Malgré la force de leur ancrage territorial et le soutien d’acteurs essentiels à la politique architecturale et urbaine, certains CAUE connaissent des difficultés de trésorerie. Mais surtout, l’évolution des gouvernances entre régions, départements, métropoles et communes ainsi que plusieurs textes de lois en préparation pourraient menacer une partie de leur mission. Nous avons demandé à Yves Brien, directeur de la Fédération nationale des CAUE (FNCAUE) (1) comment il envisageait ces mutations.
En 2013, l’article 30 du premier projet de la loi Lebranchu menaçait le financement et la mission des CAUE. Qu’en est-il aujourd’hui, au moment où des évolutions législatives se profilent ?
Le projet était de faire des agences techniques départementales des groupements d’intérêt public financés par la part départementale de la taxe d’aménagement. Sans remettre en cause le rôle de ces agences techniques, il importe de préserver le regard critique que peuvent apporter les CAUE avec leur indépendance et leur pédagogie. Outre une perte de ressources pour eux – ils sont financés par cette taxe –, le risque était grand de les intégrer aux agences techniques en les faisant participer à la maîtrise d’œuvre de l’aménagement. L’ancienne ministre de la Culture, l’Ordre des architectes et l’UNSFA ont défendu l’esprit des CAUE en insistant sur leur ancrage territorial, favorable à une sensibilisation générale des élus et des particuliers aux enjeux architecturaux, urbains et environnementaux.
Le projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la république (NOTRE) votée au Sénat en première lecture fin janvier, avec une seconde lecture prévue en mars, pourrait néanmoins revenir sur la question de l’ingénierie…
Avec cinq mesures sur trente-six concernant les CAUE dans son rapport (voir rubrique pro, d’a octobre 2014), Patrick Bloche a conscience que, au-delà de l’assistance aux collectivités, il importe de renforcer l’ensemble des missions des CAUE, du conseil à la formation des élus et des professionnels. Parmi les sénateurs et les députés, certains partagent d’ailleurs ce point de vue. À cela s’ajoute l’impact de la Mission d’inspection sur le statut, le financement et les missions des CAUE. Cette mission, qui réunit le ministère de la Culture et de la Communication par le biais de l’IGAC (Inspection générale des affaires culturelles) et le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie le ministère de la culture à travers le Conseil Général de l’Environnement et du Développement durable (GGEDD), tend à renforcer l’esprit de la loi de 1977 en soulignant aussi l’importance de la globalité des missions des CAUE.
Après trente-sept ans d’existence, l’heure d’un repositionnement des CAUE est-elle venue ?
Ayant pris conscience qu’ils ne seraient peut-être pas éternels, les CAUE ont en effet redéfini leur discours pour se repositionner dans le cadre de la métropolisation, de la relation à l’ingénierie et à l’urbanisme, de la démocratisation de l’architecture et du permis de construire et comme accompagnateur de la transition énergétique. Dans le cadre de la préparation de la loi « création, architecture et patrimoine », volet législatif de la stratégie nationale sur l’architecture annoncée par Fleur Pellerin, la ministre de la Culture et de la Communication semble souhaiter reprendre des aspects du rapport Bloche. Dans cette optique, des contacts se poursuivent avec Jean-Marie Ruant, président de la FNCAUE. Nous souhaiterions que le texte intègre des mesures significatives renforçant le rôle des CAUE dans le conseil aux particuliers, notamment par le biais des autorisations liées au permis de construire et au droit des sols. Les CAUE intervenant souvent comme conseil en amont sur les projets, nous aimerions en effet que cette loi favorise le maximum d’occasions de rencontre entre nous et les maîtres d’ouvrage. Un autre point serait de renforcer le rôle des CAUE sur le plan de la transition énergétique, car ils peuvent proposer des solutions architecturales qui vont au-delà de simples préconisations thermiciennes. Cela pourrait se faire par le biais de la loi sur la transition énergétique en cours de discussion au Sénat.
Nous avons été alertés par les graves difficultés de certains CAUE, au point qu’ils ont dû licencier une partie de leurs équipes. Quelle est la situation aujourd’hui ?
Plusieurs CAUE ont en effet connu des difficultés de trésorerie à partir de 2012, dues à des retards dans le dispositif de recouvrement de la taxe les finançant. La directrice en charge de l’architecture au ministère de la Culture a donc pris l’initiative d’organiser une réunion interministérielle en novembre dernier. Il y a depuis des signes de reprise.
Avec la montée en puissance des métropoles et la baisse des ressources des collectivités locales, les élus des petites communes sont souvent pris au dépourvu. N’est-ce pas là que le rôle des CAUE mérite d’être renforcé ?
Les élus des communes, grandes ou petites, sont les premiers utilisateurs des CAUE. Avec le vide laissé par les DDTM (Direction départementales des territoires et de la mer), nous n’avons jamais eu autant de demandes de leur part. Les maires récemment élus font confiance aux généralistes que sont les CAUE. Grâce à la proximité, la continuité et la globalité de leur approche depuis la loi de 1977, les CAUE ont constitué un fond documentaire d’études municipales précieux pour eux. Il est donc paradoxal que nous soyons en train de nous questionner sur notre avenir, d’autant que les particuliers nous sollicitent eux aussi de plus en plus. La fin de l’Assistance technique fournie par l’État pour des raisons de Solidarité et d’Aménagement du territoire (ATESAT), qui apportait par le biais des DDTM un soutien aux petites communes dépourvues d’ingénierie, les a pénalisées. Certains départements souhaitent néanmoins assurer la coordination de l’ingénierie auprès des petites communes. Par ailleurs, le fait qu’à partir de juillet 2015 les autorisations d’urbanisme seront systématiquement instruites par les maires ne peut qu’inciter à imaginer des solutions en intercommunalité. (1) Sur 92 CAUE départementaux, la fédération regroupe aujourd’hui 80 adhérents, contre 56 en 2005. |
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Les CAUE, une diversité pragmatique sur tous les territoires
Les CAUE, ce sont des équipes variant
de trois à trente-cinq personnes. Le budget étant proportionnel Ã
la taxe sur la construction du département, le moins doté ne
dispose que de 170 000 euros annuels. « Plus on est
petit, plus on doit être agile », dit Laurence Cahuzac,
directrice du CAUE d’Eure-et-Loir, qui produit notamment une
exposition annuelle à des fins pédagogiques. Être à la tête
d’une minuscule équipe de quatre personnes l’incite à nouer des
liens de confiance avec des collectivités comme celle d’Épernon
(6 000 habitants), afin d’exercer pleinement la polyvalence
des missions du CAUE : jurys de concours, conseils aux permis de
construire ou stratégie pour un scénario d’attractivité
commerciale en centre-bourg.
Dans les Yvelines, Élisabeth Rojat-Lefebvre mène une action d’accompagnement décisive sur les PLU en organisant des soirées débats avec les élus de l’ensemble des communes rurales et urbaines. Parmi les thèmes abordés : « le PLU, ambitieux projet communal », le logement, le patrimoine, la lecture des cartes et des territoires.
En Aquitaine, Élodie Vouillon, directrice du CAUE 33, et ses confrères Régine Chauvet (CAUE 64), Nathalie Hérard (CAUE 47), Bertrand Boisserie (CAUE 24) et Céline Massa (Union régionale des CAUE d’Aquitaine) ont mis leur région au premier plan d’une expérimentation en signant en fin d’année 2014 une convention avec la DRAC et les STAP (Services territoriaux de l’Architecture et du Patrimoine) pour favoriser les synergies de terrain en termes de conseil et de pédagogie.
« Mille personnes viennent Ã
nos formations chaque année », dit Jean-Sébastien Soulé. À
la tête du dynamique CAUE 92, il s’est toujours mobilisé pour
mélanger les publics (élus, associations, architectes) et pour
faire connaître les jeunes architectes et des opérations témoignant
d’interactions intelligentes. « En Île-de-France,
ajoute-t-il, la taxe qui nous finance semble finalement résiduelle
pour les grands promoteurs, qui apprécient de participer à nos
formations et le fait que nous valorisions les opérations
quotidiennes ou emblématiques qu’ils réalisent avec de bons
architectes, alors même que la fabrication du logement devient
terriblement complexe. »
Dans les départements où se pose
la difficile question de la réhabilitation des bâtiments Ã
ossature bois, rares sont les lieux qui peuvent se prévaloir de
compétences de conseils. C’est pourquoi le CAUE de la Somme,
dirigé par Grégory Villain, travaille sur les typologies du bâti
traditionnel dans une optique de réhabilitation écoresponsable qui
a fait l’objet d’un petit guide pragmatique intégrant des
recommandations énergétiques. En Dordogne, les cahiers de
recommandations architecturales et paysagères réalisés avec les
communautés de communes ont valeur d’exemple à l’attention du
grand public et des élus pour illustrer la qualité architecturale Ã
l’échelle infradépartementale. En Haute-Savoie, Arnaud Dutheil
est porteur d’une démarche de valorisation des équipements
touristiques de haute montagne, stations ou refuges, tant sur le plan
patrimonial qu’en termes de réutilisation contemporaine.
Citer ici tous les CAUE est impossible, mais il est n’est pas inutile de rappeler le bel hommage souvent rendu par des architectes à notoriété avérée, qui disent que c’est souvent grâce aux CAUE de leurs départements d’origine qu’il sont pu bénéficier d’un début de visibilité au commencement de leur carrière.
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