Réformer pour mieux accompagner l’innovation, Entretien avec Stéphane Hameury, directeur opérationnel de la division « Enveloppe du bâtiment » du CSTB

Rédigé par Tarik ABD EL GABER
Publié le 15/11/2024

Dossier réalisé par Tarik ABD EL GABER
Dossier publié dans le d'A n°321

Propos recueillis par Tarik Abd El Gaber

Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) est l’autorité française pour la recherche et l’innovation dans le secteur du bâtiment. Depuis sa fondation en 1947, il s’engage à améliorer les performances énergétiques, environnementales et de sécurité des constructions. Il propose des essais, des certifications et des études pour garantir la qualité et la durabilité des matériaux et des systèmes de construction. Le CSTB est également responsable de l’émission des Appréciations techniques d’expérimentation (ATEx), des évaluations techniques pour des solutions innovantes non encore couvertes par les normes. Le CSTB fait aujourd’hui face à certaines critiques, notamment sur la rapidité de ses processus d’évaluation et la transparence de ses méthodes. Certains acteurs de l’industrie du bâtiment, dont de nombreux architectes, estiment que les délais pour obtenir des certifications sont trop longs et ne conviennent pas aux temporalités du projet. D’autres soulignent également le besoin d’une plus grande clarté dans les critères d’évaluation et dans la communication des résultats. Face à ces critiques, Stéphane Hameury a été nommé directeur technique de la nouvelle division « Enveloppe du bâtiment » en 2020. Il devra notamment composer avec la toute récente réforme de l’ATEx censée accélérer le processus d’appréciation et favoriser l’innovation dans le domaine du bâtiment.

D’a : Comment répondez-vous aux critiques formulées à l’encontre de l’inertie du CSTB ?
Stéphane Hameury : Le monde de la façade est une filière. Les entreprises de la façade représentent une majeure partie des acteurs qui sont amenés le plus souvent à solliciter des ATEx. Ces demandes se font davantage dans un cadre d’assurabilité que d’innovation dans la mesure où les dérogations sont en général assez légères donc peu risquées. L’ATEx sert alors d’outil pour garantir un cadre d’assurabilité propice à la réalisation du chantier. Nous faisons face à certaines difficultés venant notamment de l’extension de la mission des entreprises porteuses des appréciations. Du fait de leur désignation aux phases avancées des projets, elles n’ont au départ qu’un rôle d’exécutant d’un dessin arrêté. Demander aux entreprises désignées au DCE de porter une ATEx revient à leur demander de revenir à un stade de conception. Lors de ces phases rapprochées du chantier, il devient très difficile de tenir un calendrier incluant la réflexion et les échanges nécessaires à l’élaboration d’un détail expérimental, sans même compter sur le temps nécessaire à la production de prototypes, la mise en place des tests et l’analyse des résultats.

D’a : S’agit-il du seul frein à l’innovation ?
La volonté d’innovation technique en façade et dans le bâtiment en général est bien réelle. Le frein vient plutôt du renvoi presque systématique de la responsabilité de cette innovation aux entreprises et à la maîtrise d’œuvre d’exécution. Nous déplorons l’attitude parfois attentiste de certains maîtres d’œuvre en amont de la consultation des entreprises, souvent due à une méconnaissance des rouages du système. Malgré toute la bonne volonté du monde, le lancement d’une ATEx trop tardive se heurte systématiquement au timing trop serré à l’approche du chantier. Nous notons également que la tendance à faire appel à une maîtrise d’œuvre d’exécution différente de celle de l’équipe de conception nuit au processus d’innovation. Sans continuité entre les études et le chantier, la résolution des sujets d’exécution se fait souvent au détriment d’une innovation qui aurait été possible si le sujet avait été anticipé dès les études par une équipe avec la mémoire du projet. Nous savons également que, du fait de la dégradation des honoraires liés à l’activité de maîtrise d’œuvre depuis les années 1980, les équipes qui devraient en théorie porter les ATEx se trouvent bien souvent dans l’incapacité financière de le faire. Sans le soutien d’un maître d’ouvrage et/ou d’un aménageur dès les premières phases du projet, l’allocation des honoraires relègue le financement d’une ATEx à des phases trop tardives pour être compatible au planning du projet.

D’a : Quelles sont les solutions pour relancer l’innovation portée par les maîtres d’œuvre ?
Concernant l’argument financier, la question n’est pas d’abaisser le tarif de l’ATEx mais plutôt de lisser les coûts à l’échelle du projet dans sa globalité. Actuellement, le dossier est généralement lancé après le DCE et doit être porté par l’entreprise qui gère le lot façade. À l’échelle de ce lot seul, un budget ATEx est bien trop élevé alors qu’à l’échelle du projet, c’est un poste relativement

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