Malgré son lot de nouvelles pesantes, cette année 2024 s’illustre par un nombre croissant de croisements disciplinaire enjoués, aussi bien dans les ouvrages théoriques que monographiques. Quand l’invisible des sols enrichit la surface paysagère, quand le bâti inspire la nature, quand la sobriété rurale appelle à repenser les méthodes de planification urbaine, le message à tirer est clair : si le monde ne tourne plus comme nous le pensions, l’inspiration est ailleurs, car peut-être que dans le fond, l’avenir, c’est les autres.
S’inscrire dans le grand paysage
Au point de départ de notre sélection, le catalogue Devenir jardinier planétaire. La préséance du Vivant, dont le titre dit tout ou presque de ce qu’il faut espérer d’un projet d’aménagement aujourd’hui. Gilles Clément et Coloco partent de la diversité de nos rapports aux Autres et de la richesse des êtres qui habitent ensemble, comme une invitation à penser nos ressources, nos talents, nos paysages. Comment imaginer de nouvelles manières de faire avec et pour le vivant, sous toutes ses formes ? Parmi les projets présentés dans le catalogue, celui de l’agence BASE dans la vallée de la chimie propose d’autres modes de faire territoire, en reconfigurant de la cohabitation entre des fonctions lourdes et des usages. Ce projet, et d’autres de BASE, sont dans le magnifique opus Terres fertiles, qui dépasse la simple monographie pour traiter de la problématique de la fertilité des sols, au regard de sensibilités scientifiques, paysagères, artistiques, à partir d’un retour d’expériences de l’agence.
Nourrir l’écologie par l’architecture
En contrepoint de l’abondante littérature existante sur les conséquences de la prise de conscience écologique sur l’architecture, Ce que l’architecture fait à l’écologie renverse la perspective et ouvre le débat. L’architecture est ainsi considérée comme l’un des laboratoires où s’inventent la technique, l’esthétique et plus encore l’éthique qui peut orienter et guider l’action collective dans le monde qui vient. Dans cette lignée, depuis 1980, Gilles Perraudin développe une stratégie de projet architectural fondée sur la compréhension et le respect de l’environnement, et une forte réflexion sur les matériaux et la maîtrise de l’énergie. Trilogie, Trois architectures en pierre revient sur la simplicité constructive, l’emploi de ressources locales et de matériaux géosourcés caractéristiques de l’architecte lyonnais à travers trois réalisations en pierre.
Croiser les échelles de l’urbanisme
Grand Prix de l’urbanisme 2023, Simon Teyssou est une figure originale du métier puisque sa pratique se tient loin des grandes agglomérations. Dans En campagne, on découvre les moyens souvent modestes mis en œuvre dans le contexte contraint d’une ruralité : recours aux ressources locales, préservation de l’existant, recherche d’efficacité dans les relations entre acteurs… Savoir ne pas en faire trop, voilà un credo qui peut s’appliquer du bourg à la métropole. Loin de l’imaginaire réducteur de la World City, Michel Lussault prend acte des effets de l’urbanisation généralisée qui rend nos espaces de vie interdépendants. Ce sont bel et bien les liens entre les vivants humains et non humains ainsi que la matérialité de leurs habitats qu’il faut considérer et soigner. Un mot d’ordre donc : Co-habitons !
Devenir jardinier planétaire. La Préséance du vivant, Gilles Clément et Coloco, Éditions Civic city et Lars Müller Publishers, 17 x 24 cm, 560 p., 29 euros.
Terres fertiles, Base, Backland Éditions, 23 x 31cm, 336 p., 37 euros.
Ce que l’architecture fait à l’écologie, Valéry Didelon (dir.), Éditions deux-cent-cinq, 16 x 23 cm, 160 p., 22 euros.
Trilogie, Trois architectures en pierre, Atelier Gilles Perraudin, Oliver Namias (photos Luc Boegly), Éditions Avenir Radieux, 24 x 33 cm, 176 p., 35 euros.
En campagne, Simon Teyssou, Grand Prix de l’urbanisme 2023, Ariella Masboungi et Antoine Petitjean, Éditions Parenthèses, 16 x 24 cm, 192 p., 22 euros.
Co-habitons ! Pour une nouvelle urbanité terrestre, Michel Lussault, Éditions Seuil, 14 x 22 cm, 56 p., 22 euros.