Conformités brutalistes-Réhabilitation de quatre bâtiments totalisant 798 logements à Boulogne-Billancourt

Rédigé par Olivier NAMIAS
Publié le 07/09/2015

798 logements- Eliet et Lehmann

Dossier réalisé par Olivier NAMIAS
Dossier publié dans le d'A n°238

La mise aux normes thermiques de quatre immeubles du quartier du pont de Sèvres est pratiquement imperceptible. Elle valorise une architecture brutaliste qu’il aurait été difficile d’envelopper dans une peau isolante.


Des projets de l’envergure du quartier du pont de Sèvres appartiennent à des temps révolus, bien que proches. Les architectes Badani et Roux-Dorlut dirigèrent cette opération mastodontique achevée en 1971, dont l’aspect quantitatif est éloquent : 370 000 m2 construits, pour 1900 logements dont 1 500 sociaux, 60 000 m2 de bureaux et 10 000 m2 d’activités à proximité des usines Renault. Les usines ont cédé la place à plusieurs ZAC d’usage mixte, la Tête du pont de Sèvres est restée comme une enclave à problème, apportant dans l’agglomération les difficultés habituellement rencontrés dans les grands ensembles de périphérie. Les conceptions architecturales ont fait du quartier une ville dans la ville, avec ses « agoras Â» et ses cours, édifiée sur un plateau de dalles de trois niveaux qui l’isole du tissu urbain. Le quartier fait l’objet d’une réhabilitation lourde : Christian Devillers a travaillé à la requalification des espaces sur dalles ainsi qu’à l’amélioration des liaisons de la dalle avec la ville, côté ZAC du triangle aussi bien que côté ville. À l’extrême sud du quartier, les tours de bureaux hexagonales entièrement restructurées par Dominique Perrault vont bientôt accueillir leurs premiers locataires. L’intervention de l’agence Eliet et Lehmann porte sur les deux barres ouest de la dalle, totalisant 798 logements sociaux, propriété de Paris-Habitat.


Éloge du béton désactivé

L’objet des travaux était de changer l’image vieillotte des immeubles tout en améliorant leur performance thermique. Le projet d’Eliet et Lehmann propose la redécouverte d’une architecture mal-aimée plutôt que sa dissimulation. Il invite à réévaluer les qualités d’un ensemble au souffle certain. « La force du bâtiment vient de sa forme, mais aussi de la matérialité de ses façades, de son monolithisme. C’est un bâtiment en béton. L’emballer d’une pellicule fragile ne changerait rien à son échelle, mais lui enlèverait sa présence et sa solidité. Â» Difficile à mettre en Å“uvre du fait des nombreux replis de l’enveloppe, la solution ITE aurait englouti des éléments en béton désactivé réalisés en collaboration avec le plasticien Jean-Pierre Aury, des pièces en bon état qui ont surtout besoin d’un nettoyage. L’intervention thermique s’appuie sur une étude fine du bâti existant, révélant que 45 % de la façade sont constitués de loggias. Les terrasses et les murs pignons prennent une grande place sur l’enveloppe. L’amélioration de la performance technique jusqu’à des niveaux BBC Effinergie Rénovation est obtenu en se concentrant sur ces éléments. La consommation de 170 kWhep/m2/an doit après travaux s’abaisser de 47,6 %, soit 89 kWhep/m2/an. Contractuellement, la baisse des charges doit atteindre 0,24 euro /m2/an. Le projet inclut la restructuration des halls et la création de locaux d’activités en rez-de-dalle, remplaçant des logements souffrant de leur proximité avec l’espace public. Les interventions sont réalisées en site occupé.


Monochromies

La rénovation suit les règles RT existant « Ã©lément par élément Â», qui prévoit que les parties remplacées suivent la norme en vigueur, tandis que les éléments laissés en place n’y sont pas assujettis. Ce dispositif s’applique lorsque le coût des travaux de rénovation thermique est inférieur à 25 % de la valeur du bâtiment. Les améliorations thermiques proviennent du changement des menuiseries — 34 % de la surface et 20 % des gains —, des pignons — 13 % de la surface mais 62 % des gains — et pour 8 % du renforcement de l’isolation sur les terrasses et les planchers bas. Les murs pignons étaient les seuls ouvrages coulés en place de l’opération de Badani et Roux-Dorlut. Ils sont doublés d’un isolant revêtu de panneaux en béton préfabriqués reprenant l’aspect du mur existant. Le changement est subtil. La couleur des volets roulants est uniformisée, prenant une teinte marron côté ouest et jaune côté est. Les loggias ont reçu de nouvelles menuiseries et façade en PVC. Leur teinte blanche doit apporter une touche de calme dans une façade assez chahutée par ses reliefs et ses variations de volume.

Hormis les halls, devenus très transparents et lumineux, l’intervention d’Eliet et Lehmann n’est perceptible qu’à quelques indices : la plantation d’arbres sur les terrasses, installés dans des pots supportés par une structure de poutres métalliques portées par les murs et non par le sol, et la vibration des bétons désactivés, pour les regards très avertis. Par leur intervention minutieuse et sensible, les architectes initient notre réconciliation avec cet ensemble brutaliste, la meilleure garantie d’une réhabilitation pérenne.

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