En architecture, la densité n’est pas une question, c’est une donnée. Les architectes ont toujours su, de Venise à São Paulo, tro u ver les solutions pour faire habiter beaucoup de gens sur un minimum d’ espace. Il est vrai qu’ils se sont aussi parfois compromis en les entassant dans des silos sur une mer de parkings. Alors que les valeurs de l’habitat dense font un salutaire retour parmi les professionnels et
les élus, il faudrait éviter deux écueils. L’un serait de céder à la tentation démagogique d’un retour trop littéral à la ville traditionnelle, où l’effet de pittoresque, palliant les attraits perdus de la campagne, occulterait une réflexion sur le caractère inédit de la réalité urbaine d’aujourd’hui. C’est en effet au sein
même d’un paysage suburbain qui a échappé à leur contrôle que les architectes pourront aussi trouver la matière d’un renouvellement de leur pratique: en sublimant ce qui leur apparaît – souvent avec raison – violent, vulgaire et socialement mortifère. L’autre écueil serait de croire que seules de nouvelles formes architecturales pourront résoudre l’ équation
de la densité. Après la prise de conscience des erreurs commises dans les années soixante, tout le monde semble enfin d’accord pour dire que la concentra-
tion d’habitations n’est viable qu’ avec des équipements de services et de transports adaptés, et ce, quelle que soit la qualité des architectures. Mais pour rendre possibles d’autres manières d’habiter, la difficulté consistera à opérer une véritable révolution des contraintes réglementaires et foncières des processus d’élaboration du cadre bâti. Pour cela, ne faudrait-il pas, dans un premier temps, avoir la modestie de laisser le champ d’ i n vestigation esthétique en arrière-plan et interroger anthropologues et juristes, pour agir à nouveau avec plus de force dans
ce qui relève avant tout du politique?
Emmanuel Caille