GHETTO-QUARTIERS.COM
Parce que seule une vision holistique du monde en rend possible l’épanouissement, le développement durable se heurte toujours au même paradoxe : la création d’un écoquartier porte en elle-même des valeurs qui contredisent les vertus de l’écologie. Car aussi exemplaire qu’il soit, l’écoquartier risque bien de se transformer en ghetto-quartier s’il n’est conçu selon une vision qui englobe beaucoup plus que l’espace circonscrit à ses limites. À moins de réduire l’écoconstruction à quelques réglementations techniques, on imagine mal en effet comment certaines questions comme les transports en commun ou la dimension sociale de l’écologie pourraient se résoudre dans le périmètre de quelques pâtés de maisons ! C’est pourquoi les réponses les plus pertinentes, comme par exemple celles imaginées par Vincent Marniquet en Guyane ou par Patrick Bouchain et Loïc Julienne à Roubaix, contournent la demande initiale de création de quartiers ex nihilo. Elles choisissent plutôt de régénérer la ville existante. Autrement dit de continuer à « faire la ville sur la ville », même si c’est aujourd’hui avec de nouveaux outils et d’autres ambitions.
Toute la rhétorique du développement durable s’impose désormais comme le sésame autorisant, pour le meilleur et pour le pire, la poursuite du développement urbain. Mais en énumérant les qualités requises pour un urbanisme écoresponsable, on s’aperçoit vite qu’elles ne font que recouvrir celles d’un bon urbanisme tel qu’il a pu ou aurait dû être depuis toujours. Pragmatiques, architectes et urbanistes adoptent néanmoins le nouveau catéchisme mais ceux que nous avons interrogés ne sont visiblement pas dupes du rôle qu’on leur fait jouer. Alors, qu’importe finalement si ce discours n’est qu’un habillage au service d’une politique de communication ! L’important n’est-il pas qu’il permette enfin de faire passer des idées autrefois si difficiles à mettre en oeuvre dans une société si peu préoccupée de l’espace commun ?
Emmanuel Caille