En 2005, dans le cadre des réformes européennes sur les études d'architecture, la France instaurait la HMONP (habilitation de l'architecte diplômé d'État à l'exercice de la maîtrise d'oeuvre en son nom propre), année de formation en alternance facultative complétant le master. À travers un bilan d'étape en trois parties débutant dans ce numéro, nous interrogerons les divers acteurs du dispositif : les architectes qui accueillent ces jeunes, ceux qui encadrent la formation au sein des écoles ou des instances professionnelles et enfin, bien évidemment, les « HMONPistes ».
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Au nom de la réforme globale des études d'architecture pour une reconnaissance mutuelle des diplômes européens, pourquoi la France a-t-elle créé la HMONP ? D'abord parce qu'à l'échelle européenne, le diplôme d'architecte s'obtenait en cinq ans, alors qu'il en fallait six pour le DPLG (supprimé en 2007 au profit du master). À cela s'ajoutent des conditions spécifiques d'inscription à l'Ordre national.
L'Ordre n'existant pas partout en Europe, les conditions d'accès à la profession d'architecte varient selon les pays. En outre, si la maîtrise d'oeuvre est fondamentale, la France forme moins d'architectes que d'autres pays européens (45 contre 87 en moyenne pour 100 000 habitants, loin derrière l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne ou le Danemark). Cela peut s'expliquer par la variation des champs de compétences et des missions d'un pays à l'autre et par le fait que moins d'architectes interviennent pour des collectivités territoriales ou des projets urbains.
LES ENJEUX DE LA HMONP
Dans le DPLG, durant la sixième année vouée au diplôme et à un mémoire de stage, les étudiants passaient peu de temps à l'école. Ils n'achevaient souvent leur cursus que deux ou trois ans plus tard, totalisant sept à huit ans d'études, voire plus. Le taux d'inscription à l'Ordre restait faible en année n+1, d'où une « déperdition » face à d'autres diplômes d'enseignement supérieur. Il a donc été décidé de dissocier du cursus une année de formation réservée aux étudiants désireux de s'inscrire à l'Ordre pour exercer la maîtrise d'oeuvre en leur nom propre.
L'HMONP est régie par les deux arrêtés du 20 juillet 2005 et du 10 avril 2007. Elle associe une mise en situation professionnelle (MSP) d'au moins six mois dans la maîtrise d'oeuvre architecturale ou urbaine et des cours théoriques dans trois domaines :
- les responsabilités personnelles (gestion, déontologie, contrats, assurances, suivi de chantier…), point essentiel car les « HMONPistes » sont déjà architectes ;
- l'économie du projet, en liaison avec les BET, économistes et entreprises ;
- les réglementations et les normes.
Si, depuis 2005, pratiquement tous les architectes diplômés d'État (ADE) ont fait l'HMONP juste après leur master, ils tendent désormais à la reporter de deux ou trois ans. Les salariés ont d'ailleurs intérêt à l'obtenir en validant par l'expérience des acquis professionnels (VAE). L'entretien de jury est maintenu, mais ils sont dispensés de la plupart des cours théoriques et de l'expérience de chantier obligatoire auprès d'un architecte ou d'un maître d'ouvrage, s'ils en ont déjà suivis. Durant cette année, l'architecte étudiant est encadré au sein de l'école par un directeur d'études qui suit sa mise en situation professionnelle. Paradoxalement, ces directeurs d'études ne sont pas tous des praticiens.
L'ACCUEIL D'UN « HMONPISTE » DANS UNE AGENCE
Sorte de « boîte à outils », l'HMONP alerte sur les réalités techniques et administratives du métier qu'un praticien découvre peu à peu: comment monter une agence, évaluer un plan de charges, se familiariser avec le code des marchés publics, la négociation et la protection juridique… Son utilité est indéniable au vu des difficultés croissantes auxquelles les architectes sont confrontés (voir nos dossiers « Architecte, une pratique en question » dans le d'a-guide du n° 172 d'avril 2008 et « Les enjeux du chantier, qui maîtrise quoi ? » d'a-guide du n° 189 de mars 2010). Il est toutefois difficile de savoir comment sont évaluées les capacités des agences qui accueillent et le temps qu'elles y consacrent.
Chez Christian de Portzamparc (103 salariés), on accueille en moyenne six HMONP. Bertrand Beau, l'un des plus anciens architectes de l'agence, dirige l'un des quatre studios de production et s'occupe de l'accueil et du suivi des «HMONPistes», tous affectés à l'un de ces studios. Il les réunit un jour par semaine pour leur apporter une information concrète sur les contrats, les missions, la loi MOP, les responsabilités, etc. Il organise également des visites de chantiers pour les sensibiliser à des questions spécifiques comme les missions de synthèse. Quels sont pour lui les avantages et les inconvénients du dispositif ? « Ces jeunes diplômés sont censés avoir une formation plus accomplie qu'un stagiaire. Outre leur salaire, ils occupent un poste de travail et nous leur consacrons du temps. Cela représente pour nous un investissement ayant dans une certaine mesure valeur de pré-embauche. Nous ne prenons généralement en HMONP que d'anciens stagiaires dont nous avons été satisfaits car pour Christian de Portzamparc, la confiance est primordiale. »
Hormis les jurys d'habilitation auxquels il participe, Bertrand Beau s'étonne d'un manque de contact entre les écoles et les agences. « L'HMONP juste après le diplôme, c'est un peu "la charrue avant les boeufs". Entre l'enseignement de l'école relevant essentiellement du processus de conception et l'HMONP, ne manque-t-il pas une étape ? En abordant normes, structures, fluides, contrats, responsabilités, loi MOP, APS, APD, etc., ce programme est crucial et conséquent. Il serait plus profitable d'approcher certaines questions après avoir exercé plusieurs missions en agence. Si l'école est le lieu de l'apprentissage conceptuel, l'agence est celui où l'on intègre peu à peu les contraintes. Elles sont difficiles pour de jeunes diplômés à qui il manque souvent aujourd'hui une intelligence du plan, faute de passer trop vite du programme aux rectangles dessinés sur Autocad.
Avant d'aborder les questions d'assurances, d'EURL, etc., nous devons d'abord leur apprendre cela. Nous nous y employons avec les chefs de projets. » Bernard Ropa a accueilli des « HMONPistes » dès le début. « La plupart des postulants n'ont aucune expérience. Or l'écart de salaire avec quelqu'un possédant deux ans d'expérience n'excède pas 200 à 300 euros et les HMONP s'absentent pour les cours théoriques. S'ils sont performants, nous nous efforçons de leur apprendre des choses, sachant que cela conditionne leur droit à s'inscrire à l'Ordre. Mais en ces temps de crise, un diplômé qui ne veut pas d'HMONP sera sans doute plus facilement embauché, étant présent à plein temps. Sinon, on embauchera plutôt quelqu'un de plus expérimenté. »
On peut aussi s'étonner qu'au sein des écoles, les directeurs d'études ne soient pas tous des praticiens. « Nous avons accueilli deux jeunes la première année. L'encadrement fait par l'école d'architecture n'ayant guère de lien avec les agences, nous avons pris les choses en main pour les mettre en situation d'architecte libéral, indique Pierre Duffau, architecte à Toulouse et ancien élu du conseil de l'Ordre. Malgré toute leur motivation, les encadrer demande du temps et à aucun moment le rôle formateur des architectes n'est pris en compte. L'Ordre a tenu à ce que ces jeunes architectes en HMONP soient rémunérés 1 500 euros nets. Il s'agit donc d'un vrai salaire, mais certaines écoles nous reprochent de disposer d'une main-d'oeuvre à bon marché. ».
COMBIEN CA COUTE?
Par sa logique pragmatique, l'HMONP permet de rémunérer l'architecte en formation. Sa mise en place initiale repose sur un contrat de professionnalisation en formation en alternance. Considérant qu'il ne pouvait être utilisé pour l'accueil d'un jeune, la parité des agences d'architecture a refusé que le 1 % de la formation continue puisse rémunérer les architectes qui forment les étudiants en agence.
Le conseil régional de l'Ordre d'Île-de-France y a dérogé.
Au moment de la création de l'HMONP, les contrats d'apprentissage ne concernaient pas l'enseignement supérieur. Mais la situation a évolué et ils pourraient présenter des avantages si un centre de formation d'apprentis était créé dans l'une des écoles d'architecture ou si l'HMONP était rattachée à un CFA d'enseignement supérieur.
Michelle Lobjois, directrice de Fages Conseil qui assiste de nombreuses agences d'architecture dans leur gestion, a fait pour nous le point sur les rémunérations et les charges selon divers types de contrats. Si l'« HMONPiste » est en CDD ou en CDI, le confrère qui l'accueille bénéficie des réductions de charges liées au niveau de salaire et les absences entraînées par les journées de cours n'ont pas à être obligatoirement rémunérées (congés sans solde, congés, RTT). Pour un salaire de 2 032 euros bruts et 1 585 euros nets, le montant total à régler par l'employeur sera de 3 523 euros en CDD, en intégrant la prime de précarité (203 euros), les congés payés (224 euros) et les charges patronales (1 065 euros). En CDI (si l'HMONP a valeur de pré-embauche par exemple), le montant à régler passe à 3 203 euros (pas de prime de précarité, 203 euros de congés payés, 968 euros de charges patronales).
Pour les mêmes montants salariaux, le contrat de professionnalisation revient plus cher à l'employeur. Il bénéficie certes d'une faible prise en charge (elle s'élève actuellement à 1 euro par heure de formation) et il n'a pas de prime de précarité à verser en fin de contrat. Il doit en revanche payer les journées vouées aux cours (en moyenne l'équivalent d'un mois sur six) et prendre en charge les coûts de la formation (variables de 500 euros à plus de 1 900 euros selon les écoles), qui ne sont remboursés qu'à hauteur de 1 372,50 euros.
L'autre possibilité est d'effectuer l'expérience professionnelle des six mois de HMO par le biais d'une note d'honoraires établie par les « juniors entreprises » liées aux écoles. Le montant total mensuel pour l'employeur est alors bien plus faible, de l'ordre de 1 900 euros HT tout compris et la junior entreprise rémunère le jeune à hauteur de 80 % environ de cette somme (plus ou moins 1 520 euros).
Selon Michelle Lobjois, la mise en place d'un contrat d'apprentissage – qui réduirait le coût mensuel global pour l'employeur à 1 705 euros – serait judicieuse et rentable pour tous. « Des universités comme Dauphine et des écoles d'ingénieurs comme l'ESIEE bénéficient de ces contrats qui favorisent un dialogue constructif entre employeurs et apprentis, précise Michelle Lobjois. Les "apprentis" sont salariés et possèdent à ce titre des droits sociaux non négligeables. Côté employeur, les charges sociales patronales s'appliquent uniquement pour les agences de plus de dix personnes et pour un montant très faible. Ils bénéficient d'une prime d'apprentissage d'environ 1 500 euros pour une année et, s'ils sont en société, d'un crédit d'impôts de 1 600 euros. Quant aux écoles, elles peuvent percevoir à ce titre des taxes d'apprentissage qui complètent les subventions habituelles. »
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