[ CE QUE LA GUERRE FAIT À L'ARCHITECTURE ] Postcolonial mais pas décolonisé : les défis de la (après) guerre dans l’approche du patrimoine soviétique en Ukraine

Rédigé par DEPINCE ANNE CHARLOTTE ET ESSAÏAN ELISABETH
Publié le 27/06/2023

bâtiment de l’administration régionale de Kharkiv, bombardé le 1er mars 2022.

Dossier réalisé par DEPINCE ANNE CHARLOTTE ET ESSAÏAN ELISABETH
Dossier publié dans le d'A n°309

Historienne de l’architecture et directrice adjointe de l’école d’architecture de Kharkiv (KhSA), Iryna Matsevko s’intéresse particulièrement aux contextes culturels et sociaux de l’architecture, au patrimoine et aux pratiques urbaines comme moteur de la durabilité dans les villes et les communautés. Elle questionne notamment les mémoires contestées et les approches inclusives dans les pratiques patrimoniales. Dans cet entretien, elle analyse la manière dont les approches postcoloniales, puis décoloniales, ont influé sur les politiques patrimoniales depuis 2000 et après l’invasion de février 2022. 

Propos recueillis et traduit de l’anglais par Élisabeth Essaïan 
Entretien avec Iryna Matsevko, historienne de l’architecture, codirectrice de l’école d’architecture de Kharkiv 
 
D’a : Dans quelle mesure la guerre a-t-elle conduit à redéfinir la politique patrimoniale ?

Au XXIe siècle, le nombre croissant de conflits armés dans le monde ne menace pas seulement les sites patrimoniaux de destruction physique, mais transforme également le patrimoine en un puissant instrument de manipulation et de pression de la part des belligérants. Il devient l’une des principales cibles des tentatives d’effacement de la mémoire collective des communautés en guerre. Il peut devenir à la fois un outil de réconciliation dans une communauté traumatisée par l’après-guerre ou un instrument permettant d’attiser et d’amplifier les conflits et les tensions d’avant-guerre.

La politique du patrimoine dans les pays d’après-guerre est un indicateur de changements positifs contribuant à la création de nouvelles identités ouvertes à la diversité et aux différents souvenirs d’un passé commun, ou bien elle peut indiquer des changements négatifs poussant la société à revenir à une interprétation étroite et exclusive, souvent nationaliste, du passé. D’a : Les approches postcoloniales, puis décoloniales, ont pris une part croissante dans le débat universitaire. Quels échos ces approches trouvent-elles en Ukraine ? Dans les discours politiques et publics ukrainiens, la théorie postcoloniale a détourné la discussion des débats critiques sur la transition économique et la démocratisation vers des débats culturels sur le subalterne et l’oppression. Les universitaires ukrainiens considèrent la postcolonialité de l’Ukraine comme un état caractérisé par la lutte pour l’autonomie de peuples ayant subi une histoire de dépendance. Cette lecture « héroïque » de la théorie postcoloniale a été très bien accueillie par
la société ukrainienne, mais (...)

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