Axonométrie de l'immeuble, rue de la Verrerie, Paris, IVe |
Dossier réalisé par Hubert LEMPEREUR
Ce projet de réhabilitation présente le cas instructif d'une forme stimulante de valorisation du patrimoine historique, qui ne renonce à répondre ni aux enjeux du logement social contemporain, ni aux exigences de limitation des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre. |
Le site concerné est emblématique. En plein ventre de Paris, avec une façade sur la rue de la Verrerie et l'autre donnant directement sur le chevet de l'église Saint-Merri, le bâtiment principal possède les caractéristiques émouvantes d'une maison parisienne de la fin du XVIIe siècle en cours de mutation vers l'immeuble d'appartements de « plain-pied1 ». En état déplorable, resté sans entretien pendant des décennies, il est inscrit à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques. De ce régime de protection résulte une priorité à donner à l'objectif de sauvegarde de l'état d'authenticité matérielle du bâti. Une telle situation aurait pu amener le bailleur et son architecte à s'abstraire des logiques normatives et à profiter d'un régime d'exemption $ad hoc$. Leur mérite consiste, en partenariat avec l'architecte des Bâtiments de France et la Commission du Vieux Paris, à avoir considéré que cette exclusion réciproque pouvait être dépassée, et que le bâti historique était à même de susciter des réponses conciliant les objectifs des textes patrimoniaux de référence, en particulier la charte de Venise, et le pari ambitieux du Plan Climat parisien. Avec leur projet, aujourd'hui en cours de chantier, ils apportent la preuve que le bâti ancien a à nous apprendre ; qu'il peut, en lui-même, offrir au praticien d'aujourd'hui un modèle pour le « développement durable », au-delà des fausses confrontations stériles et paresseuses.
Après avoir diligenté un diagnostic de l'état et du potentiel des structures et de l'enveloppe, basé sur les outils du relevé et de l'anatomie constructive2, les acteurs de ce projet ont développé une logique circonstanciée de réemploi et d'adaptation. Les menuiseries anciennes encore en place, à double doucine ou à guillotine, sont conservées et restaurées. Au grand bénéfice des appartements qui disposent ainsi sur rue d'un système de doubles fenêtres, offrant non seulement le confort thermique et acoustique attendu aujourd'hui, mais aussi des usages plus riches. Côté cour, les menuiseries des appartements sont changées. L'aile en retour sur cour, en état de dégradation avancé, est intégralement recréée et réinterprétée, avec une paroi performante combinant une isolation par l'extérieur et un bardage en cuivre au dessin précieux.
La parcelle étant traversante, son accès en est judicieusement retourné grâce à la suppression d'appentis dans la cour. Il s'opère désormais rue du cloître-Saint-Merri, par le porche d'un petit bâtiment à R+1 accolé au cul de l'église. Ce vestige du tissu moyenâgeux est reconstruit « à l'identique ». Il accueille à rez-de-chaussée les locaux poubelles, vélos, etc., et à l'étage un logement supplémentaire. Une expérience de parcours architectural saisissante s'offre au bienheureux habitant qui, une fois le porche passé, découvre et longe l'église au plus près des arcs-boutants et des vitraux, sur toute la profondeur de l'étroite cour, avec, en mire, l'aile en cuivre. L'ascension vers le logement se fait par l'exceptionnel escalier encore en place, au garde-corps en ferronnerie restauré. Les portes palières à double battant sont conservées, doublées de portes modernes répondant aux exigences réglementaires. L'intérieur des logements profite d'une même sollicitude : les cuisines sont placées en prolongement du séjour dans l'aile sur cour et les salles de bains dans des blocs bas préservant le volume existant.
À l'issue des études, les consommations prévues sont limitées à 78 kWh/m²/an, ce qui permet de répondre aux critères de certification Cerqual THPE et du Plan Climat parisien. Puisse une telle démarche, ici menée sur un élément de patrimoine historique majeur, se développer dans des contextes plus courants. La rationalité économique, environnementale, comme le bon sens, voudraient en effet que les procédures d'inventaire, de diagnostic et d'évaluation, habituelles en contexte patrimonial, servent de modèle à toute intervention sur l'existant, sans critère d'ancienneté ou d'intérêt3.
1. Cf. Cabestan, La Conquête du plain-pied. L'immeuble à paris au XVIIIe siècle, Picard, 2004.
2. Le diagnostic est réalisé par les jeunes architectes de l'atelier 32, selon les modalités naguère enseignées par Jacques Fredet à l'ENSAPB. CF. J. Fredet, Les Maisons de Paris, éditions de l'encyclopédie des nuisances, 2003.
3. Cf. H. Lempereur, "Reconnaître les potentiels techniques et les temporalités du bâti pour mieux le transformer", <www.urcaue-idf.archi.fr/ressources/UR-OBS-2010-Seminaire-Actes.pdf>, pp.26-35
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