Fruit de la loi
SRU, le PLU est un outil d’urbanisme qui, malgré ses ambitions louables,
suscite des interrogations et des difficultés de mise en œuvre dont ce premier
volet fait état. Dans un prochain numéro, nous reviendrons sur les enjeux avec
les responsables de ces questions au sein du ministère du Développement
durable, en abordant notamment les incidences du décret entré en vigueur en
janvier 2016 qui modernise le contenu du PLU, le PLU intercommunal et les
évolutions réglementaires liées à la loi ALUR. |
Depuis la loi
SRU en 2000, le plan local d’urbanisme (PLU) régi par le Code de l’urbanisme
(titre V, livre Ier) s’est substitué au plan d’occupation des sols (POS)
institué par la loi d’orientation foncière de 1967. Réglementant la
planification de l’urbanisme communal (ou intercommunal), il vise à prendre en
compte les logiques urbaines au sens large et en particulier celles du
développement durable, en les synthétisant dans une approche panoramique
prenant en compte les besoins d’une pluralité d’acteurs. Plus formelle de ce
fait que celle des anciens POS, sa rédaction entraîne sur le terrain des
difficultés de mise en application et des recours qui perturbent le déroulement
des opérations. Nombre d’architectes s’étonnent de lire des PLU encombrés de
complexités inutiles quand des variantes en sont absentes alors qu’elles
pourraient, par exemple, permettre de mieux intégrer selon les cas la densité,
un équipement particulier, les particularités de macrolots regroupant des
programmes diversifiés, les règles d’exception des pompiers, etc. Face à une
multiplication de recours, beaucoup de PLU sont en cours de révision ou
révisés. Avec la conviction que ce dispositif est perfectible, nous avons
recueilli le point de vue de deux architectes urbanistes qui ont réfléchi à ces
questions.
RÉGIR LE BIEN COMMUN NÉCESSITE DES
COMPÉTENCES
Associé au sein
de l’agence germe & JAM, l’architecte Jean-Marc Bichat a contribué à
élaborer plusieurs PLU, en particulier aux Mureaux (lauréat du prix « politique
urbaine et architecturale » au Palmarès 2014 d’architecture, d’urbanisme et de
paysage du CAUE 78) et à Servon-sur-Vilaine, en périphérie rennaise, fondés sur
des études préalables de plan directeur débouchant sur un volet morphologique
détaillé de la partie réglementaire. « Le PLU est un outil complexe, dit-il.
Reposant sur la notion d’encadrement du bien commun, il se doit d’assurer un
équilibre entre des intérêts contradictoires. Certaines approches des règles
peuvent être libérales quand d’autres fixent au contraire des contraintes
importantes. Là où les POS se limitaient à une stricte réglementation des
espaces privés, le PLU engage à une logique de projet communal à travers le
PADD (Projet d’aménagement et de développement durable) et les Orientations
d’aménagement et de programmation (OAP) nées de la loi ALUR, afin d’adosser la
règle à un vrai projet urbain considérant notamment l’espace public. Pour
l’architecte, la grande évolution entre POS et PLU tient à cette opportunité –
pas toujours mise à profit – de volet préliminaire à la partie réglementaire.
Bien traité, il s’apparente à un plan-guide régissant le bien commun de la
ville et son évolution en permettant de décliner des projets. » La question
reste la pertinence du passage de l’une à l’autre de ces étapes autour d’un
ensemble de règles simples, appréhendables par tous et solides sur le plan
juridique notamment. Quelle marge de liberté et de souplesse un règlement de
PLU peut-il se donner sur la base du PADD? « L’important étant de réussir à
trouver un équilibre, un savoir est nécessaire pour porter ces enjeux auprès
des divers services concernés et des habitants », précise Jean-Marc Bichat,
pour qui cette problématique rejoint le débat entre un urbanisme de plan-masse
et un urbanisme ouvert. Si le volet « projectuel » du PLU suscite par ailleurs
un déplacement des compétences, la procédure à la fois lourde sur le plan
formel, chronophage et soumise à l’insuffisance des budgets ne semble pas
contribuer à faire suffisamment émerger la question spatiale dans un domaine
assez logiquement dominé par le droit et les sciences sociales regroupés au
sein de structures diverses (juristes, bureaux d’études généralistes,
géomètres), de fait assez éloignées de la maîtrise d’œuvre (architectes,
paysagistes). Afin d’éviter que les PLU soient trop souvent réduits à des
outils préformatés et a-contextualisés sur des territoires singuliers par
nature, il importe donc que les choses évoluent. La nouvelle génération des
PLU, qui se construiront désormais à l’échelle intercommunale et sous une
nouvelle forme tournée plus encore vers la logique de projet, renforce l’acuité
de cette question.
RETOUR SUR LES RISQUES D’UN PLU MAL RÉDIGÉ
Comment
optimiser la rédaction d’un PLU par des réponses variées en adéquation avec la
diversité des territoires et des acteurs? L’architecte toulousain Yvan Lacombe
nous donne un exemple. Associé au sein de l’agence MY Architectes, qui conçoit
plus de 400 logements par an, il tente depuis des années d’influer sur
l’écriture des documents d’urbanisme, quotidien normatif de bon nombre
d’architectes. En lien avec le Conseil régional de l’Ordre des architectes, il
s’est attelé à une relecture critique du PLU de Toulouse, et met en garde contre
les truismes, les coquilles réglementaires pouvant entraîner des recours et la
subjectivité de certaines notions, véritables carcans à la création
architecturale. Pour lui, l’article 11 portant sur l’aspect extérieur des
constructions et l’aménagement des abords nécessite la plus grande vigilance.
comme le montrent de savoureux truismes relevés dans l’article 11 du PLU de
Toulouse : - « les propositions architecturales doivent contribuer à une mise
en valeur pertinente des quartiers dans lesquels les projets s’inscrivent »; -
les nouveaux projets doivent « assurer l’harmonieuse transformation des tissus
urbains »; - « l’extension ou la modification d’une construction présentant un
intérêt architectural doit contribuer à une amélioration de la composition
architecturale de celle-ci »; - « dès lors qu’une construction présente un
intérêt architectural […], les travaux […] doivent mettre en valeur les
caractéristiques de ladite construction. » On note ailleurs que « les saillies
ne sont admises que si elles répondent à une intention claire et justifiée
d’organisation et de composition architecturale de la façade concernée », et
l’on dit encore que « les balcons doivent faire l’objet d’une explication et
d’une justification quant aux moyens utilisés pour mettre en œuvre un effet de
transparence ou d’occultation au niveau des garde-corps ». Yvon Lacombe alerte
donc les rédacteurs : « Cet article, non obligatoire dans la rédaction d’un
PLU, essaie de traduire littéralement des notions trop subjectives. Cette
subjectivité ouvre la porte aux attaques de tiers et livre à leurs conseillers
juridiques une infinité d’arguments stériles car ils sont tout aussi
subjectifs. Les architectes peuvent certes comprendre que l’autorité compétente
en droit du sol veuille maîtriser les intentions esthétiques et d’intégration
des projets de constructions présentés par ses administrés. Notre expérience
nous autorise cependant à alerter sur les situations ubuesques rencontrées
quand certaines autorisations sont attaquées sur la base de cet article 11. Il
est arrivé à un de nos confrères architecte de devoir justifier par écrit que
les éléments de dessin et de composition de son architecture participaient à
l’écriture architecturale de son projet!… C’est d’autant plus grotesque que
pour “éteindre” cet argumentaire, il suffit d’y répondre littéralement. On peut
donc remettre en cause la pertinence de l’opposabilité d’un tel article aux
architectes. » « Pour promouvoir les intentions traduites dans cet article 11,
il suffit à l’autorité qui met en œuvre le PLU de s’assurer du respect de la
loi sur l’architecture n° 77-2 du 3 janvier 1977, précise-t-il. Cette loi
déclare en effet que : “L’architecture est une expression de la culture. La
création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion
harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou
urbains ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public.” » Sur ce fondement,
Yvan Lacombe avance l’argument suivant : « Cet intérêt public est défendu par l’architecte
sous l’autorité du maire ou de l’ECPI. Sa formation, son expérience, sa culture
et sa sensibilité d’architecte et surtout cette loi garantissent ce combat pour
l’intérêt public. Ces critères de beauté, d’intégration, de qualité sont
d’autant plus subjectifs qu’il est essentiel de faire confiance à notre corps
professionnel. » Il a donc conseillé de clarifier l’article au profit d’une
rédaction moins subjective et pour qu’il ne soit plus opposable qu’aux
administrés ne faisant pas appel à un architecte. « Ceci les encouragerait à
faire appel à un architecte, ce qui irait dans le sens de l’intérêt public
prôné par la loi sur l’architecture. Un rappel de la loi n° 77-2 dans cet
article 11 serait d’ailleurs pédagogique pour réaffirmer le rôle essentiel de
l’architecte dans la production d’architecture en lui donnant une légitimité
morale supplémentaire à opposer aux prétentions mercantiles de certains
professionnels de l’immobilier. » Pour conclure sur cet article, il a rappelé à
l’autorité compétente que la subjectivité de ces notions se retourne très
facilement contre elle, comme dans l’affaire des recours contre le permis de
construire du bâtiment signé par l’agence Sanaa à la Samaritaine. Et si le
nouveau PLUI en préparation à Toulouse semble écarter certaines aberrations
inutiles et source de recours, les critères subjectifs restent trop importants
à son avis, notamment dans le cas de l’article 11, où une « volonté de maîtrise
du bon goût entraîne toujours une part importante d’arbitraire ». Comme l’a
souligné Jean-Marc Bichat, cette réflexion sur le PLU mérite d’être replacée
dans la perspective plus large de l’évolution des approches urbaines. De façon
un peu schématique, les POS ont été créés à un moment où l’ordre conventionnel
présidant à l’organisation de la ville était remis en cause par une croissance
forte et l’influence de la période « moderniste ». Dans les années 1980, celle
des critiques faites au mouvement moderne, la tendance a consisté à renforcer
les règles. Vinrent ensuite les années 1990 marquées par une complexité
croissante avec la prise en compte des questions liées au mitage, à
l’éparpillement du territoire, à la qualité environnementale et au durable.
Avec le décret entré en vigueur le 1er janvier 2016, c’est la modernisation du contenu
du PLU pour mieux répondre aux enjeux d’aménagement du territoire qui est
d’actualité. C’est pourquoi nous y reviendrons dans le volet 2.
« Pour
l’architecte, la grande évolution entre POS et PLU tient à cette opportunité –
pas toujours mise à profit – de volet préliminaire à la partie réglementaire. »
LES DEUX DOCUMENTS CLÉS DU PLU :
– Le Projet
d’aménagement et de développement durable (PADD) qui n’est pas opposable aux
permis de construire et aux opérations d’aménagement définit les orientations
du projet d’urbanisme ou d’aménagement d’une commune ou d’une communauté de
communes. Sa rédaction simple et concise favorisera son objectif qui consiste à
donner aux habitants et aux citoyens une information claire sur le projet
territorial.
– Le règlement
du PLU traduit les orientations d’urbanisme et d’aménagement définies par le
PADD et fixe les règles générales et les servitudes d’utilisation du sol
permettant d’atteindre les objectifs. Il est opposable à toute personne
publique ou privée pour l’exécution de tous travaux ou constructions.
« Cet intérêt
public est défendu par l’architecte sous l’autorité du maire ou de l’ECPI. Sa
formation, son expérience, sa culture et sa sensibilité d’architecte et surtout
cette loi garantissent ce combat pour l’intérêt public. »
Lisez la suite de cet article dans :
N° 255 - Juillet 2017
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