Il nous faut plus que jamais construire avec une attention renouvelée et plus intense au monde qui nous entoure; mais comment appréhender cette idée, maîtriser cette valeur que notre langue n’a toujours pas su nommer? «Démarche environnementale»? «Haute qualité environnementale»? «Développement durable» ou «soutenable»? Le mot «écologie» lui-même, malgré son emploi dévoyé, ne signifie rien d’autre que l’étude des rapports entre les êtres vivants et leur milieu, et ne dit rien des combats à mener. Les mots nous font défaut, comme si le langage ne parvenait pas à signifier ce qui, avant lui, allait de soi et que notre condition d’humain a perdu dans sa relation originelle avec la nature. Dans ce flou auquel nul néologisme n’a encore su servir d’étendard, s’est engouf- frée, à la suite de quelques courageux pion- niers, une foule d’opportunistes trop heu-
reux de se refaire une crédibilité grâce à quelques normes respectées à minima. Des concepts aussi tièdes que «insertion paysagère» nous avaient déjà préparés à tous les égarements; du genre: tout est environnemental… et réciproquement. Ne soyons pas trop négatifs et commençons par nous réjouir que même les industriels les plus pollueurs se sentent obligés d’éditer leur «charte environnementale». Ne soyons cependant pas naïfs au point de croire que ce débordement de bons sentiments ne fasse pas le lit des hypocrisies. Il est devenu d’autant plus difficile de défendre des stratégies écologiques équitables et opérantes que plus personne n’ose s’y opposer publiquement. L’affichage de bonnes intentions masque l’impéritie sournoise qui se cache sous la logorrhée des réglementations contradictoires, les budgets planifiés à court terme, la paresse ou l’évocation du bon sens d’autrefois. Preuve en est le retard que la France, malgré ses beaux discours, a pris sur ces voisins européens. Quels sont les mécanismes de ces blocages? Qui en porte la responsabilité? C’est à ces questions que nous avons consacré ce mois-
ci notre enquête. Emmanuel Caille