5. Joel Sanders, fondateur de l’agence JSA et professeur d’architecture à l’université Yale, États-Unis

Rédigé par Stéphanie DADOUR
Publié le 05/12/2018

Joel Sanders, Bachelor House, 1999

Dossier réalisé par Stéphanie DADOUR
Dossier publié dans le d'A n°268

L’interdisciplinarité : une clé pour définir un code du bâtiment neutre


Joel Sanders, fondateur de l’agence JSA et professeur d’architecture à l’université Yale, États-Unis

 


Depuis les années 1990, Joel Sanders, architecte praticien et enseignant, est identifié aux rares discours sur la masculinité et la sexualité. Dès ses débuts, il est engagé dans un activisme sociopolitique à travers l’architecture, issu d’une conjoncture personnelle où il est entouré d’un collectif d’artistes visuels nommés Gran fury1 d’act up. En effet, à cette époque le sida est très présent et les recherches sur la sexualité et le genre sont nombreuses dans les départements de littérature et des arts des universités américaines. Si les hommes sont accusés d’oppresser et de marginaliser les femmes, Sanders emprunte l’idée selon laquelle cette situation ne relève pas d’un dispositif de pouvoir absolu, monolithique, mais que celui-ci est aussi nuancé et présente des aspects vulnérables et fragiles. Stud2 : architectures of masculinity (1996) est la première publication cherchant à mettre en relation masculinité et architecture.

 

Mais ce sont davantage les projets de Sanders qui rendent compte de son approche. Désir, hédonisme et plaisir sont à l’origine des représentations de l’architecte, qui cherche à libérer l’homme des limites de son corps. Si en architecture l’usager par défaut est essentiellement un homme blanc, normal, cisgenre, l’architecte joue sur ces normes. Avec Susan Stryker, professeure d’histoire (elle-même femme transgenre lesbienne, spécialiste des études sur la transsexualité et la culture queer), et Terry Kogan, professeur de droit, ils fondent un projet de recherche, Stalled !, sur les toilettes publiques afin d’en modifier la législation, les normes et la conception même des cabinets. Ainsi, il s’agit d’aborder un sujet touchant tout le monde, par le biais de la conception. À l’obligation des toilettes publiques attitrées pour femme ou homme, Stalled ! Propose un espace neutre, non genré pouvant accueillir tout le monde, incluant un parent avec un enfant de sexe différent, une personne à mobilité réduite, une personne accompagnée, etc.

Déjà, en 1999, Sanders s’intéressait à rendre ambigus les liens entre identités et pratiques spatiales. Dans la Bachelor House, il présente une maison conçue sur les fondations d’un rambler3 de 1950 dans la banlieue de Minneapolis. Il s’intéresse aux modes de vie des habitants, rarement représentés dans le contexte suburbain. À la différence des a priori concernant ce type d’habitation – généralement voué à la famille nucléaire –, Sanders puise dans les structures des ménages contemporains pour formuler un projet qui s’adresse à un jeune homme célibataire.

Le Bachelor Flat, modèle de la garçonnière, normalement conçu en milieu urbain et accessible surtout à une élite bourgeoise, se voit transformé en un espace de vie plus abordable et culturellement compréhensible par la culture populaire américaine. La notion de bachelor flat, que l’architecte reprend, renvoie ainsi à une icône culturelle qui s’insère dans les discours sur la masculinité, la consommation et le design d’intérieur, fréquemment publiée dans les revues américaines pour hommes, telles que Playboy, Esquire et Wildcat. De Stud à Stalled !, les recherches et conceptions de Sanders tentent en permanence de queeriser l’architecture, c’està-dire de rejeter toute catégorisation ou identification.

 


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