Ouvrage coédité par Thérèse Kristiansson, Meike Schalk et Ramia Mazé. |
Dossier réalisé par Stéphanie DADOUR Des architectures plurielles MYCKET, entretien avec Thérèse
Kristiansson, Suède MYCKEt a été fondé 2012 par Mariana Alves
Silva, Katarina Bonnevier et Thérèse Kristiansson, qui ont ensuite été
rejointes par Ullis Ohlgren et Anna-Märta Danielsson. |
D’a : une partie de votre travail concerne
le féminisme/queer et l’architecture : comment définissez-vous votre approche
et que signifie-t-elle concrètement en termes d’espace et d’architecture ?
MYCKET a développé une pratique intimement
liée à la matérialité et aux productions spatiales au sein d’un vaste réseau de
collaborateurs. Nous aspirerons à mettre en pratique les perspectives
féministes. MYCKET signifie « beaucoup » en suédois. C’est comme ça que nous
faisons les choses – nous essayons toujours de tirer le meilleur parti de nos
projets et avons des effets multiples. Cette approche fait également référence à la volonté de dépasser les
limites de l’esthétique minimaliste qui est si largement dominante (quasi exclusive)
dans nos pratiques. Nous avons un pied dans le milieu universitaire, mais nous
ne sommes liés à aucune institution en ce moment. Nous nous déplaçons également
entre la vie urbaine de Stockholm et une campagne peu peuplée, à Östergötland,
où nous nous engageons dans la communauté locale et dans un mode de vie proche
de la nature et des espèces associées.
D’a : à quel moment de votre vie
(personnelle/ professionnelle) votre travail en architecture a-t-il croisé les
approches queer et pourquoi ?
Nous avons toutes compris assez rapidement
que les structures patriarcales créaient des conditions et possibilités
différentes selon les personnes ; déterminées par le sexe, la sexualité, la
couleur de la peau, les capacités physiques, l’âge, etc. Les besoins et les
désirs de chacun ne sont pas considérés de la même manière, ni équitablement.
En commençant à s’engager dans l’architecture et la conception, les structures
patriarcales se sont avérées toutes aussi présentes. Pour certaines d’entre
nous, ce constat s’est effectué dès notre entrée à l’école d’architecture :
nous avons trouvé que nos intérêts architecturaux et esthétiques n’étaient pas
représentés dans l’histoire architecturale ou dans les pratiques enseignées Ã
l’école. En creusant un peu, nous avons compris qu’il existait une grande
variété d’histoires architecturales, et que l’architecture ne pouvait pas être
séparée de l’espace – ce qui englobe également les aspects sociaux et
environnementaux de notre environnement bâti. En s’intéressant à la théorie
féministe, et plus tard à la théorie queer, nous avons saisi les mécanismes
d’oppression et les manières de les contrer. Et aussi les modèles – historiques
et actuels – existants : nous ne cherchons pas à réinventer la roue, mais Ã
continuer le travail antérieur des féministes.
D’a : qu’est-ce que l’architecture peut
faire changer ?
L’architecture peut nous aider à vivre la
vie que nous souhaitons vraiment vivre. Pour ce faire, nous devons savoir
quelles vies nous souhaitons mettre de l’avant ; qu’est-ce qui est important,
que voulons-nous être en mesure de réaliser, quelles relations voulons-nous
créer et comment doivent-elles fonctionner ? Dans le cadre
de MYCKET, nous aspirons à un environnement bâti où il y a de la
place pour nous tous, et non pour les uns aux dépens des autres. Créer zéro
déchet, réutiliser autant que possible, être intelligent avec les ressources
matérielles et immatérielles (comme le temps) est important pour nous.
D’a : comment définissez-vous votre
pratique, aujourd’hui ?
Notre pratique, peu importe sa forme,
consiste à faire les choses à plusieurs, en mode collaboratif, voire
participatif. Nous avons même un mot pour cela, nous l’appelons D-I-G, Doing In
Groups. Notre travail en tant qu’architectes, designers, artistes et chercheurs
consiste à créer des espaces avec des personnes, à permettre l’expérimentation
à plusieurs, sans a priori. Notre société, marquée par la haine et la peur de
l’autre, a tendance à oublier que nous dépendons les uns des autres. Nous
tentons ainsi de faire autrement.
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