L’« Aire d’attente », un champ de lin, de chanvre et d’orge, installera un paysage éphémère sur les friches du chantier de Lyon Confluence. |
Dossier réalisé par Stéphanie SONNETTE |
D’a : À Confluence, vous avez prévu de transformer des friches de la seconde phase du projet urbain en champs de lin, de chanvre et d’orge. Que défendez-vous à travers cette proposition ?
L’« Aire d’attente » pose la question des ressources et de l’occupation agricole éphémère des territoires en friche, qui tombent en déshérence pendant des temps donnés, sans aucune valeur d’usage, pas même un statut d’espace public appropriable et encore moins une valeur agricole ou esthétique. Cette occupation temporaire est-elle possible ? Peut-elle redonner à ces espaces en mutation une valeur d’usage productif et un potentiel d’accueil d’activités publiques ? À Confluence, les terrains sont pollués. La question de l’alimentation ne se pose donc pas, on ne pourra pas mettre de céréales, ni de pâturage. On peut en revanche envisager une production végétale, de matière, de ressources, qui pourrait ensuite être utilisée par des filières de réemploi, de matériaux biosourcés pour la construction, comme le lin, le chanvre ou l’orge. C’est ce qui nous a conduits à tester ces différentes céréales dans les « champs » de Confluence.
Comment allez-vous réemployer les céréales récoltées ?
Pendant la Biennale, nous montrerons en parallèle l’ensemble du cycle de vie du matériau et la filière de construction avec une intervention sur deux sites, en extérieur sur la friche et dans la Sucrière, où nous installerons une sorte d’amphithéâtre réalisé à l’aide de ballots de lin, de paille et de chanvre. D’abord, pour que les plantes poussent, nous allons rajouter une couche de compost de 10 centimètres sur le site de production, puisque des zones sont couvertes d’un revêtement imperméable. Fin juin, lors d’une fête et avec la participation des convives, les champs seront fauchés à la main. Nous ferons des meules, qui seront laissées sur place et enrichiront encore le compost en se décomposant. Ce sol vivant aura ensuite une seconde vie. Une fois la Biennale d’architecture terminée, l’artiste Thierry Boutonnier, qui travaille déjà avec nous sur le projet « Aire d’attente », interviendra sur ce même site dans le cadre de la Biennale d’art contemporain pour planter des boutures de rosiers de Damas dans le cadre du projet « Eau de rose ». L’installation éphémère « Aire d’attente » est donc une étape, le premier jalon du cycle de vie de la friche dont l’ancrage pourrait être raisonné sur le long terme. Il s’agit de ramener des cultures, pas simplement pour dire que c’est beau mais pour produire un espace qui nourrisse le débat autour de questions liées à l’urbanisme agricole.
Les parcelles sur lesquelles vous intervenez se situent au milieu de l’un des plus gros chantiers de la métropole.
Oui, ce qui pose la question de la concomitance entre le chantier et l’appropriation plus collective d’un espace qu’on valorise. Nous pensons qu’il peut exister une polyvalence et une proximité entre différentes activités et que les espaces en friche peuvent gagner en qualité.
Il y a une dimension démonstrative dans ce projet. Produire des resources grâce à une ocupa tion agricole temporaire des délaisés urbai ns, est-ce vraiment réaliste ou y a-t-il une part d’utopie ?
Avant tout, nous souhaitons donner une valeur productive à des espaces dévolus uniquement au chantier et n’ayant qu’une valeur vis-à-vis de la spéculation foncière. Ces espaces en friche peuvent gagner une nouvelle valeur d’usage dans ces temps d’intermittence et de latence. Si elle est expérimentale, notre intervention n’est pas non plus complètement utopique, elle suggère surtout un pas de côté par rapport à la notion générique d’agriculture urbaine. Nous cherchons à voir ce que l’agriculture peut apporter dans un cadre spécifique, dans la situation donnée des espaces en friche de Confluence. C’est aussi une manière de montrer les nuances possibles d’implication de l’agriculture en ville.
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N° 253 - Mai 2017
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