Lancée en 2014 par Altarea, co-investisseur aux côtés de Crédit Agricole Assurances, cette opération a d’abord été conçue pour répondre à une commande de bureaux en blanc. La stratégie défendue alors par l’équipe pour ce projet implanté en bord de Seine, face à l’île Saint-Germain, à l’entrée d’Issy-les-Moulineaux, et dégageant des vues imprenables sur l’Ouest parisien, a reposé sur l’affirmation d’une certaine horizontalité et territorialité. Il aurait en effet été possible de densifier et de bâtir davantage, au risque de perdre en porosité et en rayonnement sur la ville. Réalisé par l’agence Viguier, le projet se déploie sur 56 000 m2 et sur une parcelle très profonde dont le cÅ“ur, creusé d’un atrium de 22 000 m2, revêt les qualités d’un espace protégé, vital et habitable, ménageant beaucoup de points de fuites et de perspectives tout comme des aires de verdure. L’architecte pousse ici assez loin le concept de terrasses intérieures comme extérieures, rappelant en certains points les idées défendues par Herman Hertzberger en 1970 pour les bureaux de la Centraal Beheer à Apeldoorn. Dans le bâtiment Bridge, tel qu’il se nomme, on peut en effet travailler et se regrouper non seulement partout, sur les grands escaliers de l’atrium traités en gradins connectés, en dessous où se nichent des petites salles ouvertes encaissées, dans des espaces de restauration, dans l’auditorium de 280 places et même dans un bureau, mais on peut aussi travailler en plein air. La surface du toit rapidement accessible au dixième étage est constituée d’un paysage planté et aménagé pour le travail où s’intercalent des pavillons de verre, que l’on peut largement ouvrir. 

Traités dans une logique de continuité, les espaces intérieurs et extérieurs offrent aux utilisateurs une capacité à se mouvoir librement. Cette fluidité est également sensible dans l’espace hybride et intermédiaire qu’est le grand atrium central, lequel profite de qualités d’ambiance, d’air et de lumière, très confortables, qui reposent sur une stratégie de ventilation en toiture et d’extraction d’air abordée très en amont. L’atrium est ainsi accessible très naturellement depuis tous les espaces qu’il dessert. C’est donc suivant cette approche favorable à la mobilité, à la flexibilité et au confort d’usage qu’Orange Monde décide d’implanter son siège et d’emménager durant l’été 2021. 

Constitué d’une structure poteaux-dalles en béton haute performance et bas carbone, et de quelques pièces de charpente métalliques, le bâtiment dégage une bonne capacité d’aménagement et de modularité qui sied particulièrement aux futures intentions d’organisation de l’entreprise. Face aux incertitudes actuelles, il n’est en effet plus possible de créer des espaces figés et difficiles à démonter, transformer ou réorganiser. 

Après plusieurs concertations avec ses salariés actuellement en télétravail, l’entreprise veut répondre à leurs envies essentielles de retrouver un environnement professionnel dédié à la coopération, aux échanges et aux prises de décision. La société généralise ici le concept de flex office, mais en y apportant une grande nuance : le surdimensionnement des surfaces de plancher par rapport au nombre d’utilisateurs. Une attitude bien sûr favorable aux règles de distanciation sociale, mais également à la possibilité que le travail se produise autrement. Pour favoriser des conditions d’interactions dynamiques et créatives, l’équipe de projet a mis en place des séminaires de réflexion avec l’agence BETC, laquelle s’est redéployée en 2016 dans les anciens bâtiments généraux de la ville de Pantin, dont l’aménagement fait l’objet d’une curiosité internationale. Codirecteur de l’agence de publicité, Rémi Babinet défend l’idée du flex office tout en le mettant en critique : il en reprend l’idée de liberté d’usage, de mobilité et de non-attribution des postes de travail, mais en augmente considérablement le potentiel de déploiement en prônant une augmentation du nombre d’espaces pour travailler. 

Ainsi, à Orange Monde, se mélangent des grandes zones de casiers collectifs où sont logés les postes de travail montés sur roulettes, à nombre de services – restaurants, salles de sport, espace de détente –, et à de grands espaces indéterminés, connectés et partagés, intérieurs ou à l’air libre, toujours plantés, et faciles à occuper. « J’ai apporté l’espace pour faire vivre la vision », explique Jean-Paul Viguier, qui a également mis à profit son expérience de projet pour la tour Majunga à La Défense en 2014. 

Depuis la ville, la porosité intérieure devrait être palpable aussitôt que l’activité aura repris. En façade, un verre neutre en couleur et peu réfléchissant – utilisé pour la réalisation des façades vitrées de la tour The Shard à Londres, de Renzo Piano – a été prescrit pour ses qualités de transparence, offrant une légèreté assez opportune. En connexion avec le nouveau bâtiment, une halle Eiffel, démontée et redéployée dans la parcelle, offre elle aussi une nouvelle ouverture aux utilisateurs comme aux habitants, cette fois, en dédiant ses espaces à la vente de produits frais. 

[ Maîtrise d’ouvrage : Altarea/Crédit Agricole Assurances – Promoteur : Altarea Cogedim Entreprise – Maîtrise d’œuvre : Viguier Architecture Urbanisme Paysage – Maître d’œuvre d’exécution : Artelia BETI – BET : Egis Bâtiment ; CSD (conseil sécurité) ; Greenaffair (AMO environnement) ; Elioth (HQE) – Certifications : BREEAM Excellent, Label Effinergie+ – Calendrier : début du chantier, octobre 2018 ; livraison, mars 2021 ]