Omotoso dans une librairie d’Ithaca College, durant les New Voices Literary Festival. |
Dossier réalisé par Stéphanie DADOUR Déconstruire la racisation de l’espace Yewande Omotoso, cofondatrice de l’agence
4site et écrivaine, Afrique du Sud En 1998, lorsque Yewande Omotoso débute
ses études d’architecture à l’université du cap en Afrique du Sud, ce n’est pas
tant la question du genre qui l’occupe mais bien celle de la race. |
Ces études d’architecture, tout comme celles des autres étudiants noirs, sont une succession d’obstacles, un parcours du combattant : « Ce n’était pas un sujet abordable, encore moins à lier à l’architecture. Nous, étudiant.e.s noir.e.s, étions obligé.e.s de nous taire, nous ne détenions pas le pouvoir. J’en garde un très mauvais souvenir. » « Le problème, explique-t-elle, réside dans le fait que l’acquisition du diplôme dépend de ce qu’on appelle un jury. L’étudiant doit présenter son travail, sa réflexion. » « L’architecture n’est pas une réponse à une équation, comme les mathématiques. Le jugement est subjectif », poursuit-elle. À cette époque, les jurys étaient composés d’hommes blancs, et la conception de l’espace d’Yewande Omotoso était bien différente de la leur. Pour elle, l’arrivée de nouveaux enseignants, comme Lesley Lokko, architecte et romancière, modifie l’ambiance et les contenus. Non seulement elle engage les étudiants à discuter de race et d’architecture mais elle influencera particulièrement la jeune architecte, aujourd’hui écrivaine.
L’intérêt d’Omotoso pour l’espace et les
structures sociales ne se manifeste pas uniquement dans son travail
d’architecte, il s’affiche aussi dans le rythme de ses écrits et les sujets
abordés. Elle considère l’architecture et l’écriture comme des lieux
d’énonciation du politique : « Certaines personnes n’ont pas besoin de
s’engager parce qu’elles sont privilégiées – lorsque votre vie en dépend, vous
agissez. » « Cependant et contrairement à l’écriture, l’architecture est une
question d’occupation et de délimitation, voire d’oppression. Elle s’impose,
elle autorise ou pas – elle ne donne pas le choix », explique-t-elle. Omotoso
clôt la conversation en insistant sur l’idée que l’apartheid se concrétise dans
l’espace : « Apartheid was deeply architecture and spatial », répète-elle.
Il y a une construction racisée de
l’architecture : ce n’est d’ailleurs pas un hasard sémantique d’identifier
Hendrik Verwoerd comme le « grand architecte de l’apartheid ». L’architecture
structure le pouvoir et le matérialise.
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