1. Anastasia Elrouss, fondatrice de l’agence ANA et de l’ONG Warch(ée), Liban

Rédigé par Stéphanie DADOUR
Publié le 09/12/2018

Anastasia Elrouss

Dossier réalisé par Stéphanie DADOUR
Dossier publié dans le d'A n°268

Sensibilisation Et formation : l’empowerment des femmes


Anastasia Elrouss, fondatrice de l’agence ANA et de l’ONG Warch(ée), Liban




Ayant grandi à tripoli, au Liban, au sein d’un ménage de sept femmes, sans figure masculine, Anastasia Elrouss poursuit des études d’architecture à l’American University of Beirut. Diplômée en 2005, elle travaille dans plusieurs agences avant de s’engager auprès d’une jeune équipe où elle deviendra associée en 2008. En 2017, elle fonde sa propre agence, ana, ainsi qu’une ONG, Warché(e). C’est à son arrivée dans la grande ville, à l’université, qu’elle découvre les spatialités d’une société patriarcale. Et c’est lors de ses premières expériences professionnelles, à Beyrouth comme à paris, qu’elle réalise les différences genrées planant dans les agences.


Une femme n’est pas une « représentation » d’un homme


Elle a moins de 30 ans lorsqu’elle est associée à une agence en vogue et responsable de grands projets. En dehors du lieu de travail, elle est entourée d’hommes : lors de consultations, avec les décisionnaires, à la banque, sur le chantier. Dans ces circonstances et de manière récurrente, lorsque les femmes sont en minorité, les hommes se permettent des remarques portant sur des stéréotypes de genre ou sur le physique. Aussitôt qu’elle doit émettre des directives quant à l’avancement du projet, « j’use de tactiques afin d’être réellement écoutée », explique Anastasia. L’une d’entre elles consiste à énoncer les directives comme émanant du fondateur de l’agence, soit une manière de donner de la crédibilité à ses dires, à ses propres décisions et de conforter, en même temps, le patron. En effet, et avec le recul, elle se rend compte que l’ambiguïté autour de la hiérarchie (elle et le patron étant en réalité égaux) explique cette manière de se représenter : se rendre invisible. Près de dix ans plus tard, elle décide de fonder sa propre agence, ANA, qu’elle accompagne d’une ONG, Warch(ée)1. À nouveau, on la fustige de questions : alors que tu as un bon salaire, des projets de rêve, l’équipe, bientôt des enfants… que veux-tu de plus ? Et de répondre : « Je veux exister. » Pour qu’une femme soit prise au sérieux, elle doit faire ses preuves et sans cesse prouver qu’elle est au niveau. Lorsqu’elle décide de se mettre à son compte, on dira qu’elle a « des couilles », et non pas qu’elle est architecte.

 

Ana + warch(ée) : être responsable de ce qu’est être une femme architecte



« Je voulais raconter et dire aux femmes de ne pas faire comme moi » : je me suis cachée derrière un homme à cause de la pression. Et c’est une véritable pression : sociale et professionnelle. Pour qu’une femme soit entendue, il faut qu’elle acquière, qu’elle « gagne » les caractéristiques d’un homme. « Or, être femme et féminine peut rimer avec réussite et carrière. Avec vie familiale aussi. » Warch(ée) ne se limite pas à une campagne de sensibilisation. Le projet vise à former des femmes aux métiers de la construction afin de décloisonner ce milieu, et participer concrètement à la fabrication de milieux bâtis : maçonnerie, menuiserie, électricité, plomberie. Des modules mobiles seront mis à disposition des femmes, in situ sur les chantiers. De l’empowerment, diront les Anglo-Saxons, pour que les femmes soient visibles à tous les niveaux et pour qu’elles occupent plus de place dans l’espace public.


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