Rénover sans dénaturer : les ABF en première ligne

Rédigé par Tarik ABD EL GABER
Publié le 27/08/2024

© Coline Bublex

Dossier réalisé par Tarik ABD EL GABER
Dossier publié dans le d'A n°319

Entretiens croisés avec quatre ABF : Fabien Sénéchal, président de l’Association nationale des architectes des bâtiments de France (ANABF) ; Mahmoud Ismail, chef de l’UDAP de l’Essonne (91) ; Benoît Léothaud, chef de l’UDAP des Hauts-de-Seine (92) ; Ana-Cristina Nitescu, adjointe au chef de l’UDAP des Hauts-de-Seine (92) ; Marc Louail, chef de l’UDAP de la Nièvre (58) et ancien chef de l’UDAP de Seine-Saint-Denis (93)
 Propos recueillis par Tarik Abd El Gaber
 
Lors des auditions réalisées pour le rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique du 29 juin 2023, une petite musique semblait résonner parmi les personnes interrogées. Anciens élus et experts accusaient, parfois très directement, les architectes des bâtiments de France (ABF) d’être trop restrictifs sur la question de la rénovation du bâti ancien. D’autres témoignages, notamment de membres du CNOA, considèrent les ABF comme des « gardiens du temple, de notre patrimoine, de sa beauté1 ». Nous avons interrogé plusieurs ABF et le président de l’Association nationale des architectes des bâtiments de France (ANABF) pour comprendre en quoi consistent réellement la mission des ABF et leur rôle clé dans la conservation/mutation des enveloppes du bâti ancien.

D’a : On trouve dans le rapport de la commission d’enquête des accusations frontales à l’encontre des ABF. Certains leur reprochent d’avoir un caractère trop changeant, imprévisible, nuisant donc à la neutralité prétendue des avis conformes délivrés (ou non) par ce corps historique d’architectes… Le rapport propose entre autres de supprimer l’avis conforme ou de le charter plus strictement. Cette réputation de censeur est-elle justifiée ?

Fabien Sénéchal, président de l’ANABF : Les ABF sont avant tout architectes. Ils ont donc pour but d’accompagner les maîtres d’ouvrage dans leurs projets, publics ou privés, notamment en imposant des exigences sur la qualité de la façade ou sur les techniques à mettre en œuvre, voire en réinterrogeant l’intérêt même de bâtir. Les ABF sont des agents de l’État et doivent appliquer les politiques publiques en vigueur, comme les politiques publiques de rénovation. Nous devons souvent jongler entre les différents textes applicables, identifier les contradictions, déterminer la politique qui prime sur une autre en fonction des situations. Le travail de l’ABF est donc celui d’un expert à consulter, intervenant en général à la toute fin du processus. Il n’est pas plus bloquant que la commission sécurité qui assure la réglementation incendie, par exemple. Ce rôle consultatif est toutefois unique. Le système français est construit tel que l’État, en la personne des ABF, garde un regard sur la préservation du patrimoine et du paysage. À l’époque de la définition de notre rôle, le législateur a fait le choix de dissocier l’avis conforme de l’ABF de l’autorité habituelle confiée aux préfets puis aux maires. Les ABF sont ainsi les seuls à disposer d’un pouvoir décisionnaire en dehors des pouvoirs publics sous la forme d’un avis conforme délivré sous certaines conditions.
 
Marc Louail, ABF de la Nièvre et ancien ABF de la Seine-Saint-Denis : L’année 2005 marque un tournant dans la pratique des ABF. Depuis 2000, les ABF ont été interdits de pratiquer toute mission de maîtrise d’œuvre ou de conception à titre libéral. À l’exception de certains conservateurs de monuments, les ABF n’ont donc plus d’autres activités que le pouvoir de donner des avis, d’émettre des rapports d’état sanitaire du bâti ou de participer à des démarches d’acculturation sur la question du patrimoine.
 
Benoît Léothaud, ABF des Hauts-de-Seine : Dans 90 % des cas, nous nous retrouvons face à des dossiers qui ne sont pas suivis par des confrères, soit parce qu’ils figurent en dessous du seuil de surface rendant obligatoire la consultation d’un architecte, soit car (...)

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