[ CE QUE LA GUERRE FAIT À L'ARCHITECTURE ] Vu et invu des images de guerre

Rédigé par Anne-Charlotte DEPINCE
Publié le 24/06/2023

images extraites de la vidéo A City Within A Building: The Russian Airstrike on the Mariupol Theatre. Reconstruction visuelle du théâtre avant et après bombardement. Modèle 3D des ruines du théâtre de Marioupol après la prise de la ville par les forces russes.

Dossier réalisé par Anne-Charlotte DEPINCE
Dossier publié dans le d'A n°309

À l’entrée du siècle, les révolutions techniques de l’image ont profondément troublé les modes d’utilisation de la photographie. Désormais, les limites entre les pratiques privées et publiques, les espaces de l’intime ou du collectif ne sont plus évidentes. Si ce bouleversement a mis en lumière la concurrence entre les professionnels et les amateurs, architectes, photographes et artistes se sont emparés de ces images numériques, libérées de leurs contingences matérielles mais augmentées de leur force informative. En temps de guerre, et grâce à leurs savoirs et savoir-faire de l’image, cet enregistrement de l’information visuelle en données archivables, modifiables et communicables transgresse le risque de disparition en assurant la visibilité des traces des images des expériences des corps, des espaces et de la mémoire. 

En 2003, l’Imperial War Museum commandait à l’artiste Steve McQueen une Å“uvre témoignant de l’engagement des Britanniques en Irak. Il passa alors six jours à Bassora parmi les troupes. Il a raconté1 que, s’il avait été commissionné comme war artist en liaison avec le Ministry of Defence, il ne vit rien et aucune image ne fut tournée. Si l’idée était de témoigner de cette guerre, comment pouvait-il en faire image dans ce cas ? Chemin faisant, McQueen a su satisfaire la commande en concevant une Å“uvre faite de portraits photographiques des soldats britanniques morts en Irak. Il accomplit d’abord un travail d’enquête pour retrouver les familles et solliciter auprès d’elles des portraits choisis par leurs soins. Puis il adopta la forme du timbre-poste, objet du quotidien, collectif, mais aussi commémoratif. À ceci près qu’ici les Britanniques ne commémoraient ni une victoire, ni une grande cause et encore moins un consensus. Mais, ainsi, les personnes photographiées sortaient de l’anonymat et McQueen proposait une réponse à leur disparition. L’œuvre Queen and Country se présente comme un cénotaphe sous la forme d’un grand meuble en chêne constitué de 80 tiroirs verticaux que le spectateur peut faire coulisser, y découvrant, prise entre deux verres, chaque planche de timbres consacrée à un soldat. Elle fait aujourd’hui partie du parcours muséal de l’Imperial War Museum de Londres. 

Si l’anecdote de la genèse de Queen and Country, conçue sur une absence d’images, révèle (...) 

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