7. Yasmeen Lari, architecte, historienne et cofondatrice de Heritage Foundation of Pakistan, Pakistan

Rédigé par Stéphanie DADOUR
Publié le 03/12/2018

Yasmeen Lari

Dossier réalisé par Stéphanie DADOUR
Dossier publié dans le d'A n°268

Le care et l’empowerment : des outils de décolonisation Yasmeen


Lari, architecte, historienne et cofondatrice de Heritage Foundation of Pakistan, Pakistan

 


Après un début de carrière dans de grandes entreprises privées, Yasmeen Lari, première femme architecte du Pakistan, est convaincue que son travail peut devenir un outil de transformation sociale. Les catastrophes naturelles qui ont déferlé sur son pays ont servi de toile de fond à sa réflexion et à sa production. En 1980, elle cofonde la heritage foundation of Pakistan, une organisation à but non lucratif œuvrant pour la sauvegarde du patrimoine architectural.


Yasmeen Lari pense que les architectes femmes des pays dits « développés » ont probablement plus de difficultés qu’elle ; car travailler dans un pays comme le Pakistan permet d’agir à différents niveaux tant les problèmes persistent : « J’ai pu travailler dans le patrimoine. J’ai pu écrire des livres. J’ai pu m’asseoir dans la rue et défendre les intérêts du patrimoine. »

Retour aux techniques traditionnelles, compréhension fine du contexte social et environnemental… elle s’intéresse aux constructions à moindre coût afin de concevoir des lieux de vie accessibles aux plus démunis. Après le séisme de 2005, elle met au point un système d’abri construit avec des murs en pisé et en terre et des renforts en bambou ; soit des matériaux disponibles localement et adaptés aux aléas naturels.

Particulièrement sensible au statut des femmes dans la société pakistanaise, Yasmeen Lari a conçu de nombreux dispositifs spatiaux facilitant les tâches domestiques. Tout comme nombre d’opérations de logements conçues par et pour des femmes et cherchant à faciliter les tâches domestiques, Lari conçoit des immeubles d’habitations peu élevés, dont les logements sont attenants à des cours et à des terrasses où les femmes peuvent travailler, cultiver des légumes, entretenir un poulailler tout en surveillant les enfants qui jouent.

Mais elle est surtout connue pour la conception d’un dispositif permettant d’autoconstruire sa propre chulah (four traditionnel fait de terre ou de brique), à la fois plus résistante, plus hygiénique. La chulah qu’elle conçoit a l’avantage, de par la surélévation du sol, d’accorder de la dignité au travail des femmes, les plus démunies, celles vivant dans la rue. Lari explique : « Vous apprenez à être avec elles, à les écouter, à comprendre ce dont elles ont besoin – et vous devez ensuite trouver la meilleure solution. Vous devez aussi regarder leurs traditions vernaculaires. » La Heritage Foundation of Pakistan a, de son côté, formé plusieurs stove sisters, des personnes pour la plupart peu alphabétisées formant les ménagères à la construction de leur chulah.

On pourrait dire que Yasmeen Lari est une écoféministe puisque son travail se réclame du care ; cette disposition à répondre intelligemment à des situations particulières et surtout à s’adapter au contexte. Le care est une notion anglosaxonne des années 1980 qui a longtemps été associée à une éthique féminine du  développement interpersonnel et des interactions sociales et qui est aujourd’hui redéfinie ainsi : « Activité caractéristique de l’espèce humaine, qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de réparer notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nos personnes et notre environnement, tout ce que nous cherchons à relier en un réseau complexe en soutien à la vie1. » Lari est aussi écoféministe car son engagement sociopolitique apporte une dimension critique sur le colonialisme, de deux points de vue : de la domination de l’homme sur la nature et de la domination de l’homme sur la femme. « Nous avons étudié les livres que les Britanniques nous ont donnés. Nous avons écrit certains de nos propres livres. Nous devons écrire beaucoup plus de (nos propres) livres. Parce que notre interprétation sera différente. Nous avons beaucoup à faire si nous voulons que notre architecture corresponde à notre réalité », dit-elle.

 


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