Fondation « Meet Us » : concours pour un complexe hôtelier dans le secteur du MEETT à Toulouse

Rédigé par Richard SCOFFIER
Publié le 04/01/2021

Lacaton & Vassal

Article paru dans d'A n°286

Comme dans un roman de science-fiction : sur un site hostile à proximité de la « Voie lactée » et d’un grand vaisseau spatial échoué, les trois équipes de concepteurs en compétition ont cherché, chacune à leur manière, à fonder un nouveau monde…

C’est dans un paysage inhabité, à l’orée du nouveau parc des expositions et des congrès – le MEETT, dont nous avons rendu compte dans le n° 285 de d’a, en novembre 2020 –, qu’Europolia et Toulouse Métropole ont récemment lancé un concours de pôle hôtelier. Ce complexe viendra s’aligner le long du parvis qui prolonge vers l’est la rue centrale du projet d’OMA pour la connecter aux transports en commun. Le projet devrait s’élever là où cet espace, après avoir glissé sous la Voie lactée – la voie express qui raccorde cette zone au périphérique toulousain et au réseau autoroutier –, remonte pour croiser la ligne de tram qui dessert ce nouveau quartier. C’est un emplacement stratégique essentiel pour le développement du site. L’opération doit occuper deux lots du plan-masse défini par OMA et ses associés locaux. Le premier, le plus à l’est, est carré et présente un arrondi correspondant à la courbe du tram qui tourne pour rejoindre son terminus; le second forme un angle aigu et offre une façade emblématique vers la voie express. Petite encyclopédie des formes urbaines Dans ce territoire en mutation placé dans la zone d’attraction du MEETT, les trois équipes de maîtrise d’œuvre ont été amenées à penser leur projet comme une fondation capable de générer son propre envi69 ronnement. Elles se sont donc toutes attachées à inventer un paysage qui n’existe pas : déployer une vaste toiture habitée protégeant un sol qui peut se transformer librement en fonction de la densification du site (Lacaton & Vassal); concevoir une masse compacte capable d’absorber le tram (Kempe Thill); élever, autour d’un parc, deux hautes constructions dont les enveloppes tramées en béton peuvent accueillir des structures légères en bois répondant à la labilité programmatique contemporaine (CAB). Ces architectes de haut niveau, qui pratiquent tous une scrupuleuse économie de moyens et emploient des trames constructives très strictes, sont pourtant parvenus à présenter des projets très différents. Chacun oriente le lotissement futur des autres lots en incarnant singulièrement le plan-masse très abstrait de la zone.


LE TOIT

[Architectes : Lacaton & Vassal + Marion Cadran + Christophe Hutin – Promoteurs : Vinci Immobilier + Matea Promotion – Paysagiste : Cyrille Marlin – BET : CESMA (bois et métal) + Ingérop (béton) – Économiste : VPEAS – Acousticien : Gui Jourdan]

Contrairement aux autres concurrents qui ont cherché à s’en affranchir, le projet de l’équipe réunie autour d’Anne Lacaton et de Jean-Philippe Vassal conserve la périmétrie de l’étude de lot, qu’elle extrude et soulève. Ainsi, juchées sur des échasses à une dizaine de mètres du sol, ces constructions dessinent un baldaquin sous lequel s’étend un paysage protégé et planté, scandé de serres çà et là qui s’alignent sur les voies. On y accède par des ascenseurs transparents et des escaliers filaires qui se mettent en scène sous un vaste plafond composé de plaques de tôle ondulée réfléchissantes. Un ensemble qui prend l’aspect ludique d’un marché, d’une fête foraine ou d’un « Jardin des délices » à la Jérôme Bosch pour mieux s’affirmer comme un espace des possibles. C’est un milieu propice à la gestation de nouvelles activités, alimenté par des plateaux programma - tiques en suspension. À l’est, les chambres d’hôtel se disposent en U autour d’une cour refermée par une aile de bureaux qui suit les voies du tram. À l’ouest, le système se complexifie avec une construction formant un angle aigu qui se plie le long de la voie express et entoure en cœur d’îlot deux blocs feuilletés de parkings silos. Placés sur des demi niveaux, ces derniers descendent au plus près du sol et se destinent à être recouverts de rosiers. Partout les balcons soulignent l’importance des dalles qui semblent flotter sur de hauts pilotis, selon une trame très lâche. Ces balcons possèdent une profondeur de 2 mètres pour les chambres, afin de faire office de pare-soleil, et de 1 mètre pour les bureaux. Ils verront alors leurs extrémités équipées de stores orientables pour protéger les espaces de travail de la chaleur.

 

LA MASSE

[Architectes : Atelier Kempe Thill (mandataires) + Scalene Promoteurs : Legendre Immobilier + LP Promotion Paysagiste : Atelier Dots – BET : Bollinger+ Grohmann + Sooner + Zefco – Économiste : Execo – Acousticien : Clarity]

L’équipe néerlandaise Kempe Thill propose un projet koolhaassien de taille XXL pour parvenir à une masse corporelle critique qui lui permette de s’imposer d’emblée sur ce site traversé de voies rapides et ponctué de constructions industrielles cyclopéennes. Un bloc qui semble se détacher du complexe d’OMA en s’alignant sur sa halle des expositions. Il est traversé par une cour rectangulaire qui permet à un jardin de se développer et à la lumière de pénétrer librement dans des étages profonds de 12 ou 18 mètres selon leur affectation, tous très hauts de plafond pour permettre une flexibilité maximale. Simple et évident à première vue, ce projet rencontre cependant une difficulté majeure. Pour franchir la ligne du tram, deux paires de poutres Vierendeel superposées s’élancent au-dessus du vide pour s’accrocher à quatre tours de béton contenant des circulations verticales. La structure se compose ensuite d’un exosquelette reliant les étages deux par deux pour soutenir des terrasses et les pergolas plantées, une trame proportionnée aux mensurations du bâtiment, puis par un squelette de béton portant les planchers. Ce bloc traité de manière générique abrite les pro - grammes demandés tout en basculant subreptice - ment vers un certain surréalisme. Ainsi les étages sont-ils d’abord occupés par les chambres d’hôtel et le coliving comme par les bureaux et le coworking au-dessus d’un rez-de-chaussée suffisamment ample pour accueillir des extensions en mezzanine associées aux espaces de restauration et d’accueil. Tan - dis que de l’autre côté du passage du tram, pour animer la façade/vitrine ouverte sur la voie express, le plafond monte jusqu’au toit et permet la rencontre fortuite d’un mur d’escalade sculptural – la proposition d’une collaboratrice passionnée par ce sport – et d’une rampe automobile en double hélice. En effet, un parc de stationnement s’étend sur toute la toiture et se recouvre d’une canopée de panneaux photovoltaïques pour accorder à cette composition rigoureusement tramée une couverture à sa mesure. Un dispositif qui renvoie à une icône de la modernité : le Lingotto construit en 1922 par Giacomo Mattè-Trucco pour les usines Fiat à Turin.


LES COLONNES

[Architectes : CAB (mandataires) + V2S + LDA Promoteur : Eiffage Immobilier – Paysagiste : Emma Blanc – Ingénierie environnementale : Franck Boutté – BET : Eiffage Construction + Terrell + Barbanel]

Ici, le projet se divise ici en deux blocs hauts et denses qui s’écartent pour permettre le déploiement d’un parc planté, uniquement traversé par le tram. Tandis que l’une des deux constructions reste rectangulaire, l’autre se déforme pour s’aligner sur l’oblique de la voie express et protéger les hautes plantations de ses nuisances. La première se subdivise en deux parties en L disposées autour d’une cour plantée creusée dans un socle commun : l’une réservée aux espaces hôteliers, l’autre aux plateaux de bureaux. La seconde contient, au-dessus d’un rez-de-chaussée accueillant les accès et les services, plusieurs niveaux de parkings surmontés de plateaux de coworking creusés par un patio. Tous ces blocs bénéficient d’une double structure. Une enveloppe autoporteuse en béton ocre – issue du recyclage de matériaux glanés sur le site – composée d’une superposition classique de portiques dont les larges piles brise-soleil s’arrondissent aux extrémités pour apparaître comme des colonnes. Des poteaux et des poutres en bois plus précaires – correspondant aux hôtels, bureaux ou parkings… – s’enchâssent ensuite dans ce sarcophage pérenne. Comme si la structure première pouvait au cours du temps abriter de multiples activités avant de s’affirmer en elle-même et pour elle-même comme une ruine, à l’image de celles peintes par Le Lorrain ou Hubert Robert.

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