manifestation Grand Paris Climat.
D’A :
Vous diriez que la COP21 fut l’occasion d’avancer vers des
outils ?
MF :
La COP21 a permis de cristalliser un état d’esprit. Les
populations ont pris conscience que l’on entrait dans une époque
de crise globale ; cette première étape de la démonstration
n’est donc plus à faire. Dès lors, il est possible de présenter
les choses autrement. Il ne s’agit pas seulement de mettre au point
une nouvelle gestion de la nature, mais aussi de repenser tout le
champ de déploiement d’une société, qui inclut les questions
urbaines.
Dans le cadre de la manifestation Grand Paris
Climat, l’AIGP a présenté ses travaux suivant quatre thèmes
transversaux, qui racontent la transition d’une métropole vers un
fonctionnement plus vertueux, sans employer des mots qui clivent.
D’A :
La matière produite par l’AIGP aujourd’hui est très différente
de celle qui avait été présentée en 2008 à l’issue de la
consultation internationale. Ces dernières avaient été très
critiquées, mais elles parlaient autant à la profession qu’au
grand public. Aujourd’hui, beaucoup de documents sont produits,
mais peu donnent à voir des choses aussi précises et accessibles.
Quelle en est la raison ?
MF :
Ma première réponse sera de nature juridique. Nous ne pouvons pas
créer de distorsion de concurrence, ce serait très mal vu par la
profession. Il est hors de question que des équipes fabriquent du
projet subventionné par l’État et les collectivités en
concurrence déloyale avec d’autres maîtres d’œuvre potentiels.
Par ailleurs, les réflexions actuelles ne sont pas mises en
images de la même manière que celles de la première consultation
internationale. Même quand Philippe Gazeau représente la
transformation du périphérique, il illustre en réalité ce que
pourrait être la transformation de plusieurs autoroutes urbaines.
D’A :
Ce déficit d’images rend difficile la banalisation du propos. Mais
peut-être ne faut-il pas le banaliser ?
MF :
Fabriquer une image est une lourde responsabilité. Plus que tout
discours, l’image offre une lecture forte de la réalité de celle
ou celui qui regarde, mais elle libère aussi l’imagination et
ouvre les projections possibles. Les images sont rares parce que ce
sont des objets précieux, indispensables. Il est compréhensible que
les équipes engagées ne puissent pas en créer aussi facilement que
de la fiction… ou de l’illustration.
D’A :
L’AIGP est un groupement d’intérêt public rassemblant l’État
et les collectivités locales. Or ces dernières sont souvent
absentes des débats. La mobilisation est-elle difficile ?
MF :
Si nous avons eu une faible mobilisation, c’est certainement parce
que la formule proposée ne convenait pas. Il faut avoir conscience
des conditions dans lesquelles les élus locaux, et les maires en
particulier, effectuent leurs mandats. On ne peut pas dire qu’ils
ont beaucoup de temps de loisir. Si on veut les mobiliser, il faut
leur proposer la formule la moins chronophage et la plus
opérationnelle possible. Il faut descendre sur le terrain, et se
rendre vraiment disponible.
C’est ce que nous avons fait
lors de la manifestation Grand Paris Climat : aller sur leurs
territoires, mobiliser leurs habitants à travers leurs structures
locales. Nous avons pu ainsi confronter une substance intellectuelle
avec du concret local. En fonctionnant de cette façon-là , les élus
viennent et il se passe quelque chose.
D’A :
Parallèlement, l’AIGP porte de nouvelles publications. L’ouvrage
de Marc Wiel Grand
Paris : vers un plan B est
paru aux éditions Dominique Carré à titre posthume, un mois avant
la naissance de la MGP. L’Atelier entend-il rester un espace de
débat contestataire, de prise de parole libre ?
MF :
Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement ! L’AIGP
restera un organisme indépendant, investi à la fois dans la
recherche intellectuelle et la transmission opérationnelle.
La question reste : sous quelle forme ? C’est la fin du conseil scientifique tel qu’il existe. Les trois premiers mois de l’année 2016 seront utilisés pour redéfinir les missions de l’AIGP et la façon dont nous allons travailler avec la MGP et avec des opérateurs techniques comme la Société du Grand Paris ou Grand Paris Aménagement.
Lisez la suite de cet article dans :
N° 244 - Mai 2016
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