Dossier réalisé par Cyrille VÉRAN Foncière spécialisée en logistique urbaine, Sogaris s’emploie depuis sa création en 1960 à optimiser le transport des marchandises vers la capitale et à minimiser ses nuisances. Face à l’envolée du e-commerce et son corollaire, l’amplification problématique des livraisons non-organisées, le groupe s’est engagé ces dernières années à renouveler les infrastructures logistiques et en créer de nouvelles, sur mesure, pour s’insérer au chausse-pied dans la densité des villes. |
D’A : Comment caractérisez-vous la logistique urbaine ?
On assimile souvent la logistique urbaine à celle du dernier kilomètre mais c’est une échelle théorique. Une définition plus juste est cette étape de la logistique correspondant à l’organisation de la distribution urbaine au sein de territoires denses et qui nécessite de trouver des réponses adaptées en termes de flux et d’espaces. La démarche portée par Sogaris et d’autres acteurs, objectivée par l’association Afilog ou par l’Apur, consiste à démontrer que l’immobilier de la logistique urbaine peut prendre des formes très diverses. Par exemple la plateforme urbaine en entrée d’agglomération ou l’hôtel logistique, un modèle hybride et plus vertical pour accueillir une mixité des fonctions ; ce sont aussi les espaces urbains de distribution incrustés en pieds d’immeubles, en sous-sols ou dans des délaissés, ou encore les espaces de livraison de proximité qui prennent la forme de points relais, conciergeries, consignes, etc. Comment la logistique peut-elle s’imbriquer dans les tissus urbains à desservir? C’est là tout l’enjeu. Les défis urbains et architecturaux ne sont pas les mêmes selon les échelles. Cette terminologie en matière d’immobilier ne résume pas toutefois la grande diversité des secteurs qui relèvent de la logistique urbaine – artisanat, commerce, santé, transport, etc. – et qui appellent des modèles d’organisation différents. Nous devons donc être en mesure de concevoir des surfaces capables de s’adapter à toutes ces activités économiques et à leurs besoins hétérogènes tout en conciliant leur intégration urbaine.
D’A : Comment procédez-vous ?
Nous nous positionnons aussi bien sur des espaces existants, les parkings par exemple, que des opérations neuves aux côtés de promoteurs le cas échéant. Sur la ZAC Bercy-Charenton (Paris 12e) par exemple, nous développons un hôtel logistique dans un ensemble construit avec Icade (et Poste Immobilier). Nous ne sommes sans doute pas la foncière qui détient le plus de surfaces logistiques mais très certainement celle avec la plus grande mixité d’actifs, de la plateforme de Rungis, 200 000 m2, à P4, l’espace urbain de distribution inséré sous le périphérique à Pantin d’environ 800 m2. Toutes ces typologies sont destinées à organiser les flux de distribution. Même les exploitants des plateformes historiques de stockage, comme la plateforme Sogaris de Rungis ou son pendant au nord, Garonor (hors du patrimoine Sogaris), ont peu à peu délaissé leur activité de stockage, moins rentable et donc déportée loin des villes, pour s’orienter vers du crossdock.
D’A : Le rallongement des délais de livraison des conteneurs suite à la crise sanitaire mondiale n’a-t-il pas montré au contraire les limites d’une organisation en flux tendus ? Ne faudrait- il pas renforcer l’activité de stockage ?
Il est évident que le premier confinement a fait prendre conscience de la totale dépendance de Paris à l’approvisionnement extérieur et donc à la logistique. Les soubresauts de certaines chaînes logistiques ont mis en exergue la fragilité de la capitale, les spécialistes ayant estimé qu’elle ne disposait que de trois jours d’autonomie. Plus on s’intéresse aux modèles des circuits courts et plus la relation entre stockage et logistique devient effectivement essentielle.
Comment repenser la production, le stockage, la mobilité, pour l’alimentation, la construction, l’industrie textile, etc.? Où localiser ce stockage et comment l’imaginer ?
Une certitude : s’il devait y avoir une organisation idéale de la logistique urbaine sur les territoires métropolitains et du Grand Paris notamment, les besoins estimés sont tels qu’on ne l’atteindra jamais. Il y a donc lieu de rechercher toutes les opportunités qui se présentent, et rapidement, pour sécuriser les localisations qui participent à un modèle de développement urbain vertueux. La principale difficulté est d’identifier ce foncier rare et cher dans les métropoles, sans compter que la logistique est en concurrence avec le logement et le tertiaire, beaucoup plus compétitifs sur la charge foncière.
D’A : Comment promouvoir cette logistique urbaine responsable et adaptée aux exigences des logisticiens ?
Les canaux de développement sont divers, de même que les temporalités. Nous avons répondu à des APUI (appels à projets urbains innovants) d’échelles différentes au sein d’équipes pluridisciplinaires. C’est le cas de « Réinventer Paris Les dessous de Paris » que nous avons remporté sur deux sites. L’Immeuble inversé, dans le centre de Paris, exploite la capacité de stockage dans un ancien parking souterrain et s’adresse aux professionnels du quartier ; dans le 17e arrondissement à la porte de Champerret, le projet porte sur la reconversion d’une station-service désaffectée. Nous participons également au développement du secteur Pleyel à Saint-Denis, issu de la consultation « Inventons la Métropole du Grand Paris ». Nous nous positionnons aussi sur des acquisitions d’entrepôts de venus obsolètes, à l’exemple de celui de Blanc-Mesnil. L’objectif est de les sécuriser et les remettre aux normes afin de pérenniser leur vocation dans des territoires qui font l’objet d’une forte pression pour muter en nouveaux quartiers d’habitat.
D’A : Faites-vous appel à des maîtres d’œuvre spécialisés dans ce programme ?
Nous collaborons avec des architectes qui ont une appétence à travailler sur ces sujets et qui ont une vision tout aussi architecturale qu’urbaine. Ils doivent aussi avoir la capacité de s’approprier les aspects techniques et réglementaires liés à ces programmes. Notre propos est de démontrer que l’on peut sortir des projets viables économiquement sans renoncer à la qualité architecturale et urbaine. La logistique doit se penser en termes de spatialité et la diversité des situations rencontrées amène de fait au sur mesure. Chaque réalisation est unique.
D’A : Vous avez aussi développé un partenariat avec la RATP pour partager dans le temps leurs locaux...
Nous développons avec la RATP un projet de centrale de mobilités au service de la mobilité des personnes et des biens. Ce concept de programme immobilier hybride conjugue stationnement pour les véhicules, surfaces dédiées à des activités de distribution urbaine, autopartage, bornes de recharge électrique... Il est à l’étude sur des sites existants ou en développement. Cette première centrale, d’une surface de plus de 3000 m2, sera installée dans l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, dans le 14e arrondissement, pour répondre à l’ambition portée par l’aménageur P&Ma et la ville de ne pas créer de stationnement privatif dans le futur écoquartier. Ces solutions s’élaborent en fonction des caractéristiques des sites et des contextes urbains, de la nature des usages projetés, en fonction aussi des ac teurs qui prennent part au projet.
D’A : Vous intervenez essentiellement dans le territoire du grand paris où l’on imagine aisément que les élus sont à l’écoute de ces problématiques. Les autres métropoles sont-elles plus rétives à vos propositions ?
L’actionnariat de notre groupe est principalement représentatif des territoires du Grand Paris et notre priorité de développement se porte donc sur le Grand Paris. Mais nous répondons aussi à des appels à projets logistiques dans d’autres métropoles en apportant notre expertise à des partenaires développeurs. La réceptivité politique a clairement évolué sur la question de la logistique urbaine et ses enjeux pour les territoires. Paris s’en est saisi lors de la révision de son PLU et pousse plus loin encore la réflexion dans le cadre de son PLU bioclimatique en préparation. Sogaris a participé à l’élaboration de la stratégie de logistique urbaine de la ville sur la dimension foncière et immobilière. Dans les territoires qui ont un lourd héritage industrialo-logistique comme la Seine Saint-Denis, les collectivités sont davantage préoccupées par la régénération urbaine de certaines friches monofonctionnelles et par la décongestion du trafic de camions. Mais elles ont aussi conscience que la logistique urbaine représente un vivier d’emplois tandis que le tertiaire est en voie d’essoufflement. D’autres communes, qui n’ont pas cet héritage, assistent à la montée en puissance des livraisons aux particuliers, génératrice de dysfonctionnements urbains appelés à s’accroître. Notre objectif est d’outiller tous ces territoires en immobilier logistique pour pacifier les flux. Les élus ont besoin d’être rassurés sur ces projets logistiques et d’être convaincus qu’ils vont dans le sens de la qualité de vie en ville et du développement local. C’est un travail de conviction à mener avec eux.
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