Bulletin des Castors, un partage d'expériences et de techniques entre des autoproducteurs ouvriers de logement |
Dossier réalisé par - JOFFROY PASCALE ET GUILPAIN LAURELINE |
Issu de réalisations militantes, ce courant revendique très politiquement la « troisième voie » d’un mode de production par le peuple, quand les deux autres – secteur public et privé – n’empêchent pas qu’un tiers de la population citadine mondiale ne dispose pas d’un habitat adéquat. L’habitat ainsi que la capacité de tous y compris les plus pauvres à le produire sont revendiqués comme des droits fondamentaux. Depuis quelques décennies, ce mode de production se solidifie en organisant des « partenariats public-habitants » qui le sécurisent et le différencient de l’habitat informel. L’idée n’est pas de s’exempter d’acteurs publics mais de reconsidérer leur rôle, qui n’est plus de produire le logement mais de soutenir juridiquement et financièrement la production des communautés d’habitants. Les logements sont produits sous forme d’habitats privés, de coopératives, de land trust, ou dans des statuts intermédiaires susceptibles de faire évoluer les titres fonciers (lire l’exemple à Dakar).
Une dynamique internationale
Désormais, ces pratiques
autogérées apparaissent significativement productrices de logement. Elles
commencent à se faire connaître en Europe, où elles intéressent les aspirations
à la démocratie participative etout en ouvrant les portes pour la production de
logements. La
proposition « Les communautés à l’œuvre » de Christophe Hutin pour le
pavillon français de la Biennale de Venise 2020 pourrait en attester : ce
n’est plus en Occident que germent les processus les plus prometteurs. L’outillage de ces projets est
capitalisé et mutualisé partout dans le monde par le mouvement des Slum
Dwellings international et la plateforme CoHabitat. Ils informent notamment les
groupes d’habitants sur les réseaux d’acteurs support, les relais
institutionnels et les modes de gestion financières mêlant l’épargne et des
abondements solidaires à différents niveaux. UrbaMonde, ONG d’appui à ce
courant, a rassemblé dans le livre Production
sociale de l’habitat (2015) des études de cas
provenant d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie du Sud-Est. Les urbanistes
Pierre Arnold et Charlène Lemarié donnent aussi des clefs concrètes dans leur
récit de voyage en Amérique du Sud intitulé Habitat
en Mouvement (2015).
Cyril Royez, responsable
de la maîtrise d’ouvrage de la Codha à Genève et président d’UrbaMonde, fait le
pont entre la formalisation de ces constructions populaires dans les pays en
développement et la production suisse de logements coopératifs. Pour lui, il est logique que ce
nouveau mode de production de logement s’impose si l’on en assure la
légitimation. De fait, cet élan de construction populaire, relié à l’histoire
« non savante » de l’habitat jusqu’à la révolution industrielle, se
déploie aussi bien pour la régularisation de quartiers informels et la lutte contre l’éviction d’un
quartier historique (le centre de Lima par exemple) que dans la construction de
quartiers ex nihilo.
On parle de production sociale de l’habitat quand la dynamique est lancée par la société civile. Pour autant, différents leviers opérationnels sont requis, en particulier des appuis techniques et architecturaux. Ils s’exercent globalement sous des formes contractualisées de conseil et de suivi (lire l’entretien ci-contre). C’est une autre approche de l’architecture, inspirée du regard radicalement social de l’architecte anglais John F.C. Turner (Fredom to Built, 1972, et Housing by People, 1976) … et portée directement par ceux-là mêmes qui ont besoin de se loger. L.G. et P.J.
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