Je retire l’échelle
Pour ou contre les tours ? Voilà le genre de débat navrant auquel il est devenu difficile d’échapper. Avec l’affaire de « l’architecture gesticulante », cette année aura été celle des polémiques débiles, une manière sans doute de mieux cacher le vide actuel de la pensée. Face à la carence intellectuelle des architectes, la question de la tour serait-elle devenue leur planche de salut ? Ou faut-il y voir l’expression inavouée du fumeux principe déontologique : « je suis contre, mais si cela doit être fait, laissez-moi faire car je suis le mieux qualifié pour en sublimer la force obscure » ?
Pardon pour cette controverse parisiano-parisianiste mais à Paris, le plafond des constructions est limité à 37 mètres. C’est évidemment absurde : trop haut à certains endroits et beaucoup trop bas à d’autres, comme dans le nouveau quartier Masséna, en berge de Seine, qui aurait davantage d’allure et d’urbanité avec plus d’élancement vertical. Sauf pour celui à qui elle fait une mauvaise ombre, la hauteur n’est pas en soi un critère de valeur architecturale. Chaque lieu requiert une hauteur et une morphologie spécifiques. L’image repoussoir des tours de logements de la porte d’Italie, à l’architecture indigente et obsolète, brouille constamment le débat. Le mot même de tour détourne d’emblée des vraies questions urbaines. À l’exception de la typologie traditionnelle des gratte-ciel, de ceux qui, de Dubaï à Shanghai, jouent à celui qui aura la plus grande, on peut effectivement se demander à partir de quels critères parler de tour ? On pourrait d’ailleurs très bien faire des tours de moins de 37 mètres. Ne vaudrait-il pas mieux poser la question sous l’angle des proportions et des rapports à l’environnement immédiat. Doit-on rester dans les morphologies phalliques monoblocs ? Ne peut-on pas plutôt penser faisceaux, concrétions, rhizomes ou ramifications ? Il est vrai qu’à vouloir poser la question en termes de plafond, on finit par croire qu’il suffit de s’accrocher au pinceau. EC