Les désillusions du Grand paris : Qu'est ce qu'une métropole ? Entretien avec Mireille Ferri

Rédigé par Anne CHAPERON
Publié le 03/05/2016

Dossier réalisé par Anne CHAPERON
Dossier publié dans le d'A n°244

D’A : L’Atelier international du Grand Paris (AIGP) existe depuis 2010 et a été créé à l’issue de la consultation internationale de 2008. Comment présenteriez-vous ses apports à la construction métropolitaine ?

MF : On ne résonne pas sur le fait métropolitain de la même manière que sur le fait urbain. La métropole telle qu’elle est n’est plus une ville, ou une addition de villes ; la voir suppose déjà une gymnastique intellectuelle très particulière.

Fort de ce constat, l’AIGP pose aux équipes d’experts la question suivante : qu’est-ce qu’une métropole ? Chacune a répondu en donnant sa propre vision. Parfois, à mon sens, sans faire le travail final qui permettrait à cette représentation d’être aboutie. Les apports de l’AIGP sont donc importants en volume, en qualité et en diversité ; paradoxalement, ils sont encore inachevés. 


D’A : Les travaux peinent-ils à prendre corps et à devenir une matière accessible ?

MF : Nous n’avons pas encore une définition collective et stabilisée de ce qu’est aujourd’hui une métropole, à la fois à l’échelle du Grand Paris et comme objet mondial. Ce n’est pas faire insulte aux équipes d’experts que de dire que cette réflexion est encore en cours.

L’AIGP n’est pas une agence d’urbanisme qui étudie un phénomène déterminé. C’est un lieu de recherche intellectuelle qui vise à identifier l’objet sur lequel il travaille, à le rendre lisible, puis à imaginer des outils pour agir dessus. Une fois la représentation achevée, il faut la transmettre à des acteurs. Cette étape a été amorcée à l’occasion de la manifestation Grand Paris Climat.


D’A : Vous diriez que la COP21 fut l’occasion d’avancer vers des outils ? 

MF : La COP21 a permis de cristalliser un état d’esprit. Les populations ont pris conscience que l’on entrait dans une époque de crise globale ; cette première étape de la démonstration n’est donc plus à faire. Dès lors, il est possible de présenter les choses autrement. Il ne s’agit pas seulement de mettre au point une nouvelle gestion de la nature, mais aussi de repenser tout le champ de déploiement d’une société, qui inclut les questions urbaines.

Dans le cadre de la manifestation Grand Paris Climat, l’AIGP a présenté ses travaux suivant quatre thèmes transversaux, qui racontent la transition d’une métropole vers un fonctionnement plus vertueux, sans employer des mots qui clivent.


D’A : La matière produite par l’AIGP aujourd’hui est très différente de celle qui avait été présentée en 2008 à l’issue de la consultation internationale. Ces dernières avaient été très critiquées, mais elles parlaient autant à la profession qu’au grand public. Aujourd’hui, beaucoup de documents sont produits, mais peu donnent à voir des choses aussi précises et accessibles. Quelle en est la raison ?

MF : Ma première réponse sera de nature juridique. Nous ne pouvons pas créer de distorsion de concurrence, ce serait très mal vu par la profession. Il est hors de question que des équipes fabriquent du projet subventionné par l’État et les collectivités en concurrence déloyale avec d’autres maîtres d’œuvre potentiels.

Par ailleurs, les réflexions actuelles ne sont pas mises en images de la même manière que celles de la première consultation internationale. Même quand Philippe Gazeau représente la transformation du périphérique, il illustre en réalité ce que pourrait être la transformation de plusieurs autoroutes urbaines.


D’A : Ce déficit d’images rend difficile la banalisation du propos. Mais peut-être ne faut-il pas le banaliser ?

MF : Fabriquer une image est une lourde responsabilité. Plus que tout discours, l’image offre une lecture forte de la réalité de celle ou celui qui regarde, mais elle libère aussi l’imagination et ouvre les projections possibles. Les images sont rares parce que ce sont des objets précieux, indispensables. Il est compréhensible que les équipes engagées ne puissent pas en créer aussi facilement que de la fiction… ou de l’illustration.


D’A : L’AIGP est un groupement d’intérêt public rassemblant l’État et les collectivités locales. Or ces dernières sont souvent absentes des débats. La mobilisation est-elle difficile ?

MF : Si nous avons eu une faible mobilisation, c’est certainement parce que la formule proposée ne convenait pas. Il faut avoir conscience des conditions dans lesquelles les élus locaux, et les maires en particulier, effectuent leurs mandats. On ne peut pas dire qu’ils ont beaucoup de temps de loisir. Si on veut les mobiliser, il faut leur proposer la formule la moins chronophage et la plus opérationnelle possible. Il faut descendre sur le terrain, et se rendre vraiment disponible.

C’est ce que nous avons fait lors de la manifestation Grand Paris Climat : aller sur leurs territoires, mobiliser leurs habitants à travers leurs structures locales. Nous avons pu ainsi confronter une substance intellectuelle avec du concret local. En fonctionnant de cette façon-là, les élus viennent et il se passe quelque chose.


D’A : Parallèlement, l’AIGP porte de nouvelles publications. L’ouvrage de Marc Wiel Grand Paris : vers un plan B est paru aux éditions Dominique Carré à titre posthume, un mois avant la naissance de la MGP. L’Atelier entend-il rester un espace de débat contestataire, de prise de parole libre ?

MF : Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement ! L’AIGP restera un organisme indépendant, investi à la fois dans la recherche intellectuelle et la transmission opérationnelle.

La question reste : sous quelle forme ? C’est la fin du conseil scientifique tel qu’il existe. Les trois premiers mois de l’année 2016 seront utilisés pour redéfinir les missions de l’AIGP et la façon dont nous allons travailler avec la MGP et avec des opérateurs techniques comme la Société du Grand Paris ou Grand Paris Aménagement.


Lisez la suite de cet article dans : N° 244 - Mai 2016

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