top200 en ligne |
Dossier réalisé par . D'ARCHITECTURES À l'encontre de l'image plus ou moins revendiquée de l'architecte artiste, ou de celle d'architecte artisan, auxquelles grand nombre de maîtres d'œuvre restent attachés, la grande agence peut heurter. Elle ne saurait représenter à elle seule l'architecture française, ni être l'horizon de toute une profession : elle en constitue néanmoins une partie. Démontrant la capacité des sociétés d'architecture à faire jeu égal avec les grandes structures d'ingénierie ou de maîtrise d'ouvrage qui sont leurs partenaires de projets, elles portent une part de la crédibilité de l'architecte. |
PORTRAIT DE L'ARCHITECTE EN CAPITAINE D'ENTREPRISE
Qui sont les vingt premières agences d'architecture françaises ? Ceux qui attendaient les agences « affairistes », réalisant loin des médias des immeubles de bureaux anonymes, seront surpris : au sommet de la liste, on trouve deux Pritzker, Renzo Piano en numéro un , suivi de près par Jean Nouvel ; puis, à peine plus loin dans la liste, l'agence Portzamparc, un autre pritzkerisé. Perraut, le dernier lauréat du « Nobel de l'architecture » sur la liste, se classe à une très honorable trentième position. Ils y côtoient des structures dont on connaissait l'importance en taille : Arep, Arte Charpentier, Groupe- 6, Valode & Pistre, Architecture Studio, Viguier, etc. Les revenus se répartissent en quatre grandes strates : la première rassemble les sept agences ayant réalisé plus de 20 millions de chiffre d'affaires ; la deuxième, celles dont le CA est compris entre 10 et 20 millions d'euros, au nombre de neuf ; vingt-cinq agences émargent entre 5 et 10 millions d'euros et forment la troisième strate. Les trois quarts des deux cents plus grandes agences françaises réalisent entre 2 et 5 millions d'euros de chiffre d'affaires. Sur les quarante-trois premiers, trente-deux sont en région parisienne ; certaines agences provinciales, comme Groupe-6 ou Chabanne & partenaires, possèdent une antenne à Paris, en plus de leur siège régional. Les domaines d'activité sont divers : l'hospitalier a favorisé l'éclosion de grandes structures :Michel Beauvais et associés, Brunet Saunier architectures, AART FARAH, AIA, Groupe- 6, etc. Certaines agences ont également une maîtrise d'ouvrage bâtiment et une forte activité d'urbanisme (ANMA, Reichen & Robert, Ateliers Lion, Richez & associés). L'urbanisme commercial, l'hôtellerie, le tertiaire sont aussi bien représentés.
Le professionnalisme comme identité
Un autre point commun de ces agences est leur longévité : nombre d'entre elles sont présentes depuis au moins une trentaine d'années (Valode & Pistre a été fondée en 1974, AIA en 1968, Patriarche la bien nommée en 1960 !). Si les «starchitectes» ont pu bénéficier d'un effet de marque qui leur a permis de déployer une activité intense autour de leur nom, les autres agences du classement revendiquent quasiment l'absence de signature. « Nous sommes contre les styles », déclare ainsi Martin Robain, d'Architecture Studio, propos voisin de celui de Denis Valode et Jean Pistre, qui expliquent favoriser la « contextualité », renouvelant l'aspect des bâtiments à chaque projet. Produisant une architecture moins identifiable – encore que la production des « starchitectes » ne soit pas connue dans son ensemble –, les grandes agences que l'on pourrait qualifier de « collégiales » mettent en avant la qualité architecturale.
Les deux mondes ne sont d'ailleurs pas étanches. Des passerelles s'établissent à l'occasion d'un suivi de chantier : Groupe-6 a ainsi été l'architecte d'opération de SAANA sur les premières phases du projet de la Samaritaine ; VP Green, le bureau d'études émanant de Valode & Pistre, réalise des études pour Piano, Philippe Soler ; tout comme le bureau d'études associé à Chabanne & Partenaires suit l'ingénierie du stade Jean-Bouin de Rudy Ricciotti. L'agence d'architecture Chabanne & partenaires suit également les projets de Zaha Hadid à Montpellier et le musée des Confluences de Coop Himmelb(l)au à Lyon. « Il y a autant de plaisir à développer les projets de ces grands maîtres qu'à projeter soi-même », confie Jean Chabanne. Signe de relations apaisées entre les signatures et les entreprises capitalisant davantage sur une volonté de qualité que sur l'originalité ?
Questions de stratégies
« Son activité est conçue comme un véritable "management de l'architecture". Dans son vaste bureau de Clamart qui donne sur un jardin éternellement vert, il propose un service complet au client.On achète de tout chez Labourdette, du myosotis au bouton de porte. Il suffit de s'adresser au bon rayon : à la Suabla, à la Sethia ou à l'ARU, voire à l'Areda. » Extraites de l'ouvrage A comme architectes* publié en 1980, ces lignes campent, à travers le cas de Labourdette, l'architecte de Sarcelles, le portrait type d'une de ces deux cents agences qui se partageaient alorsla commande : une structure avec à sa tête un prix de Rome intrigant et affairiste, patron régnant sur une armée de « nègres », multipliant les officines et les champs d'intervention afin de maximiser son profit.
Cette image peu reluisante ne correspond plus à la réalité des grandes agences contemporaines, dont beaucoup ont émergé à la faveur d'importants concours publics. Peut-on dresser un portrait robot de la « grande agence » d'aujourd'hui? Les modes d'organisation sont sans doute aussi nombreux que les agences elles mêmes : certaines ont créé des bureaux d'études, d'autres s'y refusent, certaines sont dotées de cellules d'urbanisme, d'autres non. L'implantation à l'étranger n'est pas systématique, bien qu'il semble difficile, en termes de développement, de faire l'impasse sur le sujet. Elle peut se réaliser avec de petits moyens – une personne détachée sur un marché potentiel – ou être plus conséquente, avec des bureaux permanents dans les pays émergents : Architecture Studio ou Valode & Pistre. La grande taille ne serait pas non plus un but en soi : interrogés, les responsables des grandes agences affirment ne pas placer l'expansion en tête de leurs priorités, au contraire des agences anglo-saxonnes pour lesquelles croissance semble être synonyme d'existence. Reste qu'au quotidien, big est toujours beautiful : la grande taille rassure les maîtres d'ouvrage, qui peuvent être confiants dans le suivi de projets s'étirant sur plusieurs années. Elle donne un confort de travail et autorise une certaine prise de risque hors de portée des petites structures : le développement à l'export, voire l'ouverture de bureaux d'études liés à l'agence. Cette dernière option est inégalement partagée : « L'agence BDP (troisième agence de Grande-Bretagne avec six cent vingt-trois employés), à laquelle nous fûmes un temps associés, avait ses propres bureaux d'ingénierie, mais revient désormais en arrière, explique Mark Wilson, de Groupe-6. Pour notre part, nous n'avons pas d'ingénierie intégrée, car nous trouvons plus enrichissant de collaborer avec des bureaux d'études extérieurs. Si nous devions incorporer des compétences, ce seraient plutôt celles qui ont une forte valeur ajoutée architecturale : lumière, façade, paysage, etc. » Les grandes agences françaises ayant développé des bureaux d'études ne candidatent pas systématiquement avec eux. La loi MOP pousse à l'indépendance des deux branches de la conception.
Après le public
Subissant diversement la crise, les grandes agences se trouvent aujourd'hui face à un tournant : « La commande publique se raréfie, constate Jean Pistre, et même dans les PPP, l'architecte n'est plus que le prestataire d'une entreprise privée qui a pour finalité la construction d'un bâtiment public. » Conception-réalisation, PPP, les grandes agences sont aux premières loges de ces procédures souvent mises en place pour la réalisation des grands projets, qui sont leur vocation intrinsèque.
Les avis sur cette mutation de la commande sont là encore partagés. Le PPP apparaît pour certains comme un investissement pouvant se solder par des pertes financières, écueil évité par d'autres en négociant avant le départ de la consultation. Au-delà des procédures, un autre souci des grandes agences est la diversification : la commande de grands projets est cyclique, le temps des grands projets d'hôpitaux touche à sa fin ; s'ouvre celui des stades et des équipements de loisirs type Arena, qui ne sera pas non plus éternel. La recherche de commandes attribuées par le biais de PPP ou par le privé – qui adopte fréquemment un mode original de concours non rémunéré – oblige à la prospective très en amont. Placées dans un secteur hyper concurrentiel – s'il y a peu de grandes agences, il y a aussi peu de grands projets –, les structures importantes n'ont pas de rente de situation : elles sont condamnées à toujours plus d'efficacité pour assurer leur survie.
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6
L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |