Poursuivons notre enquête sur l'HMONP du côté des écoles et des instances professionnelles. Le mois prochain, les « HMONPistes » auront la parole. Depuis 2005, l'HMONP se rode et évolue. Si les étudiants l'assimilaient
au départ à une sixième année d'études, on les pousse désormais Ã
préciser leurs objectifs pour mieux inscrire cette année d'alternance
comme un vrai choix dans un parcours professionnel.
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DU CÔTÉ DES ÉCOLES
Face aux disparités d'organisation de la formation entre les écoles, on distingue l'enseignement théorique et la mise en situation professionnelle (MSP). Les cent cinquante heures de cours théoriques (normes et réglementation, droit de l'urbanisme, maîtrise d'ouvrage, chantier, contrat et gestion d'agence, responsabilité de l'architecte) sont sensiblement identiques partout, mais le mode de contrôle varie selon les écoles (contrôle continu, examen, mémoire, carnet de bord, feuille de route, entretien ou note de synthèse). En MSP, on note davantage de différences et sa durée peut aller de six à neuf mois.
Les capacités d'accueil des HMONPistes, liées au nombre d'enseignants disponibles et à l'échelle des écoles, varient également. L'Ensa de Marne-la-Vallée forme une quarantaine de HMO par an. La Villette en accueille cinq à six fois plus et chaque directeur d'études suit cinq à dix étudiants. Val de Seine et Versailles oscillent entre soixante-dix et quatre-vingts impétrants et les Ensa de province de vingt-six à soixante, sauf Marseille et Grenoble qui en encadrent davantage. À Strasbourg, dix-neuf directeurs d'études encadrent chacun cinq postulants au plus. À Lille, un directeur d'études suit au plus trois participants, le contrôle est très cadré. À mi-parcours de l'enseignement théorique, un bilan réunit l'élève, son directeur d'études et deux des six responsables de la formation. La MSP est aussi évaluée à la « mi-temps » par la commission de l'HMONP, ce qui aide le postulant à préparer le jury final. À Marseille, l'encadrement se trouve sous la responsabilité d'un « guide des directeurs d'études et des tuteurs ».
Deux grandes difficultés perdurent. La première concerne l'encadrement dans des écoles où trop peu d'enseignants disponibles sont également des praticiens performants. La seconde touche les étudiants dont le CV peu convaincant les empêche de solliciter une place en agence. Derrière ces difficultés, on considère parfois qu'un numerus clausus se profile. S'agissant d'aborder une carrière que jalonnera l'incessante sélection des concours, un numerus clausus ou une HAMS (habilitation à affronter un métier sélectif) n'auraient d'ailleurs rien d'insensé, mais encore faudrait-il qu'ils interviennent bien avant le diplôme. Au moment où – Europe oblige – les études d'architecture rejoignent la logique universitaire, les aspects conceptuels, techniques, déontologiques et intellectuels qui font leur spécificité devraient être soulignés en permanence. L'étude de l'architecture n'a rien à voir avec celle de l'anglais ou des langues orientales. La mission d'intérêt public qui est propre à cette discipline suppose de tenir le cap en dépit des difficultés. D'où l'idée implicite d'avoir nécessairement pour l'exercer une HISM, une haute idée de son métier. Pour contourner ces obstacles, certaines écoles organisent très en amont une session d'information et une demi-journée de préparation du dossier de candidature. D'autres imposent aux directeurs d'études d'être également des praticiens.
Des établissements refusent l'inscription HMO à ceux qui n'ont ni contrat ni promesse d'embauche ; d'autres les aident à trouver une agence à l'aide d'un fichier d'offres. À l'Ensa de Normandie, l'architecte diplômé d'État (ADE) est accompagné dans la construction d'un parcours professionnel qui intègre un bilan de compétences. À Marne-la-Vallée, on travaille son book, son look et sa parole ! Faire sa MSP à l'étranger contredit le texte réglementaire liant l'HMONP à l'exercice en France. Comme il n'est pas inutile de se familiariser avec d'autres modes d'exercice, des écoles telles que la Villette ou Lille l'acceptent sous certaines conditions.
À Lille, on impose une première expérience d'une durée de deux ans dans une agence française, le suivi des cent cinquante heures de cours théoriques et de faire état au retour d'une réflexion comparative. Patrick Colombier, président du Syndicat de l'architecture, rappelle toutefois que la France n'a pas encore d'accord de réciprocité de diplômes avec des pays comme les États-Unis ou le Mexique où la licence d'exercice dure plus longtemps.
LE POINT DE VUE DE PASCAL CHOMBART DE LAUWE
architecte et enseignant, responsable de l'HMONP à Marne-la-Vallée
Pascal Chombart de Lauwe suit la quarantaine d'ADE inscrits. Il est accompagné de deux assistants et relayé par une quinzaine de directeurs d'études qui suivent les MSP. « Incités par leurs parents ou un salaire un peu supérieur, beaucoup d'étudiants inscrits sous l'ancien système ont fait l'HMONP après leur diplôme, explique-t-il. Des écoles comme la Villette, Val de Seine ou Belleville y sont favorables. À Versailles ou à Marne-la-Vallée, avec Yves Lion, on tend à privilégier la VAE, mais tout dépend du contexte. À Marne, sur cinquante ADE, trente-cinq veulent exercer en leur nom propre. Certains reviennent à l'école en VAE trois ans après leur diplôme. Ils doivent alors suivre les deux semaines de cours sur la gestion de l'agence et les quarante heures sur les contrats. Chaque école étant libre d'apporter un complément aux cent cinquante heures théoriques, nous insistons sur la préparation du book, qui doit refléter la personnalité de l'étudiant et non s'apparenter à un catalogue de projets copiés. »
« Pour trop d'enseignants, l'école est là pour former des "faiseurs de projets", ajoute-t-il. Or un bon projet doit se construire et répondre à une réalité. Trop de projets de diplôme irréalistes reposent sur de belles idées. » Dans le cadre de son enseignement, il fait intervenir Denis Thélot, spécialiste des normes et de la sécurité incendie, et se dit favorable à une intégration progressive des contraintes au fil des études. « Les Espagnols et les Allemands ont une approche plus technique que la nôtre et ils font de la bonne architecture. La HMO devrait toujours faire écho à des connaissances déjà abordées au fil de l'enseignement, d'où l'intérêt de réserver l'enseignement du projet à des praticiens. Que, dans le cadre de leur HMNOP, les étudiants puissent reprendre leur projet de master pour le mettre en conformité avec les normes et les règlements est une idée à creuser. »
Les écoles n'ayant pas les moyens d'accueillir tous les postulants, à Marne seuls ont accès à cette formation des ADE issus de l'école avec au moins 12/20 au master 2. « Les autres vont parfois faire leur HMONP à la Villette, précise Pascal Chombat de Lauwe. À Marne, 99 % des étudiants valident leur HMO ; s'ils ne sont pas prêts, je ne les autorise pas à se présenter devant le jury. À la Villette, quand je participe aux jurys, je constate que 30 % des étudiants sont recalés, mais il y a un jury de rattrapage. »
L'OPINION DE BERNARD MAUPLOT,
président du conseil de l'Ordre en Île-de-France
DA : Que pensez-vous de l'HMONP ?
Bernard Mauplot : La profession est assez divisée. Globalement positive, l'HMONP aborde des sujets sur lesquels les étudiants ne recevaient aucune formation et elle consolide les relations entre les écoles et la profession. Pour nourrir la formation, nous proposons aux écoles des modules sur la déontologie, la pratique ou le code des devoirs et nous insistons pour que les jurys respectent l'équilibre praticiens/enseignants préconisé par le décret.
Le contenu n'étant pas suffisamment défini, le dispositif est perfectible et les architectes de l'Ordre présents dans les jurys s'étonnent d'une disparité dans ce que les écoles demandent aux impétrants. Quant aux agences, face à une demande croissante, elles manquent d'informations sur ce qu'on attend d'elles pour l'accueil des ADE en HMONP.
DA : Des questions restent-elles en suspens ?
BM : Sans avoir validé l'HMNOP, un « architecte diplômé d'État » ne peut ni s'inscrire à l'Ordre, ni porter le titre. Pourquoi un architecte diplômé d'État serait-il moins compétent que les jeunes DPLG d'antan ?
Selon la législation européenne, le port du titre d'architecte repose sur un diplôme et une formation complémentaire d'habilitation plus ou moins longue. Il est pourtant paradoxal qu'un diplômé d'État ayant consacré cinq ans d'études à l'architecture ne puisse porter le titre, mais il faut sans doute savoir dépasser ce débat…
N'y a-t-il pas aussi un effet pervers quand l'HMNOP souligne la diversité des métiers dans la profession ? Aujourd'hui, les architectes qui travaillent dans la programmation, la fonction publique ou la maîtrise d'ouvrage peuvent être inscrits à l'Ordre. C'est utile pour servir des questions communes au profit de la maîtrise d'œuvre ; plus nous sommes nombreux à défendre la qualité architecturale, mieux nous nous portons ! Un Ordre où il n'y aurait que des maîtres d'œuvre en leur nom propre va-t-il vraiment dans le sens de l'histoire ?
D'autres interrogations concernent la compétence des agences qui accueillent. En Île-de-France, environ 70 % des ADE font leur HMONP dans de petites structures, 5 % dans de grandes agences et 25 % dans des structures de quinze à vingt à personnes. Selon les compétences de ceux qui les accueillent, les résultats sont très contrastés.
En revanche, je rencontre souvent des maîtres d'ouvrage de SEM ou des bailleurs sociaux qui souhaitent prendre de jeunes diplômés en HMONP et certaines écoles l'acceptent. Il y a donc une discussion à avoir à ce propos avec les écoles et le ministère car la mise en situation professionnelle (MSP) d'au moins six mois validant l'HMONP doit aujourd'hui être impérativement effectuée dans la maîtrise d'œuvre architecturale ou urbaine. Le manque de directeurs d'études, très variable d'une école à l'autre (sept sur cent trente-sept enseignants à Paris-Val de Seine et deux pour soixante-douze à l'ESA), est lié à un déficit de moyens et ces directeurs d'études n'ont guère de contacts avec les tuteurs de ces jeunes en agence.
DA : Cette formation est placée sous la tutelle du ministère de la Culture via les Ensa, mais certains représentants d'instances professionnelles estiment qu'elle devrait être organisée par la profession…
BM : Une partie de l'Unsfa pense que la profession devrait prendre en charge le contenu de cette formation, assimilant l'HMONP Ã une forme de licence d'exercice.
En tant que président du conseil de l'ordre d'Île-de-France, je n'y suis pas favorable. L'HMONP fait partie intégrante de la formation initiale des architectes, reconnue aujourd'hui comme discipline universitaire, avec sa capacité de recul et d'analyse. À chacun sa place. Quand les professionnels s'occupent de formation, l'autoreproduction menace…
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