Tiny House |
Dossier réalisé par - JOFFROY PASCALE ET GUILPAIN LAURELINE |
Une caravane habitée à l’année peut-elle, doit-elle être considérée comme un logement, un habitat autorisé ou seulement un remède « de fortune » au « sans-abrisme » ? Si les comptages officiels manquent de données rigoureuses, on sait que l’habitat léger et mobile (deux qualités souvent liées) se développe avec la difficulté d’accéder au logement ou de pouvoir le payer. Il répond aussi parfois au choix d’habiter de façon plus écologique, plus autonome, en accord avec des valeurs personnelles. Il est à caractère « social », mais hors de toute production d’État.
La loi Alur a circonvenu certaines
questions légales attachées à ce sujet, ouvrant la reconnaissance de ces
habitats dits « démontables et mobiles », sans fondations, qui ne
sont plus considérés seulement comme des habitats de loisir ou de dépannage
mais inscrits dans le droit commun. L’esprit de la loi est clair : « La crise du logement frappe
durement les Français, touchés tant par la hausse importante des prix que par
la perte de la notion de vivre-ensemble et d’espace collectif, peut-on lire dans le dossier de presse qui résume la doctrine
de cette loi. S’opposant Ã
cet état de fait, de nombreuses expérimentations citoyennes émergent sur l’ensemble
du territoire et proposent de nouveaux modes d’habitat, autant d’alternatives
prometteuses aux pratiques classiques de production de logements. [...] Convaincu
que la diversité de la société doit se refléter dans la diversité des modes d’habitat
possibles et choisis, le Gouvernement a souhaité garantir et sécuriser ces
alternatives, pour permettre la diversification des formes d’habitat choisi,
dans le respect de l’environnement et de la biodiversité. »
Concrètement, la loi Alur modifie le code
de l’urbanisme pour rendre obligatoire la prise en compte dans les documents d’urbanisme « des besoins présents et futurs
de l’ensemble des modes d’habitat installés de façon permanente », y compris
donc l’habitat léger et mobile qui est, selon sa taille, soumis à un permis d’aménager ou à une
déclaration préalable. Une autre modification permet d’autoriser l’installation
de résidences démontables en l’absence de desserte par les réseaux de
distribution d’eau, d’assainissement et d’électricité (art. L111-4 du CU),
incitant donc à l’installation d’équipements autonomes. La loi Alur ouvre aussi
la possibilité de délivrer des autorisations temporaires reconductibles et de
les inclure dans les documents d’urbanisme, en zone urbaine (où la défense de
stationner régit généralement un peu vite la question) et dans les fameuses
« pastilles » des zones agricoles ou naturelles non constructibles de
façon conventionnelle.
Ces éléments
traduisent une meilleure acceptation de l’habitat léger. Leur application reste
cependant limitée par des principes qui n’évoluent qu’à la marge, en
particulier le droit du sol relatif à ce type d’habitat. L’architecte Misia
Forlen, ancien pilier de l’association Échelle Inconnue, souligne qu’il reste
impossible d’habiter une caravane toute l’année, ni sur un camping, ni même sur
un terrain privé. « La loi interdit l’habitat continu en
caravane, ce qui équivaut en droit français à ne pas reconnaître la caravane
comme un logement. Il faut toujours se déplacer ou habiter ailleurs par
intermittence. » Une
seule exception confirme cette règle depuis peu : le nouveau statut
de « Terrain familial » permet à un groupe de maisons légères
– auto-institué ou créé par des bailleurs en tant que logements sociaux –
d’être reconnu par l’administration territoriale. Un millier de places ont
ainsi été créées, mais la procédure est complexe et les résistances tenaces.
Une méfiance bien étrange si l’on songe à la société américaine, ou la mobilité
de l’habitat – du mobile home à la tiny house aujourd’hui, est une mode de vie banal
et accepté, hybridant sans complexe le modèle pop, les impératifs économiques
de mobilité au travail et les besoins de populations en situation précaire.
Pour une sortie de la zone de non-droit
Des associations de « la société
civile » luttent pour sortir ces habitats légers de la zone de non-droit
qui les condamne à être invisibles ou rejetés. L’ANGVC et la Fnasat-Gens du Voyage conduisent des études
quantitatives sur les « Besoins d’habitat méconnus des indicateurs du
mal-logement ». Des centaines de milliers de personnes seraient
concernées. L’architecte Stany
Cambot, fondateur d’Échelle Inconnue, déploie un activisme inclassable et
passionnant – auprès de travailleurs mobiles, par exemple. Reliée au mouvement du Dal (Droit au logement), l’association
Halem conteste que l’habitat en dur permanent soit la référence exclusive du
logement, « ce qui génère une précarité institutionnalisée ». En Belgique, le collectif HaLé et le
réseau brabançons pour le Droit au logement mènent des combats similaires. Une
dimension européenne de l’habitat léger tend à émerger, et le choix d’une
« région pilote » est à l’étude.
Des
« projets » d’habitations mobiles voient parallèlement le jour :
la « Maison qui déménage » d’Habitat et Humanisme
par exemple, ou la tiny
house mobile IMBY
(In My BackYard) des architectes Quatorze.
Mais ces projets ne bravent malheureusement pas la difficulté des déclarations
préalables en mairie, tandis que l’engouement récent pour l’habiter léger
incite parfois à l’élargissement de l’offre communale… et de ses dérives :
à Rezé, en Loire-Atlantique, le maire a récemment lancé un appel à installation
d’un « village de trois à six mini-maisons » sur une réserve foncière
de la ville de 6 700 m2. Outre une densité digne d’un banal pavillonnaire, l’autoconstruction
y est interdit au profit de modèles de « professionnels qualifiés »,
tandis qu’une redevance contre viabilisation de 250 à 300 euros par mois
est demandée aux futurs habitants. Ce déni de la réalité économique de l’habitat
léger au profit d’une réappropriation « bobo », vendeuse d’innovation,
est un risque. Les architectes sont attendus en revanche sur le terrain où des
formes d’assistance – légères elles aussi – sont utiles.
L.G. et P.J.
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