Crématorium Hofheide, Holsbeek, Belgique

Rédigé par Marie-Anne DUCROCQ
Publié le 02/10/2019

Crématorium Hofheide, Holsbeek, Belgique par RCR

Dossier réalisé par Marie-Anne DUCROCQ
Dossier publié dans le d'A n°275

Architecte : RCR, Coussée & Goris
Dans le paysage légèrement vallonné de la région de Louvain, le crématorium Hofheide est discrètement installé à la périphérie de la petite ville d’Aarschot, entre zones pavillonnaires et parcelles agricoles. L’association intercommunale IGS Hofheide y assure depuis son ouverture, en 2013, un service public de crémation couvrant 30 communes de la région de Louvain et de la province du Brabant flamand. L’agence catalane RCR Arquitectes associée aux belges Coussée et Goris ont pris pour ce bâtiment le parti de l’introversion, proposant un long écrin couleur rouille, flottant mystérieusement sur une étendue d’eau.

Il faut quitter la N223 qui mène à la ville belge d’Aarschot au niveau du Circus Casino Holsbeek et emprunter une route étroite que bordent quelques maisons pavillonnaires pour arriver à l’entrée du crématorium Hofheide. Une longue allée carrossable dessinant un franc lacet entre deux pentes herbeuses mène au parking du crématorium situé légèrement en surplomb. Arrivé en haut, on n’aperçoit d’abord qu’un bosquet, mais le regard curieux fouille dans l’épais rideau végétal et on voit se découper les fragments d’une série de lames cuivrées, irrégulières et légèrement torsadées, qui semblent flotter au milieu des frondaisons. Les contours d’un long volume opaque, uniformément paré de ces fines plaques rougeoyantes, se dessinent peu à peu. Une unique percée interrompt la sombre silhouette au niveau de l’entrée, à laquelle mène une large allée. Elle sépare le volume dédié aux cérémonies et à la crémation de celui de la cafétéria et du restaurant, sans interrompre toutefois le ruban d’acier qui flotte à 2,50 mètres du sol. Cette trouée désaxée cadre les allées régulières d’un verger qui se déploie à l’arrière du bâtiment. L’enveloppe en acier Corten n’est que la deuxième peau d’un épais volume en béton, situé en retrait. Dans l’interstice, un corridor extérieur suivant le dénivelé du terrain s’enroule autour du bâtiment et se prolonge sur son extrémité est en une longue jetée qui surplombe un étang vert bleuté, parsemé de joncs eux aussi couleur rouille. Un héron, appuyé sur le garde-corps, surveille les environs. Quel pourrait être ce bâtiment, pour l’inconnu qui arriverait ici par un pur hasard ? Un chai ? Mais il n’y a pas de vignes. Un entrepôt ? Les détails sont trop soignés, l’aménagement paysager trop travaillé. Un centre thermal ?

Au niveau de la faille, une haute porte d’entrée faite du même acier patiné que l’enveloppe s’étend sur toute la hauteur du mur et est orientée vers le bâtiment de droite. Dénuée de poignée, elle s’ouvre automatiquement, sans un bruit, pour nous permettre d’entrer dans un hall assez sombre que vient éclairer le halo chaleureux d’une lampe posée sur le guichet d’accueil. Un air de musique classique nous parvient par la droite, et on devine la présence d’un long couloir qui laisserait filer les bruits provenant du fond du bâtiment. L’ambiance tamisée, les petits bibelots décoratifs, fleurs et bougies posés çà et là, nous font penser que l’on est entré dans un centre thalasso, ou un spa. Suivant la musique, on se dirige vers le couloir situé à droite de l’accueil. Haut, large, simplement éclairé par une ouverture zénithale, il file jusqu’au bout du bâtiment et s’ouvre sur une série de pièces, suivant deux fois la même séquence : un petit hall, une salle de cérémonie et une salle où se réunissent les familles. La grande salle de cérémonie évoque à la fois l’amphithéâtre et l’église. Elle est éclairée elle aussi par des ouvertures zénithales : la lumière file entre des poutres au-dessus de l’allée latérale et inonde d’un large halo l’avant de la salle. Le cercueil qui y repose, déjà prêt pour la cérémonie de 13 heures, nous ramène à la réalité du lieu. Posés dessus, les objets chers au défunt. Un écran accroché au mur, derrière, diffusera probablement des images. Un pupitre, sur le côté, affiche sur son écran intégré la playlist de musique qui passera durant les funérailles.

La petite salle de cérémonie est beaucoup plus sombre. Presque carrée, elle est aménagée pour que l’assistance entoure le défunt. Le socle du cercueil, une boîte en acier Corten plié, fortement patinée, évoquant quelque sculpture de Donald Judd, baigne dans la lumière puissante d’un puits vertical central, dans un clair-obscur saisissant. Le refrain de « It’s My Life Â», tube du groupe de glam metal Bon Jovi, se mêle, dans une cacophonie inattendue, aux airs classiques diffusés par les haut-parleurs du couloir. On fait des essais sonores dans la grande salle.

 

Un écrin définitivement clos

Trois matériaux constituent la palette assez restreinte de ce bâtiment : les murs ont tous été coulés avec un même béton terreux, à la surface très légèrement ondoyante et texturée par de gros granulats ; les portes des salles de cérémonie sont d’un bois sombre, couleur acajou ; enfin, l’acier Corten, si cher aux Catalans, est décliné partout, jusque dans le mobilier.

Un sentiment étrange s’installe, alors que l’on déambule dans le bâtiment. Si la sobriété imposait au début un silence s’accordant à la gravité du lieu, celui-ci s’alourdit quand on réalise, à mesure que l’on s’enfonce dans l’édifice, qu’aucun mur ne déroge à l’uniformité bétonneuse, qu’aucune pièce ne consent à s’ouvrir sur le paysage, que cet écrin grandeur nature reste définitivement clos. L’état méditatif auquel semble vouloir mener la frugalité des lieux peine à se déployer, l’imagination bute contre les murs. L’austérité des tons, la rusticité des matériaux, la hauteur vertigineuse des portes, l’absence d’ouvertures apparaissent comme autant d’évocations sans détour d’une mort implacable. L’atmosphère peut devenir lourde, et l’envie d’échapper à ces espaces clos pour retrouver l’immensité du paysage extérieure se faire pressante. Boîtes de mouchoirs, jeux pour enfants, compositions florales déposés çà et là par un service funéraire soucieux de réconforter ses clients jurent un peu avec l’impassible uniformité des lieux, au risque d’apparaître comme les simulacres un peu artificieux d’une compassion plus larmoyante que réconfortante.

Les membres de la famille souhaitant assister à l’introduction du cercueil dans le four devront parcourir le long couloir jusqu’à son terme, et pousser une dernière porte pour pénétrer dans les espaces techniques, placés à l’extrémité du bâtiment, comme point final du parcours.

[ Maître d’ouvrage : IGS Hofheide

Maîtres d’œuvre : RCR Aranda Pigem Vilalta Arquitectes, Coussée & Goris architecten

Entreprises : Studieburo Mouton, V.K. Engineering, Raum & Akustik ohg

Surface : 3 859 m2

Date de livraison : 2013 ]

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