Alors que le projet parisien de Frank Gehry pour la Fondation Louis-Vuitton fait la une des journaux gratuits, on peut se demander quelle idée des architectes se fait le grand public, lui qui n’entend parler d’eux que comme créateurs extravagants ou comme irresponsables dont les bâtiments s’effondrent ou coûtent trop d’argent public. En écho à ce glamoureux événement, le pavillon français de la Biennale de Venise, conçu par Patrick Bouchain et ses amis, semble répondre avec ironie : quelques échafaudages permettent de transformer le vieux bâtiment néoclassique en auberge de jeunesse. Comme si l’architecture ne pouvait aujourd’hui proposer rien d’autre que le cadre de nos activités physiologiques de base (se nourrir, dormir, procéder à ses ablutions) et de nos échanges sociaux (les plaisirs de la table, du lit, du sauna). Ce nihilisme bon enfant est salutaire si l’on n’y voit qu’un rappel à l’ ordre éthique en réaction au grand barnum de l’architecture spectacle, mais il deviendra vite désespérant s’il s’érige en mot d’ordre. La coexistence de ces deux univers a au moins le mérite de nous obliger à nous interroger sur le sens de l’architecture : que reste-t-il des enjeux esthétiques lorsque l’acte de construire se réduit à pourvoir, avec le minimum de moyens, aux fonctionnalités nécessaires à la survie? Quelle légitimité architecture s’arroge-t-elle lorsqu’elle revendique la beauté comme chemin d’accès essentiel vers le bonheur? Ces questions se posent certainement avec acuité aux architectes, ingénieurs et techniciens qui parcourent le monde pour aider ceux qui, victimes de catastrophes naturelles ou plus simplement de la pauvreté, n’ ont pas de toit sous lequel se protéger. C’est à ces maîtres d’ œuvre, qui, loin des fastes institutionnels et des médias, ont rassemblé leurs compétences et leur volonté d’agir au sein d’associations capables d’ intervenir auprès des plus démunis, que nous rendons hommage dans cette édition.