Situé en face du siège actuel d’Axel Springer sur la Zimmerstrasse, une rue qui séparait autrefois Berlin-Est et Berlin-Ouest, le nouveau bâtiment abrite principalement les médias numériques et audiovisuels de la célèbre maison d’édition. Ils incarnent ici l’ambition de mutation du plus important groupe de presse allemand. 

Creusés par un atrium diagonal est-ouest de 48 mètres de hauteur, ouvrant sur les bâtiments Springer existants, les nouveaux bureaux sont caractérisés par leur organisation séquentielle et stratifiée : une série de planchers en terrasse forment une « vallée » dégageant en son centre une scène informelle propice à la diffusion des idées. Ainsi, 75 % des bureaux répondent à des exigences standard du mode de travail quand 25 % échappent à toute catégorisation. Cette marge d’indétermination qui repose sur le fait qu’on ne sait jamais vraiment ni où, ni quand, ni avec qui « le travail » se produit constitue le cÅ“ur même de la réflexion menée pour ce projet destiné à 3 500 utilisateurs. « Le génie de l’imprimé est qu’il est une incarnation bon marché, physique, hyper accessible d’un effort collectif complexe, pour lequel le numérique n’a jusqu’à présent pas pu trouver d’équivalent, expliquent les architectes. Les bureaux d’architecture sont similaires aux journaux en ce sens qu’ils produisent des assemblages et des sélections complexes à partir de sources d’information radicalement différentes. En tant qu’architectes, nous avons expérimenté les avantages : rapidité, précision, douceur. Mais nous avons également subi une conséquence cruciale : la relation entre le travailleur et son ordinateur, qui l’isole dans une bulle de performance introvertie, inaccessible à la vue d’ensemble collective. Dans une rédaction traditionnelle, dominée par le tabagisme, chaque individu était conscient du travail et des progrès de ses collègues et de l’objectif collectif. Avec l’ère du bureau numérique, regarder attentivement un écran atténue toutes les autres formes d’attention et sape donc l’intelligence collective nécessaire à une véritable innovation », ajoutent les architectes, qui touchent ici du doigt combien les manières de travailler exclusivement avec l’ordinateur ont progressivement aliéné toute activité collaborative. C’est donc à travers l’usage de la figure ouverte de l’atrium que les maîtres d’œuvre proposent une autre vision du travail. 

Chacun des onze étages du nouveau bâtiment abrite ainsi des environnements de travail traditionnels et couverts, qui débouchent progressivement sur des terrasses intérieures où les modes de travail deviennent informels et collectifs, au sein de restaurants, bar en toiture, lounges, cantines, studios, espaces de réunion, dédiés aux expositions et aux événements, décloisonnés et découverts. « L’espace commun formé par les terrasses interconnectées offre une alternative à l’espace de bureau formel, permettant une expansion sans précédent du vocabulaire des espaces de travail : un bâtiment capable d’absorber tous les points d’interrogation de l’avenir numérique », précisent les architectes. Le public est invité à découvrir le nouvel édifice à partir du hall du rez-de-chaussée ouvert sur la ville, du bar sur le toit ou du grand pont en acier, une plateforme d’observation à partir de laquelle on peut assister au fonctionnement quotidien de l’entreprise et à son évolution. 

Largement vitré en façades intérieures comme extérieures, et dont l’atrium traversant – ouvrant au sud-ouest vers le siège historique d’Axel Springer – est constitué d’une structure métallique tridimensionnelle, l’édifice offre un champ de perspectives et de stimulations visuelles très important. Une conception lumière propice à cette politique de diffusion y a été associée. Le bureau de conception lumière Les Éclaireurs a en effet cherché à favoriser les interactions dans l’atrium, où toutes les formes d’énergie sont opérantes, au moyen un jeu d’équilibre complexe devant faire coexister la présence d’écrans vidéo, d’éclairage de bureaux et d’espaces de travail, les possibles manifestations dans le hall et les apports de lumière du jour. En ce qui concerne la conception acoustique, toute aussi importante dans un bâtiment aussi ouvert, le niveau de nuisance sonore dans l’espace atrium a été maîtrisé par la géométrie anguleuse des parois et planchers, grâce à des stries dans les murs et sols en béton, aux planchers en bois, ainsi qu’à des dispositifs phoniques aménagés ponctuellement. L’aménagement de la toiture, enfin, a été réalisé par l’agence Inside Outside dans l’idée de créer un paysage multicouche, jardins de ville, terrains de sport et de jeux, ainsi que plusieurs bars ainsi ouverts au ciel et à la ville. 

[ Maîtrise d’ouvrage : Axel Springer SE – Maîtrise d’œuvre : OMA, Rem Koolhaas, Chris van Duijn ; équipe : Katrin Betschinger (associée), Philippe Braun, Antonio Barone, Paolo Caracini, Alain Fouraux, Gary Owen, Maria Aller Rey, Wael Sleiman – BET : Arup London, structure ; Transsolar Energietechnik GmbH, environnement ; Kahle Acoustics, acoustique ; Inside Outside, paysage, rideaux ; Les Éclaireurs, lumière – Entreprises : Ed. Züblin AG, entreprise générale ; Dobler-Metallbau, GIG Fassaden, façades ; Unifor, Lensvelt mobilier – Surfaces : 57 828 m2 (total hors sous-sol) ; 43 534 m2 (bureaux) + 8 200 m2 (espaces collectifs) ; 14 731 m2 (sous-sol) – Calendrier : concours, 2014 ; livraison, 2019 ]