Les façades légères : entre conservation, adaptation et réhabilitation

Rédigé par Mathilde PADILLA
Publié le 27/08/2024

Dossier réalisé par Mathilde PADILLA
Dossier publié dans le d'A n°319 Avec la reconstruction de l’après-guerre et l’édification de masse, le XXe siècle a mis en œuvre de nouvelles techniques de rationalisation de la construction dans un objectif productiviste. La structure, l’enveloppe et les cloisonnements se détachent alors les uns des autres. Les façades, dégagées des contraintes structurelles, assurent l’interface avec l’extérieur, s’ouvrent davantage et réduisent leur poids pour limiter les efforts. C’est la création de la façade légère, sous forme de murs-rideaux ou de murs-panneaux.


par Mathilde Padilla, architecte DE au sein de l’agence ARCHIPAT1.

Pour réduire les coûts et délais de construction, les façades légères sont préfabriquées, souvent en série. Un soin particulier est néanmoins apporté au choix de matériaux qualitatifs et pérennes tels que le verre, l’Émalit, l’acier ou encore l’aluminium. Faites d’éléments assemblés, les façades légères souffrent de deux phénomènes : l’a priori selon lequel elles peuvent facilement être démontées, poussant intrinsèquement à leur remplacement ou à leur transformation radicale, et l’altération dans le temps de leurs nombreux joints et assemblages, dont le caractère quasi mécanique nécessite une maintenance adaptée.
Indéniablement innovantes techniquement et adaptées esthétiquement à la production d’une époque, les façades légères font partie intégrante du patrimoine bâti du siècle dernier. Les enjeux contemporains liés à la transition énergétique exigent cependant la réhabilitation de ce type de façades dont le manque d’isolation, tant thermique qu’acoustique, engendre des problématiques de confort.
À travers un travail de thèse s’appuyant sur un projet démonstrateur sur l’immeuble des Cèdres, réalisé en 1962 par François-Régis Cottin et Jean Prouvé à Lyon, notre équipe de recherche a expérimenté, à l’échelle 1, des solutions de réhabilitation2.
L’aboutissement de ce travail de recherche a conduit à l’élaboration de prototypes in situ, dont la conception a été fondée sur des diagnostics architecturaux, patrimoniaux, thermiques, acoustiques et d’ambiances vécues grâce à des entretiens menés auprès des habitants. Plusieurs hypothèses ont été expérimentées, allant de la simple installation de stores toiles en façade sud et de rideaux acoustiques en façade nord, au remplacement des vitrages et menuiseries, ou encore à l’adjonction d’une double façade intérieure comprenant un isolant et une seconde menuiserie. Cette dernière hypothèse présente l’intérêt de retrouver l’intégralité de la façade d’origine de Jean Prouvé et de déporter les performances sur cette nouvelle façade. Une autre hypothèse a consisté à isoler par l’extérieur tous les autres éléments de l’enveloppe du bâtiment (pignons, toiture, sous-face de plancher), à agir sur les systèmes de production et de distribution de chauffage, et à engager une intervention minimale sur les panneaux Prouvé en se contentant de remplacer les menuiseries, dont près de 80 % ont déjà été changées au fil du temps par les copropriétaires, avec des modèles variés. L’objectif est ainsi d’améliorer les performances de la façade et de retrouver son homogénéité. Au-delà de la solution technique, dont les caractéristiques sont à adapter à chaque édifice et selon les besoins des copropriétaires, il ressort de cette recherche une méthodologie d’intervention pour la réhabilitation des façades légères du XXe siècle, alliant conservation de ce patrimoine moderne et adaptation aux besoins du XXIe siècle au regard de quatre critères prépondérants : respect de la valeur patrimoniale de l’édifice et de ses façades, amélioration du confort des occupants (thermique, acoustique et lumineux), amélioration des performances énergétiques et économie.
 
 
1. Selon la norme NF P28-001, une façade légère se définit par une paroi extérieure caractérisée par une masse inférieure à 100 kg/m2, dotée de produits manufacturés et de parements finis. Les murs-rideaux s’accrochent devant la structure primaire du bâtiment tandis que les murs-panneaux s’insèrent entre les éléments de structure.
2. Cette équipe a réuni les chercheurs des laboratoires EVS-LAURe et AAU-CRESSON, représentés par Philippe Dufieux et Olivier Balaÿ, directeurs de la thèse, et Mathilde Padilla, ayant soutenu la thèse ; l’agence d’architecture Archipat et l’un de ses associés, Laurent Volay, architecte du patrimoine, qui ont accueilli la thèse en convention industrielle de formation par la recherche ; les BET TRIBU et EPCO pour la thermique, les fluides et la conception durable, LASA pour l’acoustique et DECARE pour la structure ; l’entreprise de métallerie et serrurerie KCM, des fabricants, ainsi que l’équipe des Grands Ateliers et des Compagnons du devoir de Villefontaine pour la réalisation des prototypes. Les habitants de l’immeuble sont également intégrés aux réflexions ainsi que les gestionnaires historiques de l’immeuble, la Régie Franchet. Franz Graf, chercheur au laboratoire TSAM de l’EPFL, et Florence Delomier-Rollin, conseillère régionale à l’architecture à la DRAC AURA, sont membres du comité scientifique de la thèse. Enfin, le projet est intégré à la chaire partenariale d’architecture Habitat du futur, labellisée par le ministère de la Culture.

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