Lacol Arquitectura Cooperativa : le chantier continu comme processus d'appropriation

Rédigé par Maryse QUINTON
Publié le 01/12/2022

La Borda à Barcelone

Dossier réalisé par Maryse QUINTON
Dossier publié dans le d'A n°303

Chez Lacol, le chantier n’est pas une étape marquée par un début et une fin. Œuvrant dans l’habitat coopératif, les architectes barcelonais considèrent la conception comme un processus au long cours qui ne s’arrête pas le jour de la livraison. Elle se poursuit en temps réel, durant le chantier, de façon à répondre au mieux aux besoins des usagers et à ne jamais rien figer.

En 2022, ils ont été lauréats du prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine (EU Mies Awards), hommage rendu à la manière dont ils ont fait voler en éclats les codes du marché immobilier. Basée à Barcelone, la coopérative d’architecture Lacol s’est fait connaître en interrogeant le mode de production du logement, jusqu’à aboutir à la remise en cause de la législation espagnole1. Né en 2009 dans un contexte de crise, ce collectif composé d’étudiants devient en 2014 la coopérative d’architecture Lacol, qui compte aujourd’hui 13 associés. L’année suivante, l’élection d’Ada Colau à la mairie de Barcelone crée un climat politique favorable pour penser le logement différemment dans la capitale catalane et, surtout, pour sortir de la spéculation immobilière. Leur premier projet d’habitat coopératif, La Borda, s’affranchit du principe de propriété. Les habitants sont membres de la coopérative et acquièrent un droit d’usufruit du logement. Dans leur manière d’envisager le projet d’architecture et de le fabriquer avec les habitants, le chantier prend chez Lacol une place décisive. À La Borda, le système constructif a été retenu pour sa capacité à faciliter l’autoconstruction. Les habitants, parmi lesquels deux charpentiers, se sont largement impliqués durant cette phase, à la mesure de leurs compétences. Le projet repose sur une unité de 15 m2, permettant un type de logement non hiérarchisé et librement adaptable par chaque habitant. Les cloisons non porteuses ont permis d’ajuster les typologies durant le chantier, le programme n’étant pas définitivement arrêté à la fin des études. Dans la philosophie de Lacol, si la conception est partagée, celle-ci se cristallise lors de la construction qui prend des allures de grande aventure collective.

Un chantier qui se réinvente
De plus en plus souvent, les opérations de logements en France intègrent des espaces communs, sous-utilisés voire désespérément vides, faute d’avoir été pensés avec les usagers, notamment en termes de gestion. À La Borda, les 280 m2 d’espaces collectifs n’ont pas été affectés a priori. Et cela fait toute la différence. Les habitants ont attendu de prendre possession des lieux pour savoir ce dont ils avaient réellement besoin. Certaines intentions ont été confirmées, d’autres, abandonnées, tandis que de nouvelles idées ont émergé. Aujourd’hui, les 28 logements sont habités par 50 adultes et 12 enfants. Comment prend-on des décisions quand autant de personnes sont concernées ? Carles Baiges, cofondateur de Lacol qui vit à La Borda, raconte : « Tous les habitants étaient présents, investis et très engagés depuis le départ. Nous partageons un esprit commun, nous sommes tous là pour l’économie, nous savons ce que nous souhaitons partager. Finalement, c’est assez facile de discuter et de tomber d’accord rapidement. Lorsque nous nous sommes installés dans le bâtiment, celui-ci n’était pas fini. Durant la première année, nous avons poursuivi la conception in situ et organisé ensemble les espaces communautaires. Nous habitons La Borda depuis trois ans et le chantier se poursuit toujours aujourd’hui. Nous sommes perpétuellement en train de terminer quelque chose ! Nous sommes aussi dans l’observation de la façon dont le bâtiment se comporte, d’un point de vue climatique notamment, grâce à des capteurs dans certains logements. Nous avons déjà effectué des changements pour optimiser le fonctionnement. » La Borda est ainsi un chantier perpétuel, qui se réinvente continuellement, au plus près des besoins.

La participation comme condition du projet
Depuis cette première opération auréolée de succès, Lacol mène d’autres projets comme celui de la Morada, coopérative féministe et LGTBIQ+ qui regroupe 12 habitations et des habitantes totalement engagées dans la conception. Chez Lacol, la participation n’est pas démagogique, c’est la condition sine qua non de faisabilité d’un projet, et de son succès. À La Balma, ils ont conçu 20 logements pour des familles en voie de réinsertion sociale, un projet articulé autour de la notion de collectivité. Trois types d’appartements – S, M et L – permettent à la coopérative d’accompagner les parcours de vie. « C’est très stimulant de penser l’architecture avec les usagers, d’être dans le dialogue, de les amener à changer d’avis aussi, de s’engager ensemble à travers des opérations vertueuses pour la société et l’environnement. Lacol est une coopérative, nous fonctionnons nous-mêmes sur ce modèle et sommes habitués à travailler en groupe », explique Carles Baiges, pour qui rendre les habitants proactifs dans leur mode d’habiter, qu’il s’agisse de la conception ou du chantier, n’est pas une utopie.

1. Voir « Coopérative La Borda : un modèle alternatif, une architecture exemplaire », Pascale Joffroy et Laureline Guilpain d’a n° 279, mars 2020.

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