Dossier réalisé par - JOFFROY PASCALE ET GUILPAIN LAURELINE L’association HALEM agit pour la reconnaissance des modes d’habitats légers et mobiles. À son actif, des mobilisations et jurisprudence emblématiques, un dialogue sporadique avec l’administration centrale, un militantisme étayé contre une restriction de l’habitat au logement en dur et permanent. |
D’a : Quelle
est la vocation de l’association Halem ?
Halem est née dans un camping de l’Essonne en 2003, après une coupure administrative de l’eau et de l’électricité en plein hiver. Dans l’ADN de l’association, le lien est indissoluble entre les habitants des campings à l’année, les gens du voyage et tous ceux qui revendiquent l’habitat léger et mobile comme un permis de vivre. L’habitat léger et mobile n’est pas réservé au loisir, il est pour beaucoup de gens un logement qu’il faut doter de droits communs. Nous fabriquons notre boîte à outils sur le droit commun de l’habitat léger, dans sa diversité. Nous avons aussi un rôle de lanceur d’alerte contre les lois qui referment les possibilités d’habiter, comme l’article 90 du projet de loi Loppsi 2, qui avait prévu d’expulser sans le juge, sur simple décision du préfet, les occupants d’habitations non conformes. Il a été abrogé le 11 mars 2011 par le Conseil constitutionnel, jugeant qu’il était « sans considération de la situation personnelle ou familiale, de personnes défavorisées et ne disposant pas d’un logement décent », et qu’il « opérait une conciliation manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l’ordre public et les autres droits et libertés ».
D’a : Qui sont les adhérents
d’Halem ?
Ils font partie de ceux
qui sont vulnérabilisés dans leur mode d’habitat, qu’ils habitent en caravane,
véhicule habité, tiny house, yourte, maison de
paille, mobile home, ou cabane de bidonville. Qu’on leur refuse le droit à la
résidence, le droit à rester sur les lieux, le droit à l’eau et l’électricité.
L’habitat léger n’est pas toujours synonyme de précarité, et la précarité
elle-même couvre des situations ou désirs différents : désir ou espoir d’améliorer
les conditions de vie, choix de mode de vie, sobriété volontaire, rupture
sociale et renoncement. Que la situation soit subie, choisie, ou les deux, nous
nous intéressons aux formes d’autonomie qu’elle produit. L’habitat léger et
mobile est le seul habitat autonome.
D’a : À quels
domaines s’attache votre veille juridique et comment opérez-vous ?
L’administration produit
quantité de lois possiblement préjudiciables à ces habitats. Nous surveillons l’évolution
des lois, codes et règles sur le tourisme, la construction, l’urbanisme, le
pouvoir des maires. La loi Léonard sur le tourisme demandait à l’habitant d’un
camping de présenter au bout de trois mois une preuve de résidence principale
hors du camping, ce qui signifiait qu’un riche peut aller vivre dans un camping
mais pas un pauvre. Nous avons obtenu avec le Dal la suppression de ce point. L’automne dernier, nous
nous sommes battus sans succès pour le retrait de l’article 14 de la loi « Engagement
et Proximité » qui permet au maire d’évincer sans jugement toute
construction informelle. Alors que la crise du logement et la crise écologique
s’amplifient, que les politiques d’inclusion se délitent, cet échec nous pousse
à nous tourner vers les instances de contrôle des droits fondamentaux (Conseil
constitutionnel, Cour européenne des
droits de l’homme, ONU). Mais nous préférons l’action positive auprès
des maires pour les inciter à créer des zones d’implantation d’habitats légers
et réversibles et, en attendant, à délivrer des autorisations temporaires.
D’a : Quels
potentiels offrent les règles d’urbanisme ? Que répondez-vous à ceux qui
craignent un mitage du paysage par l’habitat léger ?
C’est une réserve assez
dogmatique dans la mesure où l’habitat rural est souvent dispersé et qu’on
souhaite éviter
la désertification des territoires ruraux. Il faut avancer en intégrant l’humain dans
la nature, et non par des lois hypocrites qui laissent par ailleurs construire
des
horreurs.
La loi Alur reconnaît l’habitat léger et ouvre des potentiels qui restent
encore d’application complexe. On peut regretter que, dans la pratique, les
conditions d’exceptionnalité de ces implantations à travers les
« Stecal » (secteurs de taille
et de capacité d’accueil limitées, ndlr) sont moins exigeantes pour les
installations agricoles qui artificialisent les sols que pour le 1 % affecté
à l’habitat réversible, qui subit des pressions normatives excessives. Nous
réclamons un allégement des formalités, et leur conformité à l’engagement de
non artificialisation des « porteurs de projet » (les habitants). Nous
avançons la possibilité de promouvoir un coefficient de réversibilité des
constructions. Nous
revendiquons également l’application de la « loi d’orientation et de
programmation » de 2003 portant une possibilité d’expérimentation dévolue
aux collectivités, pour un accueil plus ouvert de l’habitat léger. Enfin, le
Terrain familial locatif nous semble une voix institutionnelle importante.
Recommandée par les préfets, aménageable par des bailleurs sociaux et décomptée
au titre de la loi SRU, cette alternative aux aires d’accueil pour les gens du voyage
donne la possibilité de mettre quelques caravanes autour d’un local de
convivialité et ouvre des pistes.
D’a : Vous défendez le fait que
ces habitats sont des habitats comme les autres et avez mis le mot
« logement » dans l’acronyme de votre nom. S’agit-il d’un autre
modèle d’habitat social ?
Nous partons des besoins
des gens : tout le monde n’a pas la possibilité de trouver un logement, et
l’habitat léger apporte aussi des solutions à la précarité, au loyer trop cher
et au besoin d’autonomie. Il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas faire jouer
le droit au logement pour un logement social, parce que la procédure est longue
et qu’on se retrouve loin, seul, dans un logement coûteux. La reconnaissance de
l’habitat léger dans ses caractéristiques sociales portées par les habitants
décoince une situation bloquée par un système qui consacre tant d’argent à ne
pas résoudre le problème de l’habitat et de l’hébergement. L’habitat léger est
peu coûteux, il est appropriable, autoconstruit avec la possibilité d’un
accompagnement technique. En réalité, les habitats légers sont reconnus de
longue date, mais la loi Alur reste à double tranchant : elle reconnaît l’habitat
démontable mais le contraint au maximum.
D’a : Quel est
le rapport à la norme de ces habitations ?
En termes d’équipements,
nous orientons les habitants vers des relais techniques attitrés. La demande
est importante en termes de micro-éolien, capteurs solaires, filtration de l’eau et
auto-assainissement, et les exigences de l’administration sont lourdes en termes
de normes et d’organisme monopolistiques de contrôle. En termes d’écologie,
bien des constructions légères réversibles dépassent en performance les normes
environnementales et les attendus de non artificialisation des terres naturelles et
agricoles – en
premier lieu, les yourtes. Nous pourrions tranquillement revendiquer une aide à la
toile à côté de l’aide à la pierre ! Car en plus de proposer à moindre coût
un habitat sain, confortable, économique et nomade, on peut intégrer avec ce
mode de construction des objectifs écologiques que l’habitat en dur ne pourra
satisfaire, dont notamment le fameux « Zéro artificialisation nette ».
Propos recueillis par Pascale
Joffroy et Laureline Guilpain
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